Colorama

Mieux vaut tard que jamais.

C'est ce qu'on se dit en découvrant, en février 2018, un des meilleurs albums de 2017. Il faut dire que la sortie fut confidentielle. Pas vraiment le groupe le plus en vue du Royaume-Uni, Colorama est virtuellement inconnu de ce côté-ci de la Manche. Fondé par Carwyn Ellis, musicien de studio, producteur et compagnon de route d'Edwyn Collins, des Pretenders et de Saint Etienne notamment, Colorama s'est pourtant déjà fait (très discrètement) remarquer.

Avec l'album Box d'abord, qui, de la pochette aux chansons, est un hommage à la pop garage anglaise des sixties pour obsédés des coffrets Nuggets. Puis par Good Music, superbe album produit par Edwyn Collins, salué par la critique mais injustement ignoré par le grand public. Par ses titres en Gallois enfin, rassemblés dans l'exotique compilation Dere Mewn! Carwyn Ellis est aussi membre du groupe Gallois de pop pastorale Bendith et l'artiste électronique se cachant sous le nom de Zarelli.

Un artiste complet, donc, on l'aura compris. Some Things Just Take Time, son dernier projet, pourrait être son chef d'œuvre. Alors qu'il s'était jusqu'à présent illustré avec Colorama dans une pop rock gentiment acide et psychédélique, Carwynn Ellis prend ici un virage folk acoustique qui fait merveille.
Some Things Just Take Time rassemble des chansons pop délicates écrites et produites au cours des dix dernières années. Et, pour qui aime le songwriting classique, les mélodies subtiles, les arrangements élégants, c'est un bonheur rare.

Avec sa longue période de production, l'album surprend par sa cohérence. Pas une mauvaise chanson ne vient ternir ces 11 fabuleux titres. L'orchestration est réduite au plus fondamental : guitare acoustique, piano, chœurs, batterie minimaliste, cordes. L'accent est mis sur ce qui compte : la subtilité et l'engagement émotionnel de la performance.
So So Long est un magnifique bijou de pop baroque évoquant The Left Banke. In Your Memory, qui reprend les paroles d'un mineur coincé sous terre à sa femme, ferait monter les larmes aux yeux de Kim Jong Un. L'entraînante Halcyon Days et I Owe It All To You rappellent les mélodies lumineuses du génialissime Ron Sexsmith. Give It A Miss, avec sa mélodie haut perchée, rivalise quant à elle avec le meilleur de Harry Nilsson. Pour le dessert, Carwyn Ellis se paie même le luxe de se réapproprier totalement deux chansons : la reprise ténébreuse de Long Haired Doney de R.L. Burnside réveille le fantôme de Townes Van Zandt, tandis que Baby Don't Go, sautillante pop song chez Sonny & Cher, devient ici une somptueuse berceuse avec cordes et steel guitar. C'est bien simple, chaque morceau sur ce disque est une perle.

Sublime découverte, donc. Tardive, certes, mais avec un titre pareil... Some things just take time.