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Festival Beauregard

Hérouville Saint-Clair, du 7 au 9 juillet 2017

Live-report rédigé par Pierre-Arnaud Jonard le 18 juillet 2017

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La deuxième journée du Festival Beauregard débute de la meilleure des façons avec le set enthousiasmant du duo électro caennais AeroBrasil. Remarqué par les iNOUïS du dernier Printemps de Bourges, le groupe n'a que quelques mois d'existence mais produit déjà une musique d'une très grande qualité. Juste une batterie et un synthé sur scène réussissent à offrir une électro tout à la fois dansante, planante et intelligente. Les morceaux sont tous d'une très grande beauté et envoûtent l'auditeur. Une belle découverte et un groupe que l'on aura grand plaisir à revoir. Ils méritent d'ores et déjà succès et reconnaissance critique.

Le concert de YAK qui suit est excellent mais existe-t-il un mauvais concert de YAK ? J'en doute. C'est la quatrième fois que je les vois sur scène et c'est toujours avec eux la garantie d'un très grand moment de rock'n'roll. Le trio est programmé le même jour que Iggy Pop et ce n'est sans doute pas un hasard. Ils sont à tous points de vue les dignes héritiers des Stooges. La même classe, la même hargne et la même furie.
Alas Salvation déboule toutes guitares dehors. Harbour The Feeling, Smile ou Use Somebody sont de purs brûlots rock'n'roll. Un vrai grand moment. Le son est en plus parfait, puissant et ultra efficace. Le fait que ce groupe rencontre un succès certain est rassurant par rapport aux goûts du public.

Je n'assiste qu'à quelques instants du concert de Vald, tant son rap grand public m'indiffère. Le set de Editors me déçoit beaucoup. Je me souviens à ses débuts d'un groupe enthousiasmant, produisant une new wave belle et racée et je retrouve un groupe au son de stade boursouflé. J'ai l'impression qu'ils ont suivi la même évolution que Simple Minds passant d'une musique inventive à de l'heroic-rock. Je ne retiens du concert que cette superbe version de Munich, tiré de leur premier album.

Comme me le disait un ami récemment, Airbourne est à AC/DC ce que The Essence est à Cure. C'est on ne peut plus juste tant les australiens produisent un copier/coller de leurs compatriotes tant musicalement que du point de vue vestimentaire. Cela ne veut pas pour autant dire que ce soit un mauvais groupe, bien au contraire. Leur set est un pur et vrai moment de rock'n'roll, toutes guitares dehors. Airbourne est un groupe fun, jouissif et produit une musique qui ne se prend pas la tête, juste faite pour s'amuser mais c'est déjà beaucoup. C'est aussi une excellente machine de guerre sur scène, particulièrement efficace. On passe un excellent moment en leur compagnie. Ils sont le groupe idéal à voir sur scène comme rampe de lancement pour le concert de Iggy Pop à venir. J'ai bien dû entendre I Wanna Be Your Dog des milliers de fois dans ma vie mais dès que les premières mesures du morceau retentissent et qu'Iggy surgit sur scène, j'ai des frissons sur tout le corps. J'ai assisté à des milliers de concerts dans ma vie, en ai vu des centaines de bons mais il n'y a qu'en voyant David Bowie et Iggy Pop que j'ai ressenti une émotion à fleur de peau, quelque chose qui vous prend par surprise et ne vous lâche plus. Bowie n'est plus là, malheureusement, et Iggy reste seul à porter encore vaillamment le flambeau.
La setlist est composée comme depuis une bonne trentaine d'années maintenant de morceaux des Stooges, de la doublette The Idiot, Lust For Life produite par Bowie et de titres du dernier album en date. I'm Sick Of You et Gimme Danger sont délivrées dans de splendides versions, tendues jusqu'à l'os avec tout le côté poisseux et vénéneux que contiennent ces morceaux. Search And Destroy est le morceau rock absolu, celui pour lequel nombre de groupes signeraient un pacte avec le diable pour pouvoir le sortir un jour.
Certes Iggy ne fait plus autant le fou qu'autrefois. Il ne se jette plus comme un forcené dans la foule, comme si sa vie en dépendait, mais tel un sportif de haut niveau, il sait ménager ses efforts pour rester au top. Et au top, son corps l'est encore. Que dire de ce corps ? Iggy, c'est assurément le corps de l'histoire du rock. Un corps qui fait de lui le Nijinski de la musique. A 70 ans, chapeau.
Avec Gardenia il montre qu'il reste toujours créatif et capable de produire des morceaux qui n'ont pas à rougir avec ce qu'il a fait tout au long de sa carrière. The Passenger et Lust For Life déclenchent évidemment l'hystérie collective. Some Weird Sin, tiré lui aussi de Lust For Life, est donné dans une version juste parfaite. Iggy nous offre en outre le plaisir de titres rarement joués sur scène comme Repo Man, tiré de la BO du film du même nom, et Mass Production, titre de The Idiot qui annonce la vague de musique industrielle à venir.
L'Iguane revient en rappel pour No Fun, dans une version là encore superbe et tire sa révérence sur Real Wild Child, meilleure définition que l'on puisse donner de lui. Je ne me suis jamais remis de la mort de Bowie. Lorsque Iggy partira, ce sera un désastre pour moi et dès ce jour, il conviendra de lui ériger une statue pour services rendus au rock.

