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Teenagersintokyo

Paris, Flèche d'Or - 18 juin 2010

Live-report par Olivier Kalousdian

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Il y a 70 ans, Charles de Gaulle s’envolait pour Londres et appelait les Français à résister. Peu nombreux au départ, ils se mobilisaient petit à petit jusqu’au paroxysme d’une foule en délire allant assister à son retour à Paris à la libération… C’est un scénario étrangement similaire qui va se mettre en scène ce soir, à la Flèche d’Or !

Samantha, Miska, Linda, Sophie et Rudy forment les Teenagersintokyo (en un seul mot) ; cherchez l’intrus ! Quatre filles dans le vent et un gars dans le rang. Décidément, la nouvelle scène rock, Française et internationale, donne de plus en plus dans les groupes de femmes enfants, fortes d’une plastique et d’un style vestimentaire irréprochables, prêtes pour passer au « Grand Journal » !
Par style vestimentaire, il faut entendre robes flashy et aussi courtes qu’un titre des Ramones et bustiers aussi transparents qu’un rideau de douche dans Psychose ! La chanteuse, elle, ne porte simplement rien en dessous de la ceinture. Une tunique dorée à longues franges qui démarrent à la taille habille ses hanches et ses jambes et, sans un collant noir opaque, on peut parier que l’auditoire masculin de ce soir aurait appelé à la transgression, au moins mentale ! Ceux qui s’attendaient à un groupe japonisant ou composé de jeunes écolières de blanc vêtues, comme on en trouve au hasard d’Internet, en sont pour leur frais. Teenagersintokyo est une formation électro rock flirtant parfois avec la pop à la mode Anglaise. Plus proches du courant électro chic de Miss Kittin avec des instruments en plus et l’inspiration en moins que du rock sans concession des Peaches.

Leur premier album, Sacrifice, est sorti voilà trois jours à peine (le 15 juin) et cette soirée aurait pu être une soirée de lancement gratifiante pour cette jeune formation australo-anglaise, mais à en juger par la foule présente à la Flèche d’Or pour leur prestation, on peut affirmer sans peine que leur maison de disque n’a pas risqué son capital sur leur budget communication ! Je ne me souviens pas avoir vu si peu de monde ici... surtout par un soir d’une telle douceur.
Enregistré aux studios Bryn Derwen, au fin fond de la campagne anglaise avec le producteur deux fois nominé au Prix Mercury David Kosten, Sacrifice nous offre une intéressante musique cosmique, sinistre, emplie de synthés, de rythmes entraînants et de guitares hurlantes. En un court laps de temps, les Teenagersintokyo sont passés du néant au stade de groupe à voir, tournant à guichet fermé en Angleterre, soutenus par le NME, et plus récemment obtenant la première place dans les classements de Hype Machine avec le remix de Peter Pan par The Horrors.

Les références de l’album sont assez attendues. Isabella rappelle les premières productions de Siouxie & The Banshees en forme de sérénade électro-punk, alors que Long Walk Home fait penser aux synthés de Joy Division. « Rappelle », « Fait penser », ce sont bien là des comparatifs de style et des pistes concernant leurs influences potentielles mais en aucun cas un jugement de valeur qui pourrait indiquer que Teenagersintokyo partage les talents et l’inspiration de leurs aînés !
Et pour entériner le constat peut être un peu rude, il n’y a malheureusement que l’ombre de leur musique qui envahit la piste de la Flèche d’Or ce soir. Les ombres des spectateurs, elles, sont tellement peu nombreuses qu’elles peuvent se compter sur les doigts de deux mains !
Pire encore, la soirée se poursuivant avec Think Twice et Charles de Goal, deux groupes Français pourtant bien moins « up to date », la foule arrive enfin, juste à la fin du set des Teenagersintokyo, rendant leur prestation pénible et presque triste quand à la fin du dernier morceau, un silence accablant tue tout espoir de rappel ! Quel intérêt à se faire si belles et si sexy pour jouer Paris ont l’air de se demander les quatre filles quittant la scène ?!

