logo SOV

Ibibio Sound Machine

Pull The Rope

Ibibio Sound Machine - Pull The Rope
Chronique Album
Date de sortie : 03.05.2024
Label : Merge
4
Rédigé par Franck Narquin, le 2 mai 2024
Ibibio Sound Machine a été fondé en 2010 par les producteurs Max Grunhard, Leon Brichard et Benji Bouton qui souhaitaient développer un projet musical fusionnant l'afrobeat des années 80 et la drum and bass des années 90. Dès leur première session, la chanteuse anglo-nigérienne Eno Williams s'est imposée comme la voix mais plus encore comme l'incarnation du groupe avant que la fine fleur des musiciens afro-caraïbo-brésilo-anglais ne vienne se joindre au groupe. Quatorze ans plus tard, Ibibio Sound Machine présentent leur cinquième album studio, Pull The Rope, succédant à Electricity qui opérait un virage franchement club grâce à la production d'Hot Chip. Toujours aussi enthousiasmante, cette formation qui s'est imposée comme une des plus belles machines à danser d'Angleterre trouve ici le point d'équilibre parfait entre ses racines africaines, sa nostalgie pour la dance music anglaise des années 90 et sa recherche d'un son toujours moderne et novateur.

La musique d'Ibibio Sound Machine est un mélange de funk et de disco ouest-africains, de post-punk et de musique électronique, souvent résumé à l'étiquette générique afro-funk. Sur Pull The Rope, le groupe pousse encore plus loin l'orientation garage-house initiée sur son précédent album, Electricity. Pour rappel, les concepts de garage en matière de house et de rock n'ont aucun rapport. Si le rock garage tient son nom de ses sonorités brutes, sales et peu retravaillées, comme enregistrées dans un garage, la garage house est un genre musical provenant du disco et du funk, précurseur de la house music, dont il partage les rythmiques et le style répétitif mais porté par des voix soul, funk ou disco et qui a été popularisé dès la fin des années soixante-dix par le club new-yorkais Paradise Garage. Cette musique sera remise à l'honneur en France au mitan des années quatre-vingt-dix par les soirées Respect de l'excellent David Blot (toujours aux commandes du Nova Club pour défricher chaque soir les meilleurs nouveaux sons) et s'avérera une des principales influences des groupes de la French Touch. On délaie un peu avec ce cours d'histoire mais il est toujours bon de rappeler qu'en musique les chapelles n'ont pas de sens car même entre Joy Division et l'Acid house il n'y a qu'un pas, en l'occurrence celui du dancefloor de The Haçienda.

Les chapelles sont d'ailleurs le cadet des soucis du groupe dont la priorité reste de vous faire guincher sans relâche mais sans jamais lésiner sur la qualité. Vous aimez danser ? Vous aimez la bonne musique ? Vous aimez voyager ? Alors les dix titres Pull The Rope sont faits pour vous. Le single éponyme, Pull The Rope, ouvre le bal avec son riff de basse entêtant joué en boucle tout au long du morceau accompagné de chœurs répétitifs. Cette formule minimale mais addictive rappelle le travail des belges Charlotte Adigéry et Bolis Pupul et fera danser jusqu'au plus austère fan de Still Corners. La production de l'album a été confiée à Ross Orton (Arctic Monkeys, M.I.A.), grand spécialiste des mariages rock-dance, qui parvient à pousser à fond les curseurs sur chaque morceau tout en conservant une cohérence à cet album qui visite un grand nombre de styles musicaux.

On passe ainsi de Fire, petite bombe afro-punk à la basse ronflante, à Let My Yes Be Yes dont le délicat chant soul s'oppose à une batterie heurtée et à des sons électroniques râpeux en passant par Political Incorrect, pépite funky et engagée à la Gil Scott-Heron qui n'aurait pas dépareillée sur le brûlot I Came From Love de Dave Okumu. Seule plage downtempo du disque, Touch The Ceiling, ballade au parfum rnb 90's, permet de reprendre son souffle avant un final « ready for the floor » composé de Far Away et Dance in the Rain sur lesquels on ressent fort l'influence et le son d'Hot Chip. Mais ce sont les titres garage de Pull The Rope qui marquent le plus et imposent la couleur dominante de l'album en proposant un aller direct pour les dancefloors anglais les plus chauds des années 90. S'il est difficile de rester stoïque à l'écoute de Got To Be Who U Are et Them Say, cela est franchement impossible sur Mama Say, imparable tuerie dancefloor à la mélancolie déchirante.

Ne soyons pas dupes, on sait bien que la grande majorité des lecteurs de Sound of Violence n'attendent pas la sortie de Pull The Rope avec la même impatience que le prochain Fontaines D.C. ou le dernier IDLES. Il est même fort probable que nombre d'entre eux n'envisagent même pas d'y jeter une oreille. Pour tenter de les convaincre de ne pas commettre une telle erreur, on rappellera de nouveau que les chapelles et les genres musicaux importent peu comparés à l'inégalable plaisir de voir un groupe atteindre son apogée créative. C'est exactement ce que font ici Ibibio Sound Machine et c'est hyper beau.
tracklisting
    01. Pull The Rope
  • 02. Got To Be Who U Are
  • 03. Fire
  • 04. Them Say
  • 05. Political Incorrect
  • 06. Mama Say
  • 07. Let My Yes Be Yes
  • 08. Touch The Ceiling
  • 09. Far Away
  • 10. Dance In The Rain
titres conseillés
    Pull The Rope - Mama Say - Dance In The Rain
notes des lecteurs
Du même artiste