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KNIVES

Paris, Point Éphémère - 24 avril 2025

Live-report par Adonis Didier

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Choisis la pilule bleue, et tout s'arrête. Après tu peux faire de beaux rêves et aller voir Inhaler au Zénith entouré d'une horde de mainstream girlies hystériques. Choisis la pilule rouge, tu restes au pays des merveilles, et on descend avec le lapin blanc au fond du gouffre. N'oublie pas, je ne t'offre que la vérité, rien de plus. Rien de plus que du punk brut et brutal à quelques pavés de Stalingrad. Bienvenue hors de la matrice, dans une réalité crue qui laisse ses seringues dans les toilettes publiques et perd ses dents en mordant dans de la moelle de rat. La lie de la société, l'antichambre de la colline du crack, et ce soir au Point Ephémère, pour dératiser et démolir à la demande express de la mairie de Paris, venus de Bristol dans la belle Albion, les couteaux les plus aiguisés du tiroir à noise-punk : KNIVES. Des jeunes gens encore peu connus dans le coin, si ce n'est pour une fantastique prestation au Supersonic l'an dernier, qui auront eu la bonne idée d'inviter ce soir avec eux le groupe le plus hype de la scène rock parisienne, chest..

chest. en minuscule et avec un point à la fin, un mot qui peut vouloir dire coffre ou poitrine mais qui ce soir va désigner un groupe mélangeant noise et post-punk, un groupe de mecs bossant ou ayant bossé au Supersonic et donc évidemment imbibés des références britanniques de ces cinq-dix dernières années, avec IDLES en tête. IDLES, dont la première partie au Zénith était assurée par DITZ, et DITZ dont la première partie à la Maroquinerie était assurée chest., bref comme on se retrouve, entre tous ces gens qui passent leur vie au Supersonic dans un Point Ephémère déjà très bien rempli pour 20h30. Normal me direz-vous, la première partie connait la moitié de Paris, mais sachez toutefois que la hype n'est pas usurpée, que le public se donne déjà à fond, et que comme le disait si bien IAM : « tout le monde se levait, des cercles se formaient, des wall of death un peu partout s'improvisaient ». Alors oui, c'est hyper référencé, mais c'est aussi hyper bien, et si pour une fois on peut entendre des groupes français qui font des trucs cool et qui percent un peu, ce serait dommage de s'en priver.


Mais n'oublions pas pourquoi on est là, ce que fera une partie des personnes parties fumer une clope et discuter avec leurs potes, et tant pis pour eux parce que le main event indiscutable de la soirée s'appelle KNIVES, et il ne faudra pas longtemps pour confirmer qu'il y a une classe d'écart. Le single THE DAGGER insère la clé dans le rouleau-compresseur : quart de tour vers la droite, le groupe rentre en scène avec l'intention de casser des bouches et d'aplatir des mamans, la sono du Point Ephémère tremble à s'en casser la gueule, le mercure bouillonne dans les thermomètres et dans les yeux injectés de sang de Jay Schottlander et sa bande, jusqu'à RHINESTONE COWBOY et une première ouverture de fosse. Car oui, des fois que l'information vous ait échappé, KNIVES ça bourrine sur scène et dans le public, et pour ceux qui craindraient de se prendre un coup de pied retourné écartez-vous, parce que nulle part vous ne serez à l'abri, nulle part dans la fosse il ne sera admis d'avoir l'air snob et de faire autre chose que headbanger violemment et se jeter frénétiquement contre d'autres membres d'une espèce humaine décidément bien débile.

