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Babyshambles

Paris, Zénith - 3 octobre 2013

Live-report par Clémentine Barraban

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Peter Doherty est loin d'être inconnu des scènes parisiennes. En particulier depuis la sortie de son projet solo Grace/Wasteland (paru courant 2009), période durant laquelle l'enfant perdu d'Albion a délaissé sa chère Angleterre (plus ou moins par décision de justice) pour s'installer dans la capitale française et squatter de façon ferme les bars à concerts du secteur (encore récemment au Fontania et au Jane Club). Ainsi, c'est dans le Xème arrondissement de Paris que Sequel To The Prequel, troisième album des Babyshambles, dans les bacs depuis septembre dernier, a été enregistré pour marquer la réunification des membres du groupe.

Enfin de retour sur scène, ces derniers ont attaqué leur tournée européenne par le Zénith de Paris le 3 octobre dernier avec une prestation très inégale et porteuse de déceptions, en contraste avec un album aussi habilement orchestré. Car même après avoir composé un album brillant Pete Doherty reste cet adolescent attardé de trente-quatre ans, celui qui ne descend jamais en-dessous de deux grammes d'alcool dans le sang, qui explose sa guitare au sol, quitte la scène au milieu du set et - surtout - celui qui a maintes fois planté son public.
Et pourtant c'est aussi lui qui a su écrit un album solo si intimiste et délicatement touchant et qui a crevé l'écran au cinéma dans Confession d'un Enfant du Siècle. Son art repose sur le fait que tout amateur de rock aime profondément les poètes torturés. En grande figure rimbaldienne il a appris à ne rien laisser attendre de lui, du moins le pire, et s'offre par conséquent tous les atouts pour surprendre.

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A quelques minutes de la première partie, le Zénith n'est qu'à moitié plein et la fosse parsemée de chapeaux de Dandy sur des têtes de rockeurs en herbes. Les murmures vont du plan bien senti d'une demoiselle pour accéder au lit du charismatique et odorant leader, à d'autres, plus inquiets qui s'interrogent sur la venue en temps et en heure de ce dernier. L'arrivée du quinquet Clermontois Hill Valley coupe court aux conversations mais ne fait pas l'unanimité. Au milieu de la foule il est déjà facile de repérer les jeunes venus imbibés qui se laissent aller à gesticuler à corps perdus sur ce rock frénétique. Le chanteur enchaîne les tentatives ratées d'amadouer l'assistance et de la faire chanter. Sa voix haut perchée, qui détonne étrangement avec sa carrure, ne passe pas les guitares excités façon Fall Out Boy (et pour lesquels ils ont ouvert à l'Olympia) et les balances hasardeuses de la salle. Entre deux saturations il parvient à lâcher: « Ne vous inquiétez pas, Peter Doherty est bien là ». La fête est confirmée et l'information est acclamée.

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Après une bonne demi-heure de pause et d'impatience, le rideau noir fini par tomber et dévoile le très bel artwork coloré de l'album pour orner le fond de la scène. Une nouvelle demi-heure plus tard (un moindre retard pour les personnages en question) les Babyshambles viennent prendre place sur scène, suivis de près par l'individu chapeauté et chancelant qui leur fait office de leader. « Ohé matelots, il y a de la houle par ici ! » semble–t-il exprimer à ses acolytes en marinière. Lui s'est accoutré d'un costume trois pièces sombre, à la fois cintré et débraillé, avec des gants gris qui ne semblent pas décidés à rester en place sur ses mains et, bien entendu, son éternel chapeau qui lui cache le regard. La guitare est saisie et Delivery crée l'euphorie. Sans interruption, Nothing Comes To Nothing, Fall From Grace et Farmer Daughter, tirés de leur dernier album, alimentent l'ambiance déjà endiablée.

Environ quinze minutes de concert et Pete a déjà descendu trois alcools différents, mais il danse et joue en rythme avec l'habileté qu'on lui connaît et bredouille un « comment ça va Paris ? ». Alors que les guitares défilent dans ses mains, il en profite pour en faire vibrer les cordes et tirer le meilleur d'elles-mêmes, tandis que Drew McConnell insère dans l'introduction de The Man Who Came To Stay la ligne de basse de She's Lost Control de Joy Division, en hommage bien trouvé à leur influence.
Beg, Steal or Borrow et Killamangiro émergent tels des souvenirs du passé, puis, seul sur scène, en compagnie d'une acoustique et de l'une de ses danseuses venue le soutenir en chant, le ténébreux saltimbanque se retrouve à visiter le cœur enfouis des Libertines avec What A Waster. L'émotion et la délicatesse envolées, Pete reçoit sur la tête un soutien-gorge taille fillette et proclame que celui-ci semble idéal pour orner le pied du micro durant Seven Shades Of Nothing.

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En guise de rappel, le pianiste y va aussi de son solo nostalgique avec un très beau moment sur l'introduction de For Lovers et se pose dignement à la place de nouvelle recrue de marque. Plus téméraire, Pete se lance ensuite dans une tentative de galanterie à la française en reprenant une Marseillaise pas tout à fait nationale puis démontre qu'il ne connait pas mieux les paroles de Les Copains d'Abord depuis le festival Soirs d'Eté. Un petit massacre des Beatles et un final explosif sur Fuck Forever sous les projecteurs multicolores avant de lancer son micro-fil sur la foule, Pete et ses acolytes quittent la scène et reviennent pour un dernier salut, clôturant un show complètement sur le fil mais diablement plaisant.

« Le pire n'est pas le pire quand l'imagination lui pardonne », un live des Babyshambles pourrait parfaitement se conclure sur une telle citation de Shakespeare. Quand un Peter Doherty toujours à son niveau maximum de frasques et ses danseuses aussi gracieuses que peu souriantes sont rejoints par une bande de musiciens talentueux et bien rodés, cela donne un merveilleux foutoir, une ode à l'art et à la décadence. Comment désapprouver ?
setlist
    Pipedown
    Delivery
    Nothing Comes To Nothing
    Fall From Grace
    Farmer's Daughter
    The Man Who Came to Stay
    Beg, Steal or Borrow
    Killamangiro
    Unknown song
    What A Waster
    UnBiloTitled
    There She Goes
    I Wish
    Seven Shades of Nothing
    8 Dead Boys
    ---
    For Lovers
    La Marseillaise
    Les Copains d'abord (Georges Brassens cover)
    Albion
    Twist And Shout (The Beatles cover)
    Fireman
    Fuck Forever
photos du concert
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