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Eagulls

Interview publiée par Amandine le 16 mai 2016

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Nous avions rencontré la première fois Eagulls début 2014 lors de leur venue à l'Espace B à Paris. Deux ans après, c'est pour la sortie de Ullages, son successeur, que nous avons retrouvé George Mitchell, chanteur et tête pensante du groupe, et Henri Ruddel, batteur, pour nous parler du virage à 180° présent sur ce nouvel album.
George : On s'est déjà rencontrés pour une interview, non ?

En effet, c'était il y a deux ans, à l'Espace B, lors de vos débuts. Quelle mémoire !

George : Elle était super cette petite salle. C'est vraiment le genre de lieux où l'on adore jouer. Mais ça ne devait pas fermer ?

Oui mais finalement, le projet a été repris par une nouvelle équipe...

George : Super nouvelle ! Nous sommes très proches des petites salles qui demandent beaucoup de travail et d'organisation à une poignée de passionnés.

Avant, on fonçait tête baissée et ensuite on réfléchissait. Maintenant, c'est le contraire.

On s'était donc rencontrés lors de ce concert à l'Espace B il y a deux ans. Qu'est-ce qui a le plus changé pour vous en deux ans ?

George : Mon nez a malheureusement encore beaucoup grandi... (rires) Plus sérieusement, je pense qu'on a beaucoup mûri en tant que musiciens, c'est même indéniable. Nous réfléchissons beaucoup plus à ce que nous faisons qu'avant où l'on était totalement insouciants.
Henri : Avant, on fonçait tête baissée et ensuite on réfléchissait. Maintenant, c'est le contraire. On s'est rendu compte que c'était bien plus intelligent d'agir ainsi (rires).

A l'époque, certains d'entre vous avaient encore des jobs alimentaires ; je me souviens d'un vendeur chez GAP. C'est encore le cas aujourd'hui ?

George : Certains d'entre nous travaillent encore à côté de la musique.

Ce n'est pas trop difficile à gérer niveau agenda ?

Henri : En fait, on s'organise. Quand on sait qu'on est en tournée, aucun d'entre nous ne bosse, ça nous prend tout notre temps. Mais on travaille avant de partir, pour mettre un peu d'argent de côté pour notre retour. On ne fait plus de job à plein temps, on s'arrange autrement.


Vous avez d'ailleurs tourné avec Franz Ferdinand et avez joué dans de très grandes salles : ça change fondamentalement quelque chose pour vous de jouer dans de petites salles comme vous en avez l'habitude et de vous retrouver d'un coup dans un Zénith ou un O2 ?

George : On ne peut pas nier qu'il y a une différence fondamentale mais on essaie de traiter toutes les salles de la même façon, même s'il y avait une foule immense face à nous quand nous avons joué avec Franz Ferdinand ou Manic Street Preachers. Malgré tout, on essaie d'agir normalement, sans se soucier du nombre de personnes dans la salle. Finalement, la grande différence de par ces exemples, c'est surtout que nous ne sommes pas dans la même situation que lorsque nous tournons. Nous ne sommes que la première partie, la majorité des gens ne sont pas venus pour nous entendre et certains ne nous connaissent même pas. Du coup, tu ne peux pas les faire participer de la même façon car ils sont beaucoup moins réceptifs. Nous avons dans ces cas-là un autre but, c'est de réussir à attirer leur attention, et ce même s'ils ne sont pas venus spécialement pour nous. Il y a des points positifs et des points négatifs dans le fait de faire les premières parties de tels groupes dans de telles salles mais une chose est sûre : c'est toujours intéressant de tenter de gagner l'attention et la sympathie d'un public qui n'est pas le nôtre.

Pour le début de cette tournée, vous avez choisi des lieux très intimes et petits ; il y a une raison particulière à ce choix ?

George : Oui ! Nous voulions à tout prix jouer dans de petits lieux.
Henri : Au-delà du fait que ces lieux nous correspondent, il y avait aussi derrière tout ça une volonté de montrer qu'il faut soutenir ces petites salles et que même si nous sommes un peu plus connus maintenant, nous continuerons à jouer chez eux.
George : Et puis c'est toujours génial de pouvoir jouer tout près de tes fans, de leur montrer que nous ne sommes que des êtres humains tout ce qu'il y a de plus banal.

Justement, lors de ces premiers concerts de la tournée, vos fans ont pu découvrir vos nouveaux titres...

Henri : Exactement. C'était aussi un peu le but en fait. Nous voulions tester notre nouvelle musique sur des personnes qui nous connaissaient déjà bien. On voulait voir la réaction des fans avant tout. Et les premières réactions étaient à la hauteur de nos attentes.

Ce nouvel album justement, Ullages, est assez différent du premier. Il est beaucoup plus calme, moins abrasif...

Henri : Oui, on s'attendait justement à ce que le public soit plus statique étant donné que l'album est dans l'ensemble bien plus calme que le précédent et quand les gens ne connaissent pas le son, l'effet est encore plus décuplé. Mais en fait, ils ont bougé, ont participé.
George : Même s'ils ne connaissaient pas les morceaux, ni les paroles, c'était génial de voir les gens danser.

Avez-vous changé votre façon de travailler pour ce nouvel album ?

George : Je dirais que d'une certaine manière, c'est encore le même processus d'écriture en un sens car Goldy, notre guitariste, nous propose un riff et on construit autour de ça, j'écris les paroles. Cette fois, c'était un peu différent parce que j'arrivais avec ma mélodie pour la voix, je la faisais écouter aux autres, et on travaillait à partir de cette partie. Finalement, quand on y pense, on a quand même pas mal changé notre façon de faire, c'est vrai.

