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Still Corners
Beth Jeans Houghton

Paris, Divan Du Monde - 26 mars 2012

Live-report par Emmanuel Stranadica

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Depuis maintenant quinze ans le festival Les Femmes s’en Mêlent permet pendant une dizaine de jours de découvrir ou redécouvrir des artistes féminines dans plusieurs salles parisiennes ainsi qu’en province. C’est au Divan du Monde que s’est déroulée l’affiche sur laquelle nous allons revenir. Lundi dernier, trois groupes aux horizons musicaux et aux origines différents s’y sont produits.

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Thus:Owls fut le premier à se présenter sur scène. Le groupe suédois démarre son set dans une ambiance un peu cabaret. Quatre musiciens : un guitariste, deux claviers et un batteur entourent la chanteuse Erika Angell parée d’une tunique grise et à la voix profonde et gracieuse. Le groupe, bien en place, sert à merveille le timbre de la chanteuse. La plupart du temps dans la gestuelle, celle-ci déploie des mouvements de bras prenant souvent la forme de balancier pour donner encore un peu plus d’intensité à sa voix. Le folk déployé par le groupe séduit le public présent. White Night, où cette fois les bras de s’apparentent à une position de prière, prend toute son envergure dans le feu des lumières rouges. Elle s’éloigne d’ailleurs du micro à plusieurs moments pour vocaliser, tant la puissance de son chant est importante.
Le groupe monte en intensité au fur et à mesure que le concert avance. Le ton change. D’une ambiance plutôt légère, l’univers de Thus:Owls s’assombrit. Un des deux claviers devient plus grinçant. La batterie s’enfonce dans des mouvements qui s’apparentent à des roulements de tambour, auxquels viennent se conjuguer des percussions issues d’une mini batterie utilisée pour l’occasion par le second clavier. I Weed The Garden s’ensuit et le piano de celle-ci vient apaiser la lourdeur de l’atmosphère. Par la suite, la batterie redevient plus lourde. Un clavier lancinant et les envolées lyriques de la chanteuse évoquent même le prog-rock. Le set est conclu par une jolie chanson médiévale, où une flute traversière vient idéalement se marier aux harmonies déployées par l’ensemble. Une très bonne surprise.

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Les très attendus Still Corners leur emboitent ensuite le pas. Le duo londonien, Greg Hugues et Tessa Murray, est accompagné sur scène par un guitariste et un bassiste. Auteurs d’un excellent premier album Creatures Of An Hour sorti en octobre dernier, les anglais s’élancent avec un instrumental de choix. Leur musique se mélange parfaitement aux visuels projetés derrière eux en fond de scène. Les films présentent un condensé d’images psychédéliques et d’extraits de films des années 60/70.
Je m’interrogeais sur la capacité du groupe à retranscrire sur scène l’ambiance magique et ensorcelante de leur album. La réponse ne se fait pas longtemps attendre. C’est d’une manière bien plus noisy et psychédélique que nous sont déversées pendant une quarantaine de minutes des versions réarrangées des chansons de disque. Le clavier souvent aérien de Tessa vient parfois flirter avec les sonorités qui peuvent rappeler Pierre Henry. De même, certaines lignes de guitares sonnent très krautrock et le quatuor anglais enflamme la salle avec une énergie folle. En plus d’être une blonde fatale, Tessa pose sa voix envoutante sur les harmonies déployées par les trois musiciens qui l’accompagnent. Cuckoo, leur tube absolu, se retrouve enrichi, dans une version bien plus musclée et accélérée par rapport à celle disponible sur leur disque. Certaines sonorités Moriconniennes issues de la guitare, en sus des projections, viennent renforcer un peu plus l’aspect cinématographique de l’univers de Still Corners. Si on peut reprocher à la formation de rester statique, on ne peut en revanche rien redire quant à la déferlante de décibels qu’ils nous déploient.
La setlist reste principalement concentrée sur les morceaux de l’album. Don't Fall In Love, première collaboration entre Greg et Tessa, espérée tout le long du concert, ne sera finalement pas jouée. Toutefois, une toute nouvelle composition fera son apparition vers la fin de la prestation. Le quatuor britannique a magnifiquement prouvé qu’il n’était pas un simple groupe de studio. On espère très vite les revoir sur une scène parisienne pour une prestation plus longue.

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Révélation du label Mute, Beth Jeans Houghton And The Hooves Of Destiny ont pour charge de clôturer cette bien jolie soirée. Auteur d’un premier album difficilement classable musicalement parlant, Beth Jeans Houghton et ses musiciens entrent sur scène dans un style un peu exubérant. En plus d’une coupe de cheveux, pour le moins excentrique (blonde platine avec un brushing bigoudiesque sur le devant), l’anglaise porte un haut léopard et un pantalon de cuir moulant. Ses musiciens (clavier, guitare, basse, batterie) arborent des peintures de guerre sur le visage, et son guitariste se présente habillé à la manière du monsieur Loyal de la troupe.
Il est indéniable que la voix de Beth Jeans Houghton est claire et semble irréprochable. Cependant, à trop vouloir jouer le rôle d'une diva entourée d’un groupe de saltimbanque, la jeune anglaise se transforme parfois en véritable castafiore. Et malheureusement, le concept de ce concert qui se veut vif, dynamique et drôle sombre petit à petit dans l’ennui. Le fait de toucher un peu à tout, rock, folk, country ou punk aussi lors d’un morceau, finit presque parfois par manquer de crédibilité.
En fin de concert, le début a capella de Skin & Bones trouble à juste titre l’audience. On aurait aimé que cela soit davantage le cas tout au long de leur performance. Cette éclaircie ne dure malheureusement pas et la reprise (ratée) du Like A Prayer de Madonna voit Beth Jeans Houghton plonger de nouveau tout droit dans ses travers.

Le talent de cette jeune femme est indiscutable. Il faudra peut-être toutefois que celle-ci fasse preuve d’un peu plus de simplicité afin d’éviter de gâcher un potentiel évident. Réponse à l’occasion d’un prochain concert parisien ?