C’est à une heure et demie de Paris sur l’hippodrome d’Evreux, petite ville posée au milieu des champs normands, que se déroulait le week-end dernier, comme chaque année depuis bientôt trente ans, le festival Le Rock Dans Tous Ses États.
C’est après quelques mésaventures sur la route que j’arrive enfin vendredi en fin d’après-midi sur le site du festival.
The Bots viennent tout juste d'achever leur prestation mais pas le temps d’être déçu,
Daniel Darc va commencer son set.
Entouré d’excellents musiciens, le poète punk enchaîne titres très rock'n'roll et ballades épiques de façon magistrale. Beaucoup de chansons de son dernier album
La Taille de Mon Âme à l'image de
Quelqu’un Qui N’a Pas Besoin De Moi, la reprise de
My Baby Left Me ou encore la très belle
Sois Sanctifié, dédicacée à ses amis décédés, sont jouées au cours de ce concert dont le point d’orgue sera bien évidemment
Cherchez Le Garçon. Le charme intact du tube de Taxi Girl produit son effet sur un public il est vrai encore clairsemé mais que l’on aurait pu tout de même espérer un peu plus impliqué en ce début de festival.
Dès la fin du concert, pas le temps de se désaltérer que débarque sur la scène d’en face
M. Ward, auteur-compositeur folk-rock américain, entouré de ses trois musiciens d’expérience. Après quelques compositions pop-rock très américaines pendant lesquelles le groupe (où Matthew Ward tient la guitare solo) se lâche et impose sa marque, le guitariste rythmique et le bassiste vont échanger leurs rôles pour interpréter le délicieux single
Primitive Girl sorti il y a quelques mois. Le bassiste initial conserve par la suite la guitare rythmique, avant de jouer une chanson au bottleneck en soliste puis de troquer son instrument pour un violon sur le titre
Rollercoaster. Pour reprendre de façon totalement déjantée le
Bean Vine Blues #2 de John Fahey, le groupe retrouve dans sa formation initiale et poursuit le set avec de ravissantes chansons folk-rock avant de faire swinguer les premiers rangs avec ce bon vieux
Roll Over Beethoven en final. Décidément un groupe classe.
Après l’étrange groupe sud-américain
Bomba Estereo, qui aura au moins le mérite d’être assez peu intéressant pour me laisser le temps de découvrir l’espace presse où plusieurs journalistes regardent les concerts sur des écrans en sirotant une bière avec des cacahuètes, c’est au tour des californiens de
The Bronx d’entamer leur prestation placée sous le signe de la violence. Dans la plus pure tradition du punk hardcore de Los Angeles, le quintet va enchaîner des titres joués à toute vitesse et hurlés à la mort devant un public totalement déchaîné. On assiste évidemment au plus gros pogo du jour dont on retiendra particulièrement la sympathique image d’une bonne dizaine de très jeunes adolescentes totalement survoltées sautant dans tous les sens au milieu de la foule. L’ambiance se veut fun mais le manque d’originalité des compositions et la voix qui nous aboie dessus finissent par réellement agresser notre sensibilité artistique. Dommage. Les fans, quant à eux, semblent toutefois ravis de ce set conclu par le titre
History's Stranglers, parfaite synthèse de leurs trois albums.
C’est une toute autre ambiance qui attend les festivaliers par la suite avec le concert de la machine électro-rock à faire danser les filles :
The Rapture. Une petite heure durant, le quatuor new-yorkais va transformer l’hippodrome d’Evreux en dancefloor géant à coups de tubes imparables. Les quatre américains sont impeccables techniquement et absolument irrésistibles lorsqu’ils jouent leurs excellents premiers singles à l'image
House Of Jealous Lovers ou
Echoes (devenu l’hymne des kids depuis son utilisation dans la série Misfits) mais leur setlist fait trop la part-belle à de nouvelles compositions trop stéréotypées et similaires, même s’il faut bien avouer que le tube
How Deep Is Your Love tiré de leur dernier album possède un certain charme en live. L'ensemble du public a dansé et le contrat est rempli mais une grande sensation de vide émane tout de même d’un certain nombre de compositions d’un groupe qui semble avoir bien du mal à se renouveler sans que cela ne choque personne. Tant mieux pour eux, mais il est dommage d'éprouver la sensation d’entendre trois fois
Whoo! Alright Yeah... Uh Huh pendant un même concert.
Alors que le soleil se couche sur le festival, le duo canadien
Crystal Castles fait son apparition sur scène. Adeptes d’une électro à la fois planante et électrisante, ils vont livrer un court set d’une quarantaine de minutes qui, bien qu’intéressant visuellement et musicalement assez original, se révèle décevant de par la performance assez moyenne de la chanteuse Alice Glass. Le batteur tient quant à lui la baraque parfaitement à l'arrière avec une puissance de frappe qui en impose.
A peine le concert est-il fini que toute la foule se masse en rapidement devant la scène principale pour la principale tête d’affiche du festival :
Manu Chao et son backing band La Ventura. En tant que grand habitué des festivals, on attend une performance héroïque de la part de l’ancien leader de la Mano Negra. Il arrive sur scène avec son groupe composé uniquement d’un guitariste, d’un bassiste et d’un batteur et entame fort avec un enchaînement
Bienvenida a Tijuana /
Clandestino /
La Vida Tombola. Le ton est très rock, ce qui n’en rend pas moins belle sa magnifique chanson sur le footballeur Diego Maradona qu’il introduit par un grand « Canta Napoli ! ».
Il enchaîne ensuite avec une sélection de titres sous forme de Best Of incluant
King Of Bongo,
Rainin' In Paradize,
Politik Kills et certaines chansons tirées de
Próxima Estación : Esperanza comme
La Primavera ou
Me Gustas Tu. Le set se conclura avec la géniale
L’Hiver Est Là avant que l’infatigable icône ne revienne pour enchaîner les rappels, jouant à nouveau certains de ses titres les plus connus et reprenant ses gimmicks sortis tout au long du concert pour haranguer, exciter et faire danser la foule. Après plus d’une heure et demie de concert, le héros du soir quitte la scène pour de bon après plusieurs faux départs. Toujours au sommet en live, on attend désormais de Manu Chao qu’il donne une suite à son excellent album
La Radiolina, sorti il y a déjà cinq ans.
L’immense foule qui s’était pressée pour acclamer La Ventura et son leader se scinde en deux groupes : ceux qui ont encore le courage d’aller assister au show du collectif
Chinese Man et les autres, comme moi, qui quittent le festival en se laissant lentement porter par la foule tout en écoutant le trip-hop trippant et entraînant des DJs marseillais s’éloigner, se dirigeant vers de nouvelles aventures dans la campagne normande avant de revenir prendre une nouvelle dose de musique le lendemain après-midi !