Le 23 juillet 2018, en fin d'après-midi, un doux soleil brille sur le sud de Londres. Artiste prometteur et producteur courtisé, Ethan P. Flynn, proche de FKA twigs, Nia Archives, Black Country, New Road, Jockstrap, Vegyn et slowthai, aussi à l'aise dans le songwriting indie-folk que dans la bidouille électronique (ndlr : oui, ce mec est too much, ce mec est trop), rencontre Ava Gore, batteuse et chanteuse, formée à la bossa nova aussi bien qu'au chant opératique. Quelques années plus tard, Ava rejoint Ethan sur scène, puis ils fondent ensemble le groupe Silver Gore. Le 23 juillet 2025, soit sept ans jour pour jour après leur rencontre, sort leur premier single, suivi le 12 septembre de leur premier EP, tous deux intitulés Dogs In Heaven.
Pour des raisons indépendantes de notre volonté (la sortie concomitante de l'album de Maruja, la fin de l'été, la rentrée scolaire, un diner du jeudi encore trop arrosé ou, qui sait, le présentiment que Rosalia allait d'ici deux mois sortir LUX et de nouveau révolutionner la pop-music ou bien encore l'inévitable agonie du parti socialiste), nous avions totalement oublié de chroniquer ce disque. Erreur professionnelle, licenciement pour faute grave, regrets éternels et tarte dans la tronche me pendaient au bout du nez. Mais voilà, aujourd'hui je répare cette erreur et vous présente votre nouveau groupe préféré, pour des siècles et des siècles. Tout est pardonné.
Vous aimez la pop gracieuse d'English Teacher, le déconstructivisme ludique de Jockstrap, les lignes de basses qui roulent, les refrains fédérateurs, la mélancolie aérienne de Black Country, New Road et la musique d'aujourd'hui qui invente celle de demain mais sans jamais se prendre au sérieux ? Vous allez adorer Silver Gore. Alors oui, je vous l'accorde, j'en rajoute un peu, mais parfois un groupe devient intensément notre chouchou pour une raison indépendante de notre volonté (une voix qui frissonne à l'oreille, une mélodie qui frappe en plein cœur, une production brillante ou une intervention céleste). L'intraitable critique musical redevient alors un fan, prêt à convertir la Terre entière. Et pourtant, l'efficacité imparable de A Scar's Length et All The Good Men, la douceur fracassante de Dogs In Heaven et Forever et le charme ensorcelant de Celestial Intervention et 25 Metres parlent d'eux même. Six morceaux seulement, mais dont aucun ne donne envie de redescendre sur Terre.
Ava et Ethan ont en commun un goût pour la pop mutante, la sophistication qui ne s'excuse pas d'être bancale et le chaos comme moteur de beauté. Chaque titre semble né d'une humeur, d'un geste, d'un accident heureux que le duo a su laisser respirer. Ils pensent la pop dans sa forme la plus pure, c'est-à-dire fragile, spontanée et miraculeuse. Voilà pourquoi nous ne pouvions pas passer à côté de ce disque, voilà pourquoi vous ne pouvez pas passer à côté de ce disque. Alors maintenant et sans en rajouter, en vérité je vous le dis, tout est pardonné.