La frontière est parfois mince entre la pop aseptisée américaine que l'indie kid aime à détester et l'indie rock que le punk de pacotille ne connaîtra qu'à la mort certaine et définitive de chacun des membres de Blink-182. Ces
Memoirs, première expérience des arty de WinterKids, relancent donc le débat que
Drop It Till It Pops avait amorcé en octobre 2006 en conviant Blur, The Spinto Band et Goldfinger à une soirée échangiste au bord de la seine.
« Aïe, ça commence mal », pourrait laisser échapper, à raison, l'indie kid à l'écoute des quarante-cinq premières secondes de l'album. Car ici, pas de riff passionné façon
Franz Ferdinand ou de rythmique imparable à la
Maxïmo Park, mais une mélodie insipide et un refrain popeux du plus mauvais effet. Puis, à la quarante-sixième seconde, la tendance se renverse : « mais qu'est-ce que c'est que ce truc ? », s'interrogera alors, de manière tout à fait compréhensible et constructive, notre punk de bas étage lorsqu'un improbable clavier piqué Ã
Patrick Wolf viendra spontanément se greffer sur une cadence entraînante des
Sunshine Underground, tandis que l'indie rock pensera avoir trouver le groupe qui l'accompagnera toute la semaine durant.
Puis, 1'30, inversement : le refrain réapparaît et l'un de crier au génie quand le second jettera sa chaîne hi-fi du quinzième.
Puis inversement.
Et ainsi de suite.
Tout au long de l'album, le groupe oscille entre le tempo saccadé des
Good Shoes, le bonheur naïf de
Blink, les choeurs sombres de
Bloc Party, les accords primitifs de
Good Charlotte et – mes deux cobayes partageront la même opinion là -dessus – l'énergie débordante de tous.
Mais au-delà de l'énergie que tout groupe de rock se doit de possèder, c'est avant tout le chant de James Snider qui réunit les deux versants du genre. La frontière est ce fragile filet de voix ni désespérément juste, ni totalement débraillé, dans lequel on s'empêtre une fois sur deux. Et cela se ressent d'autant plus lorsque Hannah Snider s'empare du micro le temps de quelques airs : la tension s'efface alors au profit d'une fraîcheur revigorante que le rock californien n'apporte malheureusement pas, révélant ainsi leurs meilleurs compositions au groupe.
Pour peu qu'on soit schizophrène, ces
Memoirs sont donc la consécration tant attendue, le condensé de ce que la musique a produit de mieux ces cinquante dernières années, le best of que
Sonic Youth et
NOFX réunis n'ont jamais pu réaliser ; bref, le chef d'oeuvre absolu. Pour les autres, faîtes-vous une compil' : chiffres impairs pour les doux anarchistes, pairs pour les fidèles
Curistes.