Chronique Single/EP
Date de sortie : 18.07.2024
Label :SO Recordings/Hideous Mink Records
Rédigé par
Adonis Didier, le 17 juillet 2024
Les poussins étrangers ? Les meufs extraterrestres ? Sans doute les deux, tant la ligne directrice et éditoriale d'Alien Chicks est sens dessus dessous, bipolaire et psychotique, libre comme le vent, et il y en a même qui disent qu'ils l'ont vu voler. Alien Chicks, trio basé à Brixton, capitale afro-caribéenne d'une Londres aux célèbres flingues, composé de Martha à la batterie, Stefan à la basse, et Josef à la guitare, autant inspiré par black midi que par ABBA et de Denzel Curry, le genre de cocktail que l'on met dans le shaker à quatre heures du matin en se disant que ça va être dégueulasse, mais imagine... nan mais, imagine...
Et après avoir vomi une, deux, puis trois fois, vous regardez ce pote qui ne croyait pas en vous depuis le début et qui avait bien raison, avec la délectation d'être arrivé à quelque chose de, si ce n'est buvable ou même raisonnablement conseillable, plutôt très bon rapport à ce que vous avez mis dedans. Moins de black midi, plus de glaçons, et un nouvel et inattendu ingrédient secret retrouvé dans le placard oublié, le plus en haut de l'étagère de mamie, où traînent les vieux sachets de thé, les restes de sucre roux et de farine de châtaigne, un pot à peine ouvert de clous de girofle, et derrière toutes ces choses aux odeurs de space pain d'épice, le premier album de Mr. Bungle. 12cl de la bande à Mike Patton pour transformer un truc imbuvable et déstructuré en char d'assaut du funk-free-jazz aux accents ska, et juste une lichette de post et de punk pour replacer ça dans son époque.
Un pudding à la nitroglycérine se lançant sur la langue par la note post-punk de Curtains Up, relevée des couplets rappés en bande accélérée de Josef, et de l'atmosphère gluante et métalleuse des Deftones. Une attaque suivie d'un milieu de bouche en free-jazz métal parfaitement maîtrisé, condition sine qua non d'un free-jazz réussi. Verbena Green et Frames à cent à l'heure, résultat de jams retravaillés et réalignés aux exigences d'un enregistrement studio digne de ce nom, parce que taper des notes au hasard très vite et appeler ça du jazz, ça va bien deux secondes. Qwerty embraye la quatrième par ses couplets chills et relaxants, ses refrains punk-métal californiens, dans une alternance nettement moins aléatoire et gratuite que chez beaucoup (cowboyy et black midi, pour ne pas les citer), tout ça pour vous dire que la masterclass n'est même pas encore arrivée.
Une masterclass actor studio avec Steve Buscemi, rien que ça, pour une des meilleures chansons de l'histoire du punk californien en Angleterre. Le groove est dément, le flow de Josef nous chope par le bras pour nous lancer jusque sur un refrain installé sur un trampoline soutenu par quatre kangourous posés sur le dos d'une gigantesquement géante puce de mer. « Jump, jump, everybody jump ! » crie le sang de la veine ensoleillée de la section rythmique, pendant que cuivres et distorsion ointe bodybuildée s'affrontent en l'honneur des cernes les plus célèbres du cinéma américain. Clap de fin, Slinky Man s'éloigne dans le soleil couchant, la prise de son est faite dans une salle de bain, les rideaux de la douche se referment sur une guitare acoustique et la plainte lointaine du cowboy solitaire contemplant l'océan Pacifique.
Que la ruée vers l'or fut rude et sanglante, mais que la pépite est belle, maintenant qu'elle brille dans les reflets chromés des Cadillacs balayant le front de mer avec la régularité de la houle océanique. Une pépite aussi jazz et ska que punk et métal, aussi bien from Brixton, London que from Eureka, California, une pépite appelée Indulging The Mobs par Alien Chicks, un filon que l'on n'a pas fini de creuser, et dont on espère qu'il regorge de trésors qui nous rendront riches, très riches, parce que ce n'est pas en chroniquant du Orlando Weeks qu'on va se payer une villa sur la côte.