Le concert de Ibrahim Maalouf est la meilleure façon de redescendre tranquillement et une bonne initiative de la part des organisateurs car enchainer avec un autre concert très rock aurait été périlleux. Le trompettiste français mérite assurément son succès. Son set est très beau et fait de lui un digne héritier de Miles Davis. Le dernier morceau joué seul à la trompette sans aucun accompagnement musical est un pur délice et un très grand moment de musique.

En assistant au concert de Phoenix, je me dis que ce groupe mérite amplement son succès. Le groupe délivre plusieurs extraits de son nouvel album Ti Amo qui sort le lendemain. A l'écoute de J-Boy, Role Model et Ti Amo, on voit que Phoenix n'ont pas perdu la main pour composer de superbes pop songs accrocheuses. C'est un pur plaisir que d'entendre Lisztomania tant ce titre rend euphorique.
Le medley If I Ever Feel Better/Funkysquaredance montre que ces morceaux, plus de quinze ans après leur sortie, n'ont pas pris une ride. Le light-show tout comme la décoration scénique très disco ajoutent à l'ambiance de fête que dégage le concert. Phoenix est sans doute le meilleur groupe pop français avec une musique tout à la fois innovante, intelligente et grand public, ce qui n'est pas donné au premier venu. Thomas Mars finit le set en beauté en plongeant dans la foule et se retrouvant à une bonne centaine de mètres de la scène.

Le concert de Echo & The Bunnymen est superbe, encore meilleur que celui donné au festival This Is Not A Love Song il y a un mois qui avait pourtant déjà été excellent. Mais ce soir, le groupe semble flirter avec les étoiles. Le set s'ouvre sur une très belle version de Rescue, suivi d'un magnifique Villiers Terrace.
Le groupe ne se moque pas de ses fans, n'offrant pas la même setlist qu'à Nîmes. Over The Wall, par exemple, n'y avait pas été joué. Le morceau est délivré dans une magnifique version. Et que dire de The Cutter, sommet du concert, où l'on sent un groupe en harmonie avec la terre, le ciel et les étoiles ? Ian McCulloch est d'humeur badine ce soir, demandant au public comment était le concert d'Iggy, dont il dit être fan, parlant de Manchester qu'il aime bien même s'il apprécie bien sûr beaucoup plus Liverpool.
Le groupe se lance comme à son habitude à des extraits de morceaux durant ses propres titres. Comme à Nîmes, Roadhouse Blues des Doors et Walk On The Wild Side de Lou Reed, mais en plus ce soir The Jean Genie de David Bowie et In The Midnight Hour de Wilson Pickett. Le set se termine par un excellent Lips Like Sugar et l'on est triste que cela soit déjà fini.

Avant leur concert à Nîmes, je n'avais plus vu Echo & The Bunnymen sur scène depuis trente ans. Je viens de les voir deux fois en un mois et si tous leurs concerts sont de ce niveau, je veux bien retourner les voir toutes les semaines. Je n'assiste pas au set de Synapson car la journée a été longue et belle et qu'il est temps d'aller se coucher.
artistes
    PHOENIX
    IGGY POP
    EDITORS
    AEROBRASIL
    YAK
    AIRBOURNE
    IBRAHIM MAALOUF
    SYNAPSON
    ECHO & THE BUNNYMEN
    MPL (Ma Pauvre Lucette)
    VALD