Pour bien commencer cette troisième journée, on se lève tard, très tard. Eh oui, qui dit grosse journée, dit forcément récupération au préalable. 13h approche à grand pas, il est temps de se mettre en route.
C'est le matin, fini la galère de la veille, les mecs qui vous arrêtent pour vous dire à quel point ils sont déchirés, du genre "tiens, t'es pas dans la même état que moi, alors je vais te raconter ma vie ! ". Aujourd'hui, avec Poliça, Spector, The War On Drugs, Destroyer, Bon Iver ou encore Doom, la journée sera cérébrale. Ca tombe bien, c'est avec
BRNS (prononcez Brains) que l'on entame notre périple psychique. Cousins évidents de WU LYF, ces jeunes bruxellois n'en font qu’à leurs têtes et organisent une brutale collision entre un rock caverneux et des mélodies aux timbres pop. En quarante minutes à peine, BRNS viennent de délivrer un set d’une classe folle. C’est bien simple : face à eux, on n'en mène pas large.
Irréel, fascinant, charmant, les qualificatifs abondent pour évoquer la performance de
Poliça. Presqu’autant que l’album
Give You Ghost, sorti plus tôt dans l’année, l’admiration éprouvée face au concert du projet de Channy Leaneagh et de Ryan Olson est une évidence qui pourrait très bien ne pas en être une : chanté magnifiquement, leur r'n'b futuriste malaxé à la pop enrobe, tant par sa douceur que par sa puissance, l'ensemble des spectateurs - la plupart certainement arrivés sous le chapiteau pour éviter la pluie. A l’avenir, c’est certain, Poliça aura une belle carte à jouer.
Porter le même nom que l'un des plus célèbres, talentueux ou dingues producteurs de pop n'est pas chose facile. Pourtant,
Spector, à entendre leurs compositions romantiques et nerveuses (l’ultime morceau
Chevy Thunder), ne semble pas en souffrir plus que ça. Certes, cela n'a rien de franchement original, ni rien de très ressemblant avec ce bon vieux Phil, mais cela tiens amplement la route. Ce n'est sans doute pas un hasard si leurs mélodies sont aussi classes qu'une vieille Rolls Royce anglaise. Attention toutefois à ne pas suinter la luxure.
Malgré la boue, il se passe donc de très belles choses à Dour aujourd'hui. Et c'est le rock qui en profite le mieux avec les performances de
The War On Drugs et
Destroyer, lesquels portent bien leur nom. Plutôt que s’amuser à différencier leur rock, en furie romantique explosive pour le premier et en ritournelle à la fois radieuse et brutale pour le second, citons ce qui les rapproche. Car au-delà de leur sphère sonore respective, aussi fédératrice que sévère dans leur approche, leur live révèle quelque chose de plus grand encore : une orchestration soignée, une intelligence sonore déroutante et des arrangements en cascade, toujours à la limite de l’abus.
Dommage que ces deux concerts soient entrecoupés par une tristounette performance de
Nada Surf. C’est un fait, chez ces américains, rien n’a changé depuis vingt ans. Excepté le fait que le guitariste se ballade désormais avec un poulpe sur la tête, c’est toujours la même formule de rock primaire, nostalgique et agaçant. Comme quoi il est parfois difficile de rester fédérateur la quarantaine passée. Au revoir, merci.
Après autant d’expériences, une question : pourquoi s’arrêter ? C’est sans doute parce que l’on n’arrive pas à trouver la réponse que l’on se rend avec entrain et enthousiasme au concert de Justin Vernon, alias
Bon Iver. Entouré par huit musiciens, au sein d’un décor rappelant Koh-Lanta, l’américain veut frapper un grand coup ce soir. L’ouverture
Perth ne laisse d’ailleurs aucun doute : le tout est magistral, solennel et espiègle. Bercée par des cuivres magnifiques, les compositions de Bon Iver (de
Skinny Love au rappel
For Emma), lesquelles ne rechignent déjà pas d’ordinaire à la contemplation, se transforment ici en formidable démonstration d’évidence pop. En éternel insatisfaits que nous sommes, on se dit tout de même que sous un chapiteau, tout aurait certainement été plus beau.
La fin de soirée se rapproche à grand pas, pourtant, plein de belles choses s’annoncent. Citons pêle-mêle : Little Dragon, The Shoes, Club Cheval et toute la clique Forma.T. Avec leurs nappes de synthés éthérées à vous décoller la cage thoracique, les suédois de
Little Dragon répondent clairement à l’appel de la nuit. Mais le concert vaut avant tout pour sa démesure : des tubes enchainés, en dépit du bon sens, qui pourraient bien être, même si l’album est déjà sorti depuis de nombreux mois, notre antidépresseur préféré de l’été. Avec son approche futuriste de la pop, Little Dragon s’éloigne durant une heure des intentions maintes fois rebattues du genre en proposant un son proche de SBTRKT, en version nettement plus tyrannique.
Puis,
Bromance prend le pouvoir et impose son style. En programmant coup sur coup The Shoes, Club Cheval et l’association Brodinski/Gesaffelstein, le label créé par Manu Barron et Brodinski expose ses pépites. Que ce soit par les ambiances synthétiques toujours aussi fédératrices de The Shoes, l’approche presque organique de la musique club des quatre lillois de Club Cheval que l’on a hâte de recroiser sur les routes de festivals ou encore l’électro gonflée en infrabasses de Brodinski et Gesaffelstein, le résultat est le même : on en mouille nos sous-vêtements.
Il vaut donc mieux rentrer se coucher. Bonne nuit les petits.