Fontaines D.C.

De longs mois après leur excellente scène parisienne au Point Éphémère et un rendez-vous manqué cet été à la Villette, l'attente était perceptible parmi le public pour ce Bataclan complet de Fontaines D.C.
Les jeunes dublinois n'ont pourtant pas chômé depuis lors, ayant pris peu de repos et exploré quasiment tout le globe pour présenter leur premier album Dogrel, qui connait un succès unanime.

Leur popularité aussi soudaine qu'irréelle au vu du manque de hype du groupe est incroyable. Rappelons que Fontaines D.C a été rapidement reconnu par ses pairs au Royaume-Uni, sélectionné au fameux Mercury Prize et s'est vu offrir une télévision d'anthologie en étant invité au Tonight Show de Jimmy Fallon, talk-show le plus populaire de la NBC, chaîne publique américaine qui touche un public qui se compte en dizaine de millions de spectateurs.
C'est donc entouré d'un buzz rugissant que le groupe revenait enfin à Paris où l'on était en droit de se poser des question quant à ce que l'on nous réservait après cette longue séparation et cette ascension fulgurante.


La première partie est assurée par The Altered Hours, formation également irlandaise en provenance de Cork et proposant un rock garage aux sonorités psychédéliques qui rappelle les jeunes années du Brian Jonestown Massacre, étonnamment le groupe étant signé sur le label tenu par Anton Newcombe. Les guitares sont puissantes et les riffs plutôt graves s'étendent pour créer une atmosphère assez groovy, les voix féminines et masculines combinées au chant accrochant facilement notre oreille. Le groupe étant formé depuis 2013, on espère qu'assurer la première partie de Fontaines D.C attirera vers eux l'attention méritée.

Une chose est sûre, le quintet dublinois n'a en rien pris la grosse tête. C'est en tout cas l'impression rassurante qui ressort de cette prestation tant nous retrouvons la même énergie et le même jeu de scène inexistant qui font la gloire de ses jeunes musiciens. Distiller autant de rage et de puissance tout en gardant un phlegme et un calme quasi olympien tient du génie.


Le chanteur Grian Chatten est celui par qui l'émotion passe. Toujours engoncé dans son pull trop large, triturant nerveusement ses doigts et traversant de long en large la scène tel un lion en cage, ce dernier interprète de façon très fidèle au disque les morceaux tout en scrutant de son regard bleu perçant la fosse en délire et les balcons plus en retrait. Quelques remerciements timides sont adressés entre les morceaux, l'essentiel étant ici de garder sa concentration et de faire fi de la fatigue qui pèse depuis plusieurs mois.

La scène du Bataclan semble un peu large pour leur jeu minimaliste, mais l'absence de barrière entre le groupe et le public permet une proximité un peu brutale que les musiciens semblent apprécier.
L'intégralité de Dogrel est interprétée, le répertoire étant encore un peu limité mais cette simple heure de concert ne nous laisse pas sur notre faim tant aucun temps mort n'est à déplorer, le public de la fosse ressortant littéralement trempé de ce set intense.


On trouve chez Fontaines D.C cette faculté à se détacher totalement de l'attitude que l'on pourrait attendre d'un groupe considéré par beaucoup de médias comme leader de la scène post-punk actuelle. Leur attitude, qui finalement n'en n'est pas une, leur volonté d'aller à l'essentiel sans s'attarder sur des échanges superflus, et surtout sans se soucier d'être omniprésents sur les réseaux sociaux, leur permettent de toucher tous les publics, et c'est paradoxalement cette simplicité qui fait leur succès.

« I'm gonna be big » déclare leur titre éponyme. C'est à priori déjà le cas, mais espérons qu'ils tardent à en prendre réellement conscience.