Il est 15h, les portes s'ouvrent et, comme la veille, c'est l'heure que la pluie a choisi pour faire son apparition. Le ciel est probablement joueur car ce sera le seul déluge de la journée : pas suffisant pour ruiner le site ou le moral des festivaliers qui vont se presser autour des trois scènes. Voulant épargner mes forces, je fais l'impasse les premiers groupes,
Chew Lips,
K'naan et
Viva And The Diva. Complètement hermétique au charme des
Stereophonics, je vise immédiatement le set des français de
Quadricolor.
Malheureusement, faire rentrer 35 000 festivaliers nécessite un certain temps, et même équipé d'un bracelet trois jours, je passe la plus grande partie du set à attendre dans la file de pouvoir entrer. J'en entends néanmoins assez pour me dire que la scène française possède de bons groupes de rock en réserve et que la sélection
Avant Seine de 2010 est particulièrement excellente après nous avoir soumis
Roken Is Dodelijk et
King of Conspiracy la veille.
« We come from Northern Ireland and it's a pleasure to be here » , les
Two Door Cinema Club entament leur set avec le sourire. Après un unique titre, la foule qui s'est massée devant la scène de la Cascade partage cette joie. En à peine trois ans, le groupe est passé des petites scènes irlandaises à celles des grands festivals, et il s'y trouve tout aussi à l'aise que leurs nappes de synthés qui s'échappent dans l'air du parc de Saint-Cloud. Sans être révolutionnaire leur musique possède une personnalité qui séduit le public. Poli, le trio n'est pas avare de remerciements et en profite pour assurer la promotion de son l'album et son prochain retour, avant de finir par
I Can Talk, un de leurs principaux tubes.
Martina Topley Bird a fait le déplacement avec
Massive Attack, mais sans support band, remplace
Ou Est Le Swimming Pool dont le chanteur s'est donné la mort la semaine précédente au Pukkelpop. Sa musique, pas évidente à première vue, prend une dimension encore plus bizarre dans ce set ultra dépouillé et pas forcément séduisant, en plein jour sur la scène dans le passage de l'entrée du site.
Pour continuer dans l'étrange, après avoir soigneusement évité l'écossais
Paolo Nutini, vient le moment d'écouter
Jónsi, le chanteur et guitariste de
Sigur Rós. Dans un français moyen, il explique que le matériel électronique du groupe est resté au Portugal. Un instant on croit à la première annulation au dépourvu de cette édition de Rock en Seine. Il n'en sera rien, cette année tout le monde joue : Jónsi et son groupe proposent un set acoustique. Le premier morceau joué en duo est franchement cahotique. Quand tout le groupe arrive avec xylophone, batterie et autres guitares, la musique prend plus d'ampleur et s'avère très agréable, soutenue par le chant caractéristique de Jónsi. Point positif, en acoustique, il même possible de profiter simultanément de la musique et de ses amis, car ce festival qui marque la rentrée est aussi l'occasion de se retrouver après les vacances.
Après la poésie islandaise, direction le désert californien et le gros rock des
Queens Of The Stone Age, déjà venus en 2005. Ça envoie avec une classe énorme. D'abord distant, ou concentré, le groupe communique peu. Au fil des morceaux la complicité croit. « This is a song everybody knows, No One Knows » : effectivement, l'ensemble du public la connaît et la grande scène s'embrase. Elle le restera jusqu'au final quasi-métal.
En conséquence, assister à la prestation des
Naive New Beaters est impossible. Une autre tornade américaine est attendue après avoir traversé les Etats-Unis,
LCD Soundsystem, digne représentante de la scène électro New-Yorkaise. Radicalement différent dans le style mais pas pour l'efficacité, nous voici plongés dans un trip similaire à celui des Queens Of The Stone Age, version montante jusqu'au nirvana. James Murphy est un vrai chanteur, un vrai producteur de dance, et accompagné d'un vrai groupe. Les chansons du set, à l'image de
New-York I Love You But You're Bringing Me Down, mélangent électro et soul, avant le final sur une reprise en duo du
Empire State Of Mind de
Jay Z et
Alicia Keys. C'est beau, ça danse et c'est bon.
Retour sur la côte Ouest pour quelques titres de
Jello Biafra, chanteur du groupe de punk californien, père de la scène Hardcore US, les
Dead Kennedys. Blouse blanche et mains couvertes de sang, le chanteur démarre un set sans concession, du punk speed et très engagé. Sous sa blouse, Jello porte une chemise taillée dans le drapeau américain, et entre ses chansons harangue la foule pour inciter à la rébellion. Devant la scène, plus de vieux punks que de fans de
Blink 182, ces derniers auraient pourtant apprécié. Après le mythique
California Uber Alles, je me dirige vers la Grande Scène pour
Massive Attack. Les passages simultanés de ces deux groupes constituant pour moi le seul dilemme dans la programmation de cette édition.
Massive attack joue ce soir un set à la fois sombre et beau comme son dernier album,
Heligoland. L'ensemble se veut très rock, et moins encombré d'effets que le concert donné en clôture de la première édition du festival en 2003. Le tout prend des airs de Best Of, avec un condensé des plus grands titres, mais le groupe ne donne pas dans la condescendance pour autant. Après cette démonstration, difficile de trouver l'envie de suivre les 2 Many DJs pousser des disques, même si leur set semble pour le moins efficace.