Un exutoire cathartique qui propose entre autres choses de manger ses voisins, EAT THY NEIGHBOUR poursuit la setlist du premier album du groupe à venir ce vendredi, un album nommé GLITTER qui sera donc joué en intégralité et dans l'ordre, et si tous les titres sont désormais en majuscule, c'est parce que chez KNIVES on voit la vie plus imposante. Imposante comme la voix et la carrure de leur frontman Jay Schottlander, comme ces six membres qui tiennent à peine sur la scène du Point Ephémère, tant et si bien qu'un des guitaristes passera son concert derrière un poteau, et comme ces chansons à la puissance d'un bulldozer croisé avec un mammouth qui conduirait un monster truck. Des chansons surpuissantes et faussement foutraques où les voix hurlent et se répondent : Jay lance un refrain et se recule, Maddy Hill et Ben Marshall s'avancent vers leur micro et lui répondent, et ainsi de suite dans des chorégraphies vocales qui driftent sur le fil d'un rasoir pendu au-dessus du vide à deux cents kilomètres heure. Maddy Hill, l'atout contre-chant, saxophone, et cheveux bleus du groupe, qui descend jouer dans la fosse pour PHD pendant que Jay prend son micro pour un lasso et que Ben met des hi-kicks avec sa basse dans un air saturé de transpiration.
Une atmosphère de folie dissidente qui se propage à la foule, ça ouvre un grand cercle à la toute fin de PUBLIC JUICE, le groupe s'arrête, se regarde, se marre, nous demande de ne pas bouger, CHROMA se lance et avec elle la marée humaine, un tsunami découpé en quatre images par seconde qui se fracasse contre lui-même. Un show ULTRAVIOLET et ultra violent, YOU THINK YOU KNOW jette ses dernières forces dans la bataille, ça ne fait que trente minutes et déjà les moteurs fument, les gorges craquent, et I SEE THEM FALL se lance dans les enceintes pendant que le groupe regagne les backstages. La dernière ballade lugubre de l'album pour marquer la transition entre passé et futur, entre ce qui reste à venir et ce qui n'existe plus qu'en pensée, préparez-vous parce qu'on ne faisait que s'échauffer, et si vous pensiez que tout ça ne pouvait pas plus partir en sucette... très lourde erreur.


Aussi lourde que Happiness et Headcase, et un retour à l'EP What We See In Their Eyes pour évoquer le cas encore insolite des fusées thermo-nucléaires en béton armé, et de l'idée particulièrement fracassée d'en faire décoller une dans une salle de quatre mètres sous plafond. Un toit envolé plus tard, quelques dents envolées plus loin, c'est tout le groupe qui synchronise ses hi-kicks sur Sadness avant que 98 ne porte sur la scène Nico, le guitariste de chest., et que la boucle ne se boucle en s'arrachant quelques cordes vocales de plus sur Doppelgänger. Une chanson compliquée à décrire, une mer de bras et de jambes, de corps la tête à l'envers, de manches de chemises arrachées, de coudes fracassés, de côtes fissurées, et de cervicales qui souffrent à force de remuer. Une marée humaine qui enverra deux de leurs copines sur scène pour que la fête ne prenne jamais fin, le groupe qui voulait s'arrêter là se verra forcé par la foule à réapprendre à l'arrache l'un de ses plus gros singles, une petite chanson à la russe piquée à Kate Bush.

C'était KNIVES au Point Ephémère, et c'est peu dire que c'était l'une des soirées les plus sauvages de l'année, une expérience de fission atomique dans un vieux bidon de tôle rouillée, un cou de poulet arraché avec les dents en or de mamie, la mamie, la babooshka, la matrice se referme et emporte avec elle un groupe qui nous aura encore foutu une sacrée mandale dans la gueule, et dont le premier album sort, on le rappelle, ce vendredi. Alors plutôt que d'inventer une nouvelle conclusion sans queue ni tête à base de réfs cinématographiques et de couteaux, laissons aux grands musiciens le soin de conclure eux-mêmes par la description qui leur sied le mieux : « I'm a headcase, I'm a bastard, I'm a punk ! ».
setlist
    THE DAGGER
    RHINESTONE COWBOY
    I HOPE YOU GET IT
    EAT THY NEIGHBOUR
    PHD
    PUBLIC JUICE
    CHROMA
    POST MACHO
    ULTRAVIOLET
    YOU THINK YOU KNOW
    I SEE THEM FALL
    ---
    Happiness
    Newshounds
    Headcase
    Sadness
    Ninety-Eight
    Doppelgänger
    Babooshka
photos du concert
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