logo SOV

Vieilles Charrues

Carhaix, du 15 au 18 juillet 2010

Live-report rédigé par François Freundlich le 16 juillet 2010

Bookmark and Share
jeudi 15
Le Festival des Vieilles Charrues s’ouvre en ce jeudi au temps incertain avec une programmation composée autour des britanniques de Muse entourés de quelques pointures françaises et des danois The Raveonettes.

Une fois sur place, on se rend vite compte du succès de cette journée, complète depuis plusieurs semaines, lorsque l'on aperçoit la marée humaine qui se presse à l’entrée. Malheureusement l’organisation ne suit pas puisque certains mettront trois heures à entrer sur le site de Kerampuil, manquant par la même occasion certains concerts pour lesquels ils étaient avant tout présents... navrant.
L’après-midi se termine doucement avec les français de Revolver, lesquels se jettent comme des morts de faim sur la grande scène de Glenmor. Les quatre garçons dans le vent breton ne se posent pas de questions, ils ont la fougue de la jeunesse et n’ont l’air nullement impressionnés par la foule gigantesque : 45000 personnes sont attendues. Leurs mélodies pop folk font danser dans les travées à l’image de leur tube Get Around Town... interprété deux fois ! L’efficacité des morceaux est relevée par des arrangements au violoncelle réussis, même si l'ensemble manque cruellement de variété : on reste un peu toujours dans le même registre. Le concert a du mal à décoller une fois le titre le plus connu joué. On tombera même dans le pathos avec un slow assez ennuyeux ou le chanteur demandera aux couples de s’enlacer. Revolver est certes le groupe français à la mode, mais on aurait pu trouver mieux pour démarrer ces Vieilles Charrues un peu moins mollement.

Le duo danois transformé en quatuor, The Raveonettes arrive sur la scène Kerouac dans, il faut bien le dire, l’indifférence générale. Pour ma part, je ne suis qu’excitation et dénote en déclamant les textes du groupe au milieu d’un public passif et qui attend la suite, pendant que des vrais fans sont toujours retenus à l’extérieur. La qualité du son n’est pas vraiment à la hauteur de l’événement mais les Raveonettes vont surprendre avec un set beaucoup plus noisy qu’à l’habitude.
Avec un set faisant la part belle aux plus anciennes chansons, le nouvel album est quelque peu délaissé. Les singles Suicide ou Boys Who Rape sont oubliés au profi de la face-B de leur premier mini-album, Whip It On : Experiment In Black. Tout amateur du groupe que je suis, je peine à reconnaître certains titres joués, à la Sonic Youth, comme un retour à la base du groupe qui s’était fait plus mélodique ces derniers temps. Bien sûr, certaines chansons récentes se font entendre, comme une version pop de Last Dance ou un Dead Sound très électrique. Break Up Girl! est quant à elle interprétée dans une version dépouillée durant laquelle Sharin et Sune tiennent la rythmique au tambourin en mélangeant leurs voix si particulières, uniquement accompagnés d’une basse... un vrai plaisir.
Sharin troque sa guitare contre la batterie le temps de quelques titres qu’elle accompagne au chant alors que le public commence à se réveiller sur Love In A Trashcan. Les premiers rang sont légèrement compressés mais les mouvements de foule sont-ils vraiment dûs aux chansons lorsque l'on entend certains commentaires du public ? Une reprise de 100% de Sonic Youth nous confirme que le groupe est bien dans cet état d’esprit à l’opposée de ce qu'il nous a été donné d' entendre sur leur dernière galette. Ils concluent enfin sur un Aly, Walk With Me plus lancinant mais détonant. Les danois ont choisi de répondre à un public ne les connaissant pas en se faisant encore plus obscurs qu’ils ne le sont. Un concert dans un style différent des précédents mais une bonne surprise, quoique l'on aurait apprécié d'entendre plus de titres récents, ou à l’inverse de vieux tubes comme Beat City.

Jacques Dutronc a quant à lui plutôt choisi la voie du mercantilisme en essayant de vendre des briquets ou des affiches à son effigie à des prix prohibitifs dans le public avant même les Raveonettes. Le corse n’est pas là pour amuser la galerie et cela se ressent dés son entrée en scène : il faut enchaîner les titres et rentabiliser.
Et Moi Et Moi Et Moi lance un set durant lequel vont s’enchaîner les tubes. On écoute comme on écouterait Radio Nostalgie dans la voiture tant il n’y a pas de réelles différences avec les titres originaux, à l'exception d'une voix plus marquée par les cigares et le whisky que naguère, mais une voix néanmoins impeccable. Dutronc dirige ses troupes entre chaque chanson en demandant d’accélérer le mouvement pour respecter la cadence de titres joués. L’opportuniste, La Fille Du Père Noël, Les Cactus, Il Est 5 Heures, Paris S’éveille... toutes ses plus grandes chansons sont jouées devant un public fredonnant, sautillant et en admiration. Quelques marques (sponsors ?) sont glissées dans les paroles de J’aime Les Filles, donnant vraiment un aspect particulier à ce concert qui laisse parfois en bouche une envie de vomir alors que l'on commence tout juste à se laisser attirer. L’hymne A L'amour (Moi L'nœud), avec un texte de Serge Gainsbourg, est fidèlement interprétée... mais tout engouement est définitivement perdu alors qu’un spectacle de claquette est proposé. Je reste perplexe quand un cor de chasse interprète La Digue Du Cul et Ils Ont Des Chapeaux Ronds. Que se passe-t-il ? « What the fuck ? » pour les intimes. Je préfère ne pas essayer de trouver de réponse et vais me placer pour le concert suivant.