Think Twice, eux, ne sont pas à proprement beaux ou dans la mode du moment mais ils dégagent ce petit plus que dont le rock veut bien gratifier quelques uns de ses rejetons ! Le chanteur est un modèle de chanteur US made in cote ouest, ventre et joues rebondis accentuant un jeu de scène qui n’a rien à envier à un Franck Black et ses musiciens, clavier excepté, partagent les traits et les creux des mauvais garçons ayant abusés des opiacés. Think Twice est un groupe extensible (on compte de trois à cinq membres suivant les années), formé en 2003 par Jean-Christophe Couderc, Benoit Raymond et Macdara Smith. Leur premier maxi Under the bombs est sorti chez F Communications en avril 2004 alors que les États-Unis envahissaient Bagdad.
Leur patchwork musical prenant ses sources dans le rock, la musique électronique, le funk, le jazz et le hip-hop, font de eux, à leur début en France, les pionniers du renouveau No wave / Punk-Funk dont James Murphy et son groupe LCD Soundsystem sont les fers de lance. Il n’est d’ailleurs pas possible de ne pas reconnaître l’outrageuse influence de James Murphy et de son groupe chez eux. Ceci dit, formé en 2003, l’inverse est également plausible ! Leur interprétation de Last Call est impeccable, la voix rappelle vraiment celle de Damon Albarn et ensorcelle le public alors que le chanteur finira en sous-vêtements, peut-être pour rendre hommage à ses prédécesseurs sur scène !

Charles de Goal est le projet d’un seul homme, Patrick Blain. Pendant plusieurs années, Charles De Goal, qui ne donnera pas de concerts avant 1985, entretient l'anonymat : personne ne sait qui se dissimule derrière le chanteur et les rumeurs vont bon train. Après deux albums oscillant entre punk et coldwave, minimalistes, sombres et nerveux (le premier, Algorythmes, a marqué toute une génération, et pas seulement en France), Charles De Goal teinte sa musique de pop, et décroche même quelques hits avec passages télé et radio.
C’est donc dans la lignée des Wire ou des Madness, toutes proportions gardées, que Charles de Goal revient donner quelques leçons d’humilité aux générations d’aujourd’hui, ne rechignant pas à se qualifier « punk rock », sur le retour… Wire, Devo ou encore Gangs of four, des formations qui ont beaucoup compté pour Patrick Blain et Charles de Goal. En 2006, ce sont deux musiciens de Monkey Test, groupe au sein duquel joue Patrick Blain dans les années 2000, auxquels s'ajoute le guitariste/clavier AE (End Of Data, Raendom) qui l’accompagnent pour un concert unique de Charles De Goal, à la Flèche d'Or le 9 mars. Le succès est tel que Charles De Goal reprend du service et enchaîne alors de nombreux concerts en Europe. De nouveaux morceaux voient le jour, et le groupe sort un nouvel album Restructuration en 2008 sur son propre label Self Control. Accoutrements quelconques donnant justement le ton d’un message passant définitivement par les paroles et la musique, les Charles de Goal sont ce soir au mieux de leur forme malgré leurs cinquante ans passés. Chaque instrument est utilisé sans exagération, jouant un rock minimaliste parfois soutenu par une boîte à rythme qui n’a pas du sortir de sa malle depuis les années 80s ! Celle-ci donne un son qui n’est pas sans rappeler celui des Métal Urbain ou de La Souris Déglinguée, figures de la scène post-punk française d’alors. Pour les « Ados dans Tokyo » dont trois membres femelles ont rejoint le fond de la salle où se dresse un stand de vente de leur dernier album, la coupe est pleine. Une foule compacte et en sueur s’agglutine maintenant devant la scène et, de 17 à 77 ans, ou presque, ce sont des mini pogos ou des pas de danse de rock lymphatiques, bombers sur les épaules et ray bans sur les yeux, qui sont lancés au son de ces retraités qui n’ont pas attendu la réforme pour reprendre du service !

Esseulées devant leur stock de disques qui restera intact jusqu’au bout, elles observent, incrédules, ces trois hommes d’une banalité insultante pour leur garde robe si travaillée, faire un carton auprès des jeunes et des moins jeunes. Quelle idée de venir jouer à Paris un 18 juin quand le retour de Charles de Goal est annoncé et qu’on se nomme Teenargersintokyo ?!
setlist
    Non disponible
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