MOULD

Il est là, le nouveau chaînon manquant. Un chaînon champignon, du genre de ceux qui squattent les tupperwares laissés trop longtemps sans surveillance, grossissant sur les restes du repas cuisiné par d’autres, d’abord discret, puis de plus en plus coloré et « goûtu ». MOULD (ndlr : moisissure), nouvelle signature de ces génies de Nice Swan Records et trio de Bristol en pleine phase de croissance fongique, décomposant avec lenteur la nourriture musicale punk et rock des trente dernières années jusqu’à un premier vieillissement et un premier EP au titre fort original : MOULD.

Joe Sherrin, Kane Eagle, et James Luxton, des fans d’IDLES, de Fugazi, de Weezer, et des fans, comme nous, de tout ce qui sort de Nice Swan Records. SPRINTS et English Teacher en tête, Chalk, Prima Queen, Cowboyy ensuite, et voici la moisissure prête à faire son nid dans le monde chaud, humide, et mal aéré du rock n’roll. En plein développement, les références sont encore assez évidentes, plein de Fugazi et de post-punk dans Cables, le son est crado, parfois plein et parfois constitué d’une seule ligne de basse et d’un chant sur le fil, le fil ébréché du rasoir tiré jusqu’au drive colossal de The Space You Take Up. Le groupe mélange une construction à la English Teacher faite de montées, d’harmonies, de descentes, avec une base rythmique squattant les salles de gym et les concours de tirage de semi-remorques. Birdsong tente une micro-incursion dans le noise sans jamais trop s’éloigner du post-punk, avant que ce premier EP ne se termine de manière presque inattendue chez Weezer, et la magnifique Glow.

Une voix dépressive sur une section rythmique paresseuse et de jolis arpèges de guitare, avec juste ce qu’il faut de schtongs de cordes réverbérés, entre hommage et plagiat de The Sweater Song le cœur balance jusqu’à cette (Macron) explosion de mi-chanson, et une fin d’EP justifiant de facto toutes les attentes et tous les espoirs que l’on place aujourd’hui en MOULD. De la moisissure dans le plat de base, on ne distingue encore que quelques tâches bleutées, blanches, et verdâtres, mais la base est là, indiscutablement, et promet à l’avenir une avalanche de couleurs et de goûts dont on ne sait encore où ils nous mettront la tête, la ligne étant parfois si fine entre l’avoir dans les étoiles ou dans les toilettes. Une chose est sûre, il est pour l’instant extrêmement bénéfique à votre flore auditive d’écouter MOULD par MOULD, et si l’envie vous prend d’en attendre plus de ce jeune trio de Bristol, n’hésitez pas à les laisser moisir derrière un radiateur en coupant vos VMCs, et préparez-vous à vivre de nouvelles expériences, non-dénuées du risque de finir à l’hôpital, mais que vous ne regretterez pas d’avoir entreprises, tant le champ gastronomique et musical des possibles est aujourd’hui prometteur.