The Horrors

Il y a quelques mois de cela, The Horrors avaient fait le coup du contre-pied magistral en abandonnant la ligne artistique qui avait vu la bande développer une pop au son léché depuis Skying en 2011. Le groupe nous était revenu avec Lout, EP de quatre titres aux sonorités musclées et empreintes d'une texture rock indus noisy.
Le grand écart avec les dernières productions de la bande de Faris Badwan avait de quoi surprendre au-delà du profane qui ne connaît pas la propension des Anglais à faire exactement ce que l'on n'attend pas d'eux. Il suffit seulement de se rappeler la perplexité des fans de la première heure à l'écoute du sage successeur au fiévreux et adoré Primary Colors.

Seulement voilà, la liberté artistique n'est pas gage de qualité ou de cohérence, et de nouveaux titres agressifs ne veulent pas nécessairement dire un retour aux sources inspiré. À tel point que l'écoute de Lout nous laissait espérer une simple saute d'humeur passagère, ou un exercice de style. Against The Blade nous confirme malheureusement le nouveau virage pris par The Horrors, qui appréhendent ce choix comme un retour à l'esprit de Strange House, mais « projetés dans le futur ».

C'est ici qu'on peut logiquement être en désaccord avec l'analyse, car ce qui est considéré comme le futur consiste en un gros son industriel des années 90, bien trop poussif et caricatural pour ne pas se prendre les pieds dans le tapis. Dans la lignée de Lout, Against The Blade nous dévoile un titre éponyme certes physique et entraînant, mais stéréotypé à tel point qu'il ne ferait pas tâche en musique du générique d'un mauvais film Marvel. Voix caverneuse, surabondances d'effets vulgaires et putassiers, ce premier morceau tombe décidément à côté de son sujet.

Le souci est qu'il ne suffit pas de poser deux ou trois sons sombres et menaçants autour d'un riff rageur pour faire du rock indus. Au demeurant, n'est pas Trent Reznor ou Al Jourgensen qui veut, et The Horrors n'auraient pas pu s'y prendre mieux pour présenter une copie grotesque de Ministry, Nine Inch Nails ou KMFDM.
Twisted Skin n'arrange rien, nonobstant l'idée intéressante des nappes ambient au milieu de ce morceau électro survitaminé, le résultat ne fonctionne pas du tout. Le drame est de ne pas se rendre compte que Against The Blade a quelque chose comme trente ans de retard, et le groupe nous donne l'impression pathétique d'explorateurs qui poseraient les pieds en Inde quelque 520 ans après Vasco de Gama.

Au risque de contredire les cinq de Southend, Against The Blade n'a rien de novateur. Si l'accueil de Skying était plutôt froid de la part des fans de la première heure, il avait l'avantage de présenter des morceaux intéressants et offrir un champ des possibles largement exploité plus tard avec Luminous et V. Ici, The Horrors s'enferment irrémédiablement dans une impasse, un terrain découvert, exploité depuis longtemps, qui ne peut rien apporter de nouveau sinon confiner au ridicule. Ce n'est pas l'infernal essai dark techno lourdingue I Took A Deep Breath And I Kept My Mouth Shut clôturant le débat qui nous sauvera de ce naufrage.

Décidément on ne sait vraiment pas ce qui est passé par la tête de The Horrors, qui n'auront malheureusement jamais aussi bien porté leur nom. Il ne nous reste plus qu'à attendre impatiemment le prochain virage.