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Déjà Vega
Happy2000
Teleforme
DEAFDEAFDEAF

Paris, Supersonic - 18 janvier 2023

Live-report par Adonis Didier

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Oyez, oyez ! Le tout Paris en parle, le mot est sur toutes les lèvres, de l'Elysée jusqu'aux troquets les plus douteux de la rue Mouffetard, et vous aussi, bientôt, vous saurez, et tout ça pour un seul petit franc dans la pochette ! Mais qu'est-ce donc que cette réclame fort impromptue ? Quel est donc cet événement à l'allure ubuesque qui semble nous être passé sous le nez ? Serait-ce la neige, la grève des transports, la fashion week, le retour de la NBA en France ? Que nenni, gentes dames et gentilhommes, rien de tout ça. L'évènement de la semaine c'est évidemment le retour des soirées They're Gonna Be Big au Supersonic. En tout cas, c'est que l'on en vient à croire en voyant le Supersonic Records plein à craquer, dès 20h et les premiers tintements de charleston annonçant l'arrivée sur scène de Teleforme.

Pour rappel, les soirées They're Gonna Be Big, comme le nom et la langue utilisée l'indiquent, ce sont des soirées pendant lesquelles le Supersonic programme en général quatre à cinq groupes, très souvent étrangers, pour ne pas dire quasi-exclusivement britishs, censés représenter l'avenir de la profession et du rock comme on l'aime. Le concept soufflant à peine sa première bougie, on ne se permettra pas ici de juger de la pertinence de la promesse, mais le fait est que même si Opus Kink, Hallan, ou KEG ne sont pas encore devenus des superstars internationales, ils n'en restent pas moins parmi les groupes les plus intéressants de la scène rock anglaise actuelle.


Mais revenons-en, malandrin digressif que je suis, à Teleforme, ouvreurs de bal d'une soirée bien chargée en occasions de guincher sévère. Une petite bande d'anglais bien jeunes, visiblement biberonnés à The Cure et Joy Division, qui nous surprend quelque peu en démarrant tambour battant un set que l'on attendait plus dépressif. Les pieds s'agitent sur la petite scène du Supersonic Records, le chanteur et son improbable look de membre de The Lemon Twigs se prennent les pieds dans les pédales du bassiste. L'énergie est présente mais la scène trop étriquée ne permettra pas de se faire une idée du potentiel scénique du quatuor post-punk. Les chansons sont dans l'ensemble plutôt correctes, la batterie tabasse avec force roulements de toms bienvenus, et les jeunes ont l'air de se démener pour faire vivre leur affaire. Et pourtant, quelque chose n'y fait pas vraiment. Un je ne sais quoi qui manque, trouvant son explication lorsque The Priest nous prend dans son élan (non ce n'est pas sale), entre hurlements et inventivité inattendue, juste avant les breaks ravageurs, lourds, et métal de For A Man. Teleforme, ce sont des jeunes encore bien jeunes, toujours en apprentissage, postichant tout en tristesse dépressive Joy Division et Fontaines D.C., mais qui viennent de nous prouver qu'ils avaient d'autres cartes en réserve, du genre que l'on a hâte de retrouver en studio. “Didn't expect so many of you”. Et bien nous non plus, cher chanteur au pantalon gris à carreaux, alors qu'il est maintenant temps de se frayer un chemin dans la foule et rejoindre le Supersonic Club pour ce que l'on attendait comme la bonne surprise de la soirée.


Happy2000, puisque c'est d'eux dont il s'agit, groupe Southampton-ien au nom d'antidépresseur venu compléter la liste des pépites de la soirée, rentre en scène sans chanteur, et introduit le concert par quelques minutes de boucles électroniques et de grosses guitares bien senties. On se dit que ça va envoyer, et ce n'est pas ce courtier en assurances barbu et cocaïné tout juste monté sur scène qui va nous contredire. Le chanteur d'Happy2000, à peine débarqué de la City avec son costume cravate et sa bière en 44cl achetée dans l'Eurostar, lance Bitterness en tapant dans les mains, agitant la tête frénétiquement, comme possédé par trop d'énergie pour un pas si petit corps, nous agrippant instantanément les tripes et les yeux, pour ne plus les lâcher jusqu'à la note finale. Les morceaux s'enchaînent, du rock anglais de ces dernières années, Yard Act en plus énervé, Opus Kink en moins Victorien, Hallan en plus électro, pendant que la proue du navire se dandine sur scène, imite un T-Rex qui tape dans ses mains, arrache involontairement son micro lors de Funny Little Walk, et s'effeuille progressivement de sa tenue de trader jusqu'à finir torse nu et suant, ambiance match de Premier League au Saint Mary's Stadium. Bien au courant de comment fonctionne une foule, le Club étant toujours aussi blindé, ce dernier descend nous rejoindre, danse avec nous, provoque un peu, provoque encore, et c'est parti pour le premier pogo de la soirée, avec notre invité de marque bien au centre. En profitant pour prendre un selfie devant le bordel qu'il vient d'initier, le groupe ne va pas redescendre, et les dernières chansons vont s'enchaîner dans le même joyeux bazar jusqu'à Behind Close Doors, final somptueux, longuement délayé à travers moults variations psychédéliques éléphantesques, posant Happy2000 comme l'une des plus grosses attentes en termes d'album ou EP de l'année à venir.


