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Burning Alms

In Sequence

Burning Alms - In Sequence
Chronique Album
Date de sortie : 11.08.2014
Label : Smalltown America
4
Rédigé par Hugues Saby, le 8 août 2014
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Ça commence par un bidouillage sonore, ça finit par un bidouillage sonore. Entre les deux, le premier album de Burning Alms donnera du grain à moudre à tous ceux qui attendent désespérément une étincelle, une lueur dans la pénombre d'un univers rock actuel plutôt morose. Cette lueur, c'est celle d'une bougie allumée en 1988 par quatre New-yorkais sur l'album Daydream Nation. Passée l'intro, on est directement plongé dans un grand bain de disto et de feedback façon Sonic Youth grande époque. La voix est en retrait, perdue sous les déluges de double pédale et les incursions agressives d'une guitare en furie. Du bon vieux noise rock en somme, mais avec une vraie touche de modernité. Un son plus dynamique, une rythmique plus hachée, des guitares plus incisives, façon Blood Red Shoes? D'ailleurs, Burning Alms aussi est un duo, et ça s'entend. Pas de basse donc, c'est à la mode. Mais Tom Whitfield et John Biggs sont plus malins que beaucoup de leurs contemporains. Leur musique est autrement plus fine et plus brillante qu'un vulgaire pastiche grunge ou qu'un revival prog-rock.

À travers un dédale de mélodies en apparence similaires et monotones, le groupe nous entraîne en réalité dans une exploration des limites du rock moderne. Une expérimentation sonique un peu austère au premier abord, mais qui s'avère vite éminemment jouissive. La nature ayant horreur du vide, le manque de profondeur sonore, handicap habituel des duos rock, est largement compensé par une batterie extrêmement présente, et des motifs de guitare hyper inventifs. Au niveau de la composition, la musique de Burning Alms est une alternance perpétuelle de blitzkriegs soniques et de longs passages instrumentaux planants. Des couplets à l'atonalité assumée vous conduisent droit dans un mur de son, celui du refrain, dont la brillance mélodique ressort d'autant plus fortement, à la manière des plus grands groupes Lo-Fi.

Tenez-vous le pour dit : en matière de rock, les Anglais ont toujours une longueur d'avance. Ainsi, ce n'est pas par hasard si l'album de Drenge a cartonné (toutes choses égales par ailleurs), annonçant l'arrivée d'une vague néo-grunge du meilleur acabit. Sur In Sequence, on retrouve la même force mélodique, la même assurance instrumentale que chez les frères Loveless. Et cette même habileté à dissimuler sous des mélodies plutôt plaisantes une vraie tension sous-jacente. En réalité, cet album est un voyage, une randonnée, qui vous fera voir de sacrés panoramas. Oscillation infatigable, il vous conduira au sommet de crêtes ardues et de sommets noisy –des morceaux bruitistes de moins de deux minutes-, vous apaisera par des respirations sur les hauts plateaux –de longues plages instrumentales dont une de près de huit minutes-.
Dans tous ce relief, rien n'est jamais superflu. Les rythmes saccadés, les motifs de guitare obsédants rappellent parfois Radiohead période Kid A / Amnesiac, sans ce côté volontairement inécoutable d'une expérimentation jusqu'au-boutiste. Ici, on parle de corps purs, d'altitude. C'est l'essence de l'expérimentation sonore qui s'offre à vos oreilles. Tout au long de cette succession de décharges sonores et de longs instants contemplatifs, on ne s'ennuie jamais. Les instrumentaux sont particulièrement beaux, en ce sens qu'ils ne veulent pas démontrer quoi que ce soit. Bien au contraire, les Burning Alms cherchent, et découvrent en même temps que nous, de nouveaux horizons, de nouvelles possibilités. La sincérité de leur démarche musicale est totale et extrêmement touchante.

Les quelques ballades acoustiques de l'album sont magnifiques, drapées dans une fausse simplicité qui cache une complexité harmonique et une honnêteté d'écriture et d'interprétation rares. Pour faire court, In Sequence, c'est l'anxiété du grunge sans la lourdeur. C'est l'inventivité de Radiohead sans le pédantisme. Plus on avance dans le disque, et plus la structure de composition se dévoile, sans jamais devenir systématique. Des couplets harmoniques en demi-teinte entrecoupés de déchirements de guitare créent une sorte de dynamisme monolithique toujours renouvelé. Même les morceaux acoustiques se révèlent comme autant de promenades aux confins de l'exercice de style.
Burning Alms sont en perpétuelle expérimentation, sans jamais sacrifier la musicalité sur l'autel de leur quête. Leur premier disque est impressionnant par sa totalité. C'est une œuvre globale dont les creux et les aspérités ne prennent sens qu'après une écoute intégrale. L'enchaînement des titres, les séquences sonores présentes en intro, en outro et tout au long de l'album nous rappellent, comme un contact radio éloigné, que nous sommes en mission, en exploration. Grâce à un intelligent canevas de base sur lequel ils brodent infiniment sans jamais se répéter, trouvant toujours l'accroche, l'intelligence, la nuance ou l'arrangement qui scotchent l'auditeur, le groupe prouve que l'on peut être exigent, inventif et carrément écoutable.

Alors évidemment, il est très difficile de faire ressortir des meilleurs ou des moins bons morceaux, tant ce disque est un tout. Si vous ne deviez retenir que trois choses : 1. Ce premier album est très impressionnant. 2. Le néo-grunge déboule en force, avec la pop pour alliée. 3. Le rock n'est pas mort, et s'il sait se réinventer avec autant d'élégance, ne mourra jamais.
tracklisting
    01. (....)
  • 02. The Aperture Colonised
  • 03. So Unreal
  • 04. Ressler
  • 05. Mid Storm Still Ending
  • 06. Night Climates
  • 07. The Pastoral
  • 08. Forest Clearing
  • 09. Black On The Outcrop
  • 10. River Sea Originates
  • 11. Matadors
  • 12. In Sequence
  • 13. The Periphery
  • 14. Lapse In White
  • 15. Certain Collapse
  • 16. (Birds) In Sequence
titres conseillés
    Night Climates - Forest Clearing - Lapse In White
notes des lecteurs