L’excitation est à son comble et la pluie fine redouble, tandis que j’essaye de m’approcher de la grande scène. Dix ans après mon premier concert du groupe, et pour ce qui constitue ce soir la dixième prestation de Muse à laquelle j'assiste, le plaisir nostalgique de les retrouver est grand, en espérant une setlist à la hauteur. Le trio du Devon débarque sur scène dans l’hystérie en arborant des tenues très particulières, entre le slip vert et la coiffe rouge de de Dominic Howard (qui a dû perdre un pari) et le latex transparent à capuche et lunettes de Matthew Bellamy. Chris Wolstenholme est quand à lui toujours très classe et la nuque « headbangante » souple. Un larsen annonce Plug In Baby qui se trouve être la parfaite chanson d’introduction au concert. Le public entre directement dans le vif du sujet en sautant et en oublie qu'il est à présent détrempé jusqu'aux os : le riff imparable fait directement décoller les Vieilles Charrues.
Des écrans hexagonaux sont placés derrière le groupe et diffusent des mini-clips illustrant les chansons et les textes. Une version détonante de Supermassive Black Hole est enchaînée mais le public ne réagit vraiment que durant Uprising. La majorité de la foule ne connaît à l'évidence que leur dernier album mais le trio soigne les transitions puisque des riff de Rage Against The Machine ou AC/DC sont joués entre chaque chanson... même si le répertoire de Muse serait bien évidemment suffisamment vaste pour que seules leurs propres titres soient joués. Avec New Born et sa fameuse introduction à clappements de main se présente un petit plaisir extrait d’Origin Of Symmetry mais, malheureusement, la chanson perd de sa force du fait que Matthew Bellamy délaisse son passage initial au piano avant d’attraper sa guitare. Le titre n’en reste pas moins jouissif dés le premier riff de guitare et sublimé par des rayons lasers verts transperçant le crachin breton.

Hysteria fait nettement plus tourner la tête au public. Le fan de base reconnaît la guitare Manson rouge à sept cordes et les deux coups de batterie annonçant Citizen Erased avant même le début de la chanson : le cri qui s’en suit vient de loin. Ce moment sera le summum du concert avec une pluie qui redouble d’intensité et une version épique. Durant l'accalmie, une impression surréaliste est ressentie, même si la communion d’antan sur cette chanson n’y est plus, elle reste immanquable pour les fans de la première heure, tant et si bien que certains s’empressent de demander le nom de la chanson ! La fin du concert voit s’enchaîner les tubes récents du groupe mais manque d’intensité par la même occasion : United States Of Eurasia tout en mégalomanie ne passionne pas, et surtout Undisclosed Desires, avec un son très Depeche Mode, ne possède aucun réel cachet.
Après Resistance, le public commence à fredonner un air de Johnny Hallyday sur l’introduction de House Of The Rising Sun. Pas de doute possible, on est bien aux Vieilles Charrues. Time Is Running Out relève le niveau avec un fondu sur l'outro de Micro Cuts, directement enchainé avec Stockholm Syndrome, véritable chanson de stade. On voit ici le chemin parcouru par Muse depuis ses débuts et on réalise malheureusement que les chansons de Showbiz ne sont plus adaptées à leur configuration actuelle. Même les titres du second album souffrent d’un anonymat révoltant, ne reste qu'à espérer qu’elles ne subiront pas le même sort. Le rappel voit s’enchaîner un Starlight consensuel suivi de Knights Of Cydonia, toujours plaisante à entendre, même si une surprise était secrètement espérée en fin de set.
Au final, un concert plutôt réussi, prouvant que le groupe est toujours aussi impressionnant sur scène malgré de nouvelles chansons parfois poussives. Même sans adhérer à l'évolution grandiloquente du trio, impossible de nier que le plaisir de les voir évoluer en live est presque aussi fort qu'il y a dix ans.

Il est l’heure de constater les dégâts : de la boue partout, des vêtements détrempés, le retour à la réalité est dur. Le temps de traverser le site et Mr Oizo débute son concert. Le son est puissant et très fort (beaucoup plus que pour Muse), le DJ négligé et clope au bec enchaîne nonchalamment ses tubes dansants. On ne peut s’empêcher de remuer même si la gadoue colle les pieds au sol. Daft Punk, Boys Noize, Les Petits Pilous et bien sûr ses propres tubes sont mixés et Kerampuil se transforme en dancefloor. Beaucoup ont déjà quitté le festival, ce qui permet de pouvoir bouger un peu plus tranquillement. Positif est remixé en un « Vous êtes des Vieilles Charrues ! » qui fait sourire, tandis que Flat Beat termine sympathiquement la soirée.
En dépit de gros problèmes d’organisation et d'une tension palpable envers les bénévoles de l’entrée du fait de l’attente record pour accéder au site, ce premier jour valait tout de même le coup avec un show dantesque de Muse et une très belle prestation de The Raveonettes.
artistes
    Mr Oizo
    Muse
    Jacques Dutronc
    The Raveonettes
    Revolver