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Dry Cleaning

Paris, Trabendo - 8 novembre 2022

Live-report par Franck Narquin

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Nous étions nombreux à nous être cassés les dents sur la billetterie de la Maroquinerie pour le tout premier concert parisien de Dry Cleaning en mai dernier, quelques mois après avoir dévoré avec un appétit vorace leur sidérant premier album, New Long Leg, mêlant habilement post-punk et spoken-word en dignes héritiers de Mark E. Smith, d'ailleurs disparu l'année de leur formation. Les veinards qui ont pu y assister nous en parlent encore avec des trémolos dans la voix, visiblement ébahis par la puissance scénique du quatuor londonien. Il était donc hors de question de rater leur deuxième apparition à Paris de l'année, alors que Stumpwork, à la pochette pour le moins clivante, sort tout juste de la presse. Ce second LP creuse le même sillon que le premier, tout en y insufflant un esprit un peu plus pop avec des compositions plus travaillées mais nettement moins soniques et fait la part belle au storytelling de Florence Shaw.

La première partie est assurée par Ghost Woman, groupe de garage psychédélique canadien, qui remplit parfaitement sa tâche et fait vite monter le mercure à coup de guitares saturées et de batterie lourde. Pas follement originale mais diablement efficace, leur musique nous permet de nous chauffer les oreilles tout en s'arrosant le gosier (modérément, mardi soir oblige). Dans la salle bondée, les fans de The Fall en Fred Perry et aux tempes grisonnantes côtoient ceux de Yard Act, en jeans baggy et aux joues encore roses alors que les troupes britanniques ont de nouveau débarqué à Paris, presque aussi nombreuses que pour une final de Champions League. C'est donc dans ce joyeux bordel que cohabitent anciens et modernes, grenouilles et rosbifs, tous venus applaudir ce soir un des plus originaux fleurons de la bouillonnante scène néo-post-punk anglaise.


C'est avec une vista toute féline qu'on voit notre photographe se faufiler dans une fosse aussi compacte qu'une rame de RER B un jour de grève pour atteindre le tout premier rang et vous proposer comme toujours des clichés pris sur le vif de haute qualité. Goguenards, Lewis Maynard, bassiste chevelu au look de métalleux 70's, Tom Dowse guitariste sur-expressif et visiblement chauffé à blanc, sortant d'un groupe de punk hardcore early-90's et Nick Buxton, batteur preppy à la Vampire Weekend, investissent la scène sous les hourras du public. Sur l'introduction de Kwenky Kups, Florence Shaw fait son arrivée, cheveux lissés en avant lui mangeant les trois-quarts du visage et chemise à carreau oversized, en mode Béatrice Dalle meets Kurt Cobain. Visiblement aussi heureuse que nous de sa présence à Paris, elle en profite pour nous annoncer que ce concert marque pour eux la toute première date de leur tournée Stumpwork.

C'est peut-être justement là que le bât blesse car le groupe paraît encore en rodage. Sur les trois premiers morceaux, la voix de Florence, mal balancée, sera largement couverte par les instruments, gâchant l'excellent Gary Ashby, sur lequel l'anglaise s'essaie (un peu) au chant et surtout Scratchcard Lanyard, LE hit du groupe. On salue d'ailleurs l'audace de Dry Cleaning qui osent reléguer ce titre phare en début de set plutôt que de se l'imposer en éternel bouquet final. Ce choix judicieux s'avèrera sans doute salvateur pour leur santé mentale (parlez donc d'ici deux ou trois ans de Chaise Longue à Wet Leg), mais on aurait quand même aimé assister à une version plus réussie.

Heureusement, la balance est vite corrigée et tout repart aux petits oignons avec le furieux Vicking Hair et des versions survitaminées de Her Hippo et Hot Penny Hair. Encore plus sur scène que sur disque, on est frappé par le niveau des musiciens qui envoient la sauce sévère avec une surprenante maestria. Si les albums font la part-belle aux guitares tranchantes, c'est la section rythmique qui ici impressionne le plus, la basse se faisant presque groovy, apportant du relief à des morceaux qui peuvent parfois lasser par leur uniformité.


En revanche, la prestation de Florence Shaw déconcerte. Longtemps après le petit problème technique initial, elle semblera chercher du regard la régie, l'air légèrement absente, délivrant ses textes sans grande conviction. La reprise de la tournée, le trac, un retour son défaillant, une trop mauvaise ou trop bonne drogue ? On ne saura qui blâmer, mais on gardera tout de même un petit goût d'inachevé, conscients qu'avec tous les membres du groupe à plein régime, un concert de Dry Cleaning doit être une sacrée expérience. Le public, visiblement moins pisse-froid que nous, semble prendre un réel plaisir à voir le groupe enquiller les morceaux et s'enflamme même sur des versions sous haute tension de Strong Feelings et Don't Press Me. La place de titre final étant laissée vacante par Scratchcard Lanyard, c'est le très calme Anna Calls From The Arctic qui endosse ce rôle, assurant un atterrissage en douceur.

C'est heureux mais insatisfaits que nous arpentons les chemins pavés humides et mal éclairés qui mènent à la station de métro Porte de Pantin et, peinant à chasser cette légère frustration de ne pas avoir vécu l'extase tant attendue, nous nous réjouissons tout de même d'avoir enfin pu voir ce groupe qui nous excitait tant. Pourtant, une petite voix durassienne ne cesse de nous trotter dans la tête : « Tu n'as rien vu au Trabendo. Rien ».
setlist
    Kwenchy Kups
    Gary Ashby
    Scratchcard Lanyard
    Vicking Hair
    Her Hippo
    Hot Penny Day
    Leafy
    Stumpwork
    No Decent Shoes For Rain
    Don't Press Me
    Conservative Hell
    Driver's Story
    Strong Feelings
    Unsmart Lady
    Magic Of Meghan
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    Tony Speaks!
    Anna Calls From the Arctic
photos du concert
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