Elbow

Et de dix ! Dixième album studio pour Guy Garvey et Elbow, trois ans après Flying Dream 1, disque très classieux du fait des conditions d'enregistrement au Theatre Royal de Brighton, au ton chaud et à l'ambiance assez intimiste. Malheureusement, il n'a pas été possible de tester ce beau disque en live, Elbow ayant cessé tout dialogue avec la France depuis quelques années déjà. Un choix des plus étonnants, le groupe jouissant d'une belle notoriété lui permettant de ne plus avoir à voyager en van ou en ferry vers Calais. N'ayant pas d'autres choix que de suivre de loin la carrière d'Elbow (exception faite de nos voisins belges qui, eux, tout comme pour les gallois des Manic Street Preachers, restent présents dans le GPS du groupe), nous tendons donc avec avidité l'oreille sur Audio Vertigo et c'est à nouveau une belle rencontre qui se profile.

Elbow continuent de produire des disques superbement orchestrés et ce qui nous marque particulièrement dans ce nouvel opus est le rythme. Le disque est, dans sa quasi-intégralité, mené par une rythmique catchy et entraînante, et l'on y retrouve tout du long une belle touche d'inventivité de la part de Guy Garvey et sa bande. Toujours enveloppé de boucles synthétiques très ouateuses, malheureusement aimant également toujours de ci-de là à coller de l'autotune sur sa voix angélique, Guy Garvey aime à se démarquer des cadres bien trop simplistes de la pop rock grand public. Nous retrouvons une belle majestuosité dans des morceaux comme The Things I've Been Telling Myself For Years dont la production hyper sophistiquée et les chœurs féminins nous font penser à un titre digne d'un générique d'ouverture d'une bande originale de James Bond. Cette entrée en matière dresse la barre très haut et la suite du tracklisting continue de nous emmener dans des ambiances variées : on traverse une electro pop éthérée avec Lover's Leap et le groovy et cosmique à la fois Her To The Earth où les longs échos transportant la voix toujours aussi enjôleuse de Guy Garvey font des merveilles.


Le single Balu dévoilé il y a peu nous apparaît comme une énorme machine un peu surproduite, où le chant de Guy Garvey ne trouve pas un écrin très approprié, l'avalanche de percussions et les instruments à cuivre avec les notes de synthé un peu rétro n'offrent pas un mélange très harmonieux. On se rattrape bien vite avec l'ambiance plus rock et stylée de Very Heaven et The Picture où la guitare et la cadence presque anarchiquement martelée nous offrent une tension des plus agréables. On enchaîne littéralement avec une ambiance smooth et presque jazzy dans Poker Face, on repart vers un rock plus affirmé sur Good Blood Mexico City pour finir sur la pop presque bossa nova au piano élégant de From The River qui, enveloppée de ces nappes toute en écho, semble également sorti d'un James Bond, mais pour illustrer les traditionnelles scènes de charme où l'agent 007 se voit sur le point de conclure avec la James Bond girl du film. Evidemment, rien de tout cela ne serait possible sans la voix aussi profonde que lumineuse de Guy Garvey, son timbre représentant la touche Elbow reconnaissable entre mille. On apprécie que ce dernier l'ait maintenu à un tel niveau depuis maintenant deux décennies.


Après un tel voyage, impossible de rester insensible à Audio Vertigo qui, comme son titre et sa pochette aux airs d'affiche du film presque éponyme l'indiquent, nous propose une plongée assez vertigineuse dans un recueil de titres atypiques à la production très léchée, nécessitant indéniablement du temps pour en saisir toutes les nuances et s'écartant des nombreux morceaux mainstream que le groupe a pu produire précédemment. Une prise de risques appréciable et une occasion d‘autant plus ratée de revenir convaincre le bon peuple français du talent d'Elbow, groupe restant un incontournable de la scène pop rock du grand Manchester depuis tout ce temps.