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Blossoms

Paris, Trabendo - 2 octobre 2022

Live-report par Adonis Didier

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Vous le connaissez, le classique du chroniqueur en mal d'imagination pour introduire son sujet ? Eh oui, c'est bien lui, le point météo ! Un dimanche bien pourri, donc, avant de se présenter au Trabendo pour admirer la dégaine des indie-rockeurs les plus pop de Stockton-On-Tees, les bien-nommés Blossoms. Un dimanche passé dans le noir, à regarder tomber une pluie qui ne s'arrêtera qu'autour de 19h, heure à laquelle Tom Ogden indiquera au soleil, d'un preste geste du doigt accompagné d'un clin d'œil, qu'il est temps de ressortir de derrière la grisaille, parce qu'il y a des gens qui voudraient pouvoir sortir de chez eux et venir jusqu'au Trabendo s'émerveiller de son brushing.

Sorcellerie sucrée à attribuer ou non à Blossoms, nous sortons donc de notre chez nous sous un magnifique ciel bleu-orangé d'après orage, pour tout d'abord profiter d'une trentaine de minutes d'un revival Bowie mené par le canadien Art d'Ecco, sans doute possédé par le fantôme d'un quelconque cousin du dit David (oui, on ne va pas pousser le bouchon trop loin, Maurice). Mais si tout le monde est là ce soir, et par tout le monde j'entends beaucoup de lycéen.ne.s ou à peine plus âgés, plus un certain nombre de parents venus accompagner, parce que demain c'est lundi, et puis « l'année de seconde générale c'est vraiment la plus importante tout le monde le dit ! », c'est évidemment pour se déhancher devant les anglais les plus versaillais de toute l'Angleterre, j'ai nommé, pour la troisième fois, Blossoms.

Intro sobre, lumières violettes acidulées de rigueur, Tom Ogden et sa bande montent sur scène, malheureusement sans jabots, et lancent There's A Reason Why (I Never Returned Your Calls) en version dépouillée guitare-voix jusqu'au premier refrain, occasion rêvée pour envoyer l'armada basse-batterie-synthé et faire sauter toute la salle, qui ne se fait pas prier pour suivre le mouvement. Premier constat, Tom Ogden, superbement androgyne ce soir, a, en plus d'une voix sublime que l'on commence à bien connaître, un brushing absolument fabuleux, sans même parler de ce chemisier semi-transparent blanc à petites franges sur les manches, au décolleté ouvert jusqu'à mi-torse, le tout rentré dans un pantalon noir parfaitement ajusté, parce qu'un point mode ça ne se fait pas à moitié !
Deuxième constat, plus encore que sur les productions studios, la basse n'est pas venue ici pour faire de la figuration. Charlie Salt, caution barbe et musculature de la frontline, s'en donne à cœur joie avec le caisson de basses du Trabendo alors que débute Your Girlfriend, sans doute le deuxième tube le plus connu du groupe. L'occasion de remarquer qu'il n'y a pas un mais bien deux percussionnistes sur scène, quand retentissent ces petits coups de cloche dont on ne comprenait pas bien d'où ils venaient. En tout et pour tout un total de sept musiciens ce soir : on compte donc un chanteur, parfois aussi guitariste et pianiste, un bassiste aux chœurs, un guitariste à plein temps ainsi qu'un autre plus occasionnel, l'obligatoire préposé aux keyboards, et enfin nos deux batteurs, dont le deuxième, homme-orchestre des percussions, amenant au choix tambourin, maracas, cloche, voire même tam-tam sur My Swimming Brain et The Keeper, détonne clairement dans le groupe de par ses cheveux courts grisonnants et son air de daron à la quarantaine assumée, assurément le seul membre du groupe que l'on ne confondrait pas avec un étudiant en L3 de fac de lettre.