J'ai lu dans l'une de vos interviews que ça vous était difficile d'écrire pendant les tournées : quand avez-vous trouvé le temps pour écrire cet album ?

Henri : On a arrêté de programmer des concerts. On s'est rendu compte que l'on n'était pas du tout productifs en tournée donc il fallait prendre une décision qui nous permettrait de nous focaliser sur l'écriture de cet album. Je suis totalement heureux que nous l'ayons fait, ça a porté ses fruits.
George : C'était de mai à août et on a fait qu'écrire durant cette période. Avant ça, on n'avait que deux ou trois bouts de chansons sur lesquelles on avait commencé à écrire. En quatre mois, on a réussi à rendre un album complet.

Je me souviens que lors de notre première interview, vous m'aviez dit aimer travailler avec Partisan Records parce que vous aviez les mains libres avec eux : est-ce que ça a été la même chose cette fois-ci, même si on attendait forcément plus de vous que la première fois ?

George : Absolument ! Ils nous ont donné le temps et le lieu pour faire ce qu'on l'on voulait faire. Ils nous ont surtout laissé le temps... parce qu'il faut bien dire qu'on est allé bien au-delà de la deadline.
Henri : C'est le moins que l'on puisse dire ! (rires)

Nous ne voulions pas décevoir.

Avez-vous ressenti une quelconque pression pour cet album, maintenant que les professionnels et les fans attendaient cette sortie ?

George : Oui, nous avons ressenti beaucoup de pression mais finalement, ça venait plus de nous que de l'entourage. Concrètement, nous ne voulions pas décevoir et nous voulions que chaque fan qui avait aimé le premier album aime le deuxième. Nous avions donc une certaine pression car nous voulions nous surpasser et faire mieux que la première fois.

Donc ce n'était pas une pression venant de l'industrie musicale ou de votre label ?

Henri : Le label nous attendait forcément au tournant mais ils ont su ne pas nous mettre la pression. Je pense sincèrement que pour nous tous, c'était les fans les plus importants. On ne peut pas écrire des chansons sans se soucier un tant soit peu de tout ça, c'est impossible.
George : Je crois que la plupart des fans vont aimer Ullages parce qu'ils auront mûri dans leurs goûts musicaux en même temps que nous.

Et même si Ullages sonne très différent de l'album éponyme, on sent tout de même la patte Eagulls...

George : Parfaitement ! Je le crois aussi... et je l'espère !

Pour Ullages, vous vouliez construire l'album sur les fondations du premier ou vous en dégager complètement ?

Henri : Je crois qu'on voulait s'en dégager.
George : On voulait garder l'intensité et l'énergie mais d'une façon plus atmosphérique. On voulait qu'il y ait plus de nuance et de texture dans les compositions.

Quels thèmes avez-vous exploré cette fois ? Pour le premier album, George, tu t'étais beaucoup inspiré de tes angoisses et de tes anxiétés...

George : En effet, le premier album était beaucoup plus tourné sur moi-même et mon esprit parfois un peu torturé. Ça l'est encore pour Ullages mais d'une manière bien différente. Aujourd'hui, j'ai réfléchi à ce que je pensais de certaines choses du monde extérieur et de la façon dont les autres personnes pouvaient les percevoir également. Ça peut paraître assez proche mais je suis persuadé que c'est une bien meilleure manière d'appréhender les choses, avec plus de sujets à parcourir et sur lesquels écrire.


Et avec qui avez-vous travaillé ?

George : A peu près avec les mêmes personnes que la première fois. Mat Peel était une fois encore de la partie. C'était déjà lui qui avait enregistré le premier album. Nous avons enregistré dans un nouveau studio et c'était vraiment génial.

On avait discuté lors de notre première interview de l'enregistrement du clip de Nerve Endings et des flics qui avaient atterri chez vous : vous avez l'intention de réitérer un truc aussi dingue pour Ullages ?

George : Je crois que nous ne toucherons plus à ce genre de substances à nouveau. La décomposition des cervelles de porc, c'est du passé ! (rires)

On avait découvert votre premier album avec le très abrasif Nerve Endings et ici, vous avez choisi pour premier single un titre plus calme, Lemontrees ; que s'est-il passé ? Vous vous êtes autant calmés ?!

Henri : Nous avons voulu progresser et voir jusqu'où pouvait aller naturellement la progression.
George : Ce n'est pas que nous n'aimons pas le premier album mais nous voulions voir où nous pouvions aller par nous-mêmes, en essayant de nous renouveler et de ne pas refaire un deuxième premier album. Je crois que Lemontrees est l'illustration de la route qui s'est dessinée à nous pour Ullages.

Cet album est en effet très mélodique : vous aviez besoin que le public voie une nouvelle facette du groupe ?

Henri : Oui, nous voulions montrer qu'à côté des chansons post-punk agressives, nous savions faire des ballades également.

Vous venez de commencer votre tournée. Comment a réagi le public et surtout, comment vous êtes-vous sentis avec ces nouveaux titres ?

George : La première fois où nous avons joué les nouveaux titres, c'était à Londres et il faut bien admettre que nous étions tous un peu nerveux. Mais finalement, après les deux premiers titres, tout s'est très bien passé et le stress s'est envolé. Voir sur le visage des spectateurs qu'ils appréciaient nous rend toujours dix fois plus heureux qu'à l'habitude.