Après avoir vu ça, on peut rentrer tranquille. Sauf que non, le devoir nous rappelle, et on se remet à jouer des coudes pour retourner au Records, là où nous attendent Data Animal, petits poulains des New-Yorkais déglingués de A Place To Bury Strangers. La formation artistique, que l‘on pensait un trio, ne nous donnera ce soir droit qu'au chanteur néo-zélandais du triumvirat basé à Berlin, et c'est sans doute bien dommage. Ainsi, des prestations studio nous promettant du gros noise rock bien sale nous ne verrons rien, et à la place se présente une sorte de techno allemande bordant la Spree dans un vieux hangar désaffecté. Problème de personnel, problème de contexte aussi, car il est bien trop tôt, et notre organisme dépourvu de drogue n'était franchement pas préparé. L'unique membre de Data Animal se donne pourtant du mal, descendant dans la foule, portant à bout de bras son stroboscope qu'il fera gentiment passer dans le public, pour le plus grand plaisir de nos yeux et des épileptiques du soir. Nos pauvres yeux qui avaient déjà souffert du style visuel du bonhomme, entre lunettes orange pour aller skier et dégaine de punk allemand des années 70 à base de blouson en jean déchiré. Une prestation en demi-teinte donc, d'autant plus que le premier album du groupe nous faisait espérer un show plus abouti et plus puissance que ça.


Vous connaissez la musique, retour au Supersonic Club, et ouf cette fois on va arrêter de jongler entre les scènes. Sauf que bien évidemment, le Club est déjà entièrement rempli (décidément, ça manque de concerts en janvier), et tâche donc à nous de péniblement nous faufiler à travers les rangs jusqu'à obtenir un point de vue satisfaisant sur Déjà Vega, lesquels lancent la fin de soirée Mancunienne typique des soirées They're Gonna Be Big. Un groupe qui nous avait laissés un peu sur notre faim lors des écoutes pré-concert de l'après-midi, et qui prend une tout autre dimension en live, dans un Supersonic survolté, prêt à s'embraser à la moindre étincelle, et croyez-moi, étincelles il y aura. Ça commence dès la fin dévastatrice de It's All Gone Wrong, mode gros rock sale activé, et on trouve à nos trois bonhommes sur scène des allures de Crows avec un esprit post-punk, de IDLES si les IDLES avaient fait de la britpop, ou encore shame en plus crado noise (et moins inventif). Chaque chanson est l'occasion de partir en vrille, la fosse ne s'y trompe pas, les coups de cloche à vache envoyés par le guitariste non plus, et nous voici déjà à la sixième et dernière chanson. Seulement six chansons ? Un peu léger, non ? Surtout pour des punks qui dépassent rarement les trois minutes ? Sauf que The Test, affichant déjà cinq minutes dans sa version studio, va ici se voir étirée, reprise à toutes les sauces, renvoyée dans les cordes, renvoyée contre les vitres embuées du sauna que Déjà Vega vient de monter au milieu du Supersonic. Larsens de guitare, piano électrique, double micro pour encore plus d'écho, tout y passe, et nous avec, avides que nous sommes maintenant d'air frais et d'une eau qui se trouve plus sur que dans notre corps.


Pause fraîcheur effectuée, on termine la soirée avec DEAFDEAFDEAF, encore des petits gars de Manchester, et si vous trouviez ceux d'avant bourrins, vous n'avez encore rien vu. Pas de subtilité ici, pas de cours de chant non plus (« on s'en fout c'est du punk ! » me souffle-t-on à ma gauche), mais un résultat qui envoie quand même bien comme il faut, et de toute façon, notre oreille musicale n'est plus en état de faire la difficile, tout comme notre cerveau. On jette ainsi nos dernières forces dans la bataille, et on pogote devant ce genre de Fontaines D.C. mal dégrossi, plutôt très brut de pomme, tout en fougue et sans aucun sens de la mélodie. Déjà Vega nous avaient surpris en live malgré des albums plutôt communs, ici on ne sait pas très bien si on doit se fier au studio ou au live, tant les deux semblent manquer de quelque chose, et comme ça on parlerait sans doute de musicalité.

Une bien bonne soirée tout de même, et si on devait résumer tout ça en quelques conseils sur le tas... n'oubliez pas Teleforme pour dans quelques années et plus de poils au menton, si Déjà Vega passe par chez vous passez leur faire coucou, et god please god, notez Happy2000 en rouge et en surligné dans tous vos agendas ! Sur ce, passez une bonne nuit de sommeil, et si vous vous demandez pourquoi il a neigé le lendemain, c'était sûrement le chanteur de DEAFDEAFDEAF.
setlist
    TELEFORME
    Empty Faces
    Concrete Living
    Tired
    Bright Lights
    Hold Your Head
    Drowning
    The Priest
    Crisis
    For A Man
    Little Victories

    HAPPY2000
    Intro
    Bitterness
    Funny Little Walk
    What A Mess
    Palaver
    BGB
    PP
    Behind Close Doors

    Déjà Vega
    It's All Gone Wrong
    Mr. Powder
    Spitting Gas
    Catharsis
    Who We Are
    The Test

    DEAFDEAFDEAF
    Non Disponible
photos du concert
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