Oh No (I Think I'm In Love) nous fera vibrer lors de cette envolée instrumentale reliant les deux derniers refrains, le groupe entier se déridant enfin un peu musicalement pendant une vingtaine de secondes, avant l'inattendue intro de Honey Sweet, coups de semonces à la batterie accompagnés de flashs bien sentis, le tout orchestré par Tom, main en l'air, comptant 1, 2, 1-2-3-4, avant que le groupe ne lance le tube de milieu de concert dans une ambiance rouge-orangée particulièrement mielleuse. Espiègle et communicatif comme depuis le début du concert, Tom Ogden discute avec sa main pendant les couplets de Honey Sweet, manière bien sympathique de matérialiser sur la scène cet.te ex dont parle allègrement toute la chanson. Un membre du public ayant ensuite fortement vocalisé le fait que c'était son anniversaire, Tom demandera s'il y a d'autres anniversaires dans l'assistance, avant d'enchaîner en nous soutenant que nous sommes actuellement parmi les publics les plus chauds de la tournée, et que rien qu'en continuant comme ça, on pourrait viser la première place. Est-ce que c'est exagéré ? Oui, très, mais le bougre sait ce qu'il fait.

Tom Ogden, donc, omniprésent, rayonnant au centre de la scène, transformé l'espace de Ode To NYC en un Bob Dylan drôlement rafraîchi, douze cordes en bandoulière et harmonica en conclusion de cette petite bombe folk, qui s'avère bien plus pêchue en live que sur le dernier album en date. If You Think This Is Real Life ne trahit pas l'esprit du studio, et refait sauter un public qui commençait à s'ennuyer de l'absence de tube instantané. The Sulking Poet, géniale chanson, verra sa tentative de claps un peu compliquée avoir une réussite toute mitigée, tout le monde n'ayant visiblement pas bien suivi les cours d'éveil musical au collège. De plus, on regrettera l'idée du petit piano électrique pour chanteur installé très bas au milieu de la scène, nous privant sur plusieurs chansons de l'aura pétillante de Tom Ogden pour électriser la foule, ce qui s'en ressent sur l'ambiance générale, nonobstant la qualité indéniable des interprétations.
Des interprétations toutefois un peu trop lisses, trop programmées, et quelle n'est pas la surprise qui nous attend lorsque débarque Deep Grass, ultime chanson du premier album éponyme du groupe. L'ambiance est psychédélique, planante, tous les instruments sonnent lourdement, et on se met à headbanguer devant ce monstre soudain et improbable. Cerise sur le gâteau, un solo final entre bourdon et distorsion, dont on ignorait même que le groupe disposait des pédales adéquates pour proposer un tel son. L'intro suivante reste dans le ton, tout sent le plomb, le sable, et la sueur, les lumières à moitié éteintes laissent monter la pression, Tom relève encore les doigts pour faire 1-2-3-4, et At Most A Kiss déboule toutes guitares dehors derrière des flashs de lumière noirs et blancs. Oh là là, qu'est-ce que c'est que cette bande de rockers !? Et pourquoi pas un pogo tant qu'on y est !? Non, je déconne ! Parce que le public n'est finalement pas plus réceptif que ça à cette débandade rock 'n roll qui dévie clairement du contrat, et ne sortira vraiment de ses gonds que pour la finale et tant attendue Charlemagne.

On aurait donc personnellement aimé de Blossoms des interprétations plus musclées de leurs titres les plus pops et colorés, mais force est de constater que leur public est bien plus friand d'énormes tubes calibrés que de rock sale et décadent, et loin de nous l'idée de faire la morale underground à qui que ce soit. Dernier petit bémol d'une soirée ma foi très agréable, le show s'arrête avec seulement 1h10 au compteur sans rappel, histoire de coucher les gosses tôt pour l'école. Un axe d'amélioration pour finir ? C'est qu'on proposerait bien de faire sortir les enfants et les parents à 22h pour profiter plus rockn'rollement de Tom Ogden et sa bande en comité réduit, pourquoi pas jusqu'au bout de la nuit ? Une chose est sûre, ça dépasserait l'entendement, et peut-être aussi la morale.
setlist
    There's A Reason Why (I Never Returned Your Calls)
    Your Girlfriend
    Getaway
    My Swimming Brain
    The Keeper
    Oh No (I Think I'm In Love)
    Care For
    Honey Sweet
    Everything About You
    Ode To NYC
    I Can't Stand It
    If You Think This Is Real Life
    The Sulking Poet
    Deep Grass
    At Most A Kiss
    Charlemagne
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