Pour cette troisième et dernière journée de l'édition 2012 du festival Rock en Seine, tous les voyants sont au vert en ce dimanche 26 août : temps dégagé, forte affluence en vue et programmation de qualité laissent présager le meilleur pour les nombreux festivaliers présents.
Une heure à peine après l'ouverture des portes du site, un premier constat s'impose : le public a répondu présent pour occuper le vaste espace faisant face à la Grande Scène plusieurs heures avant la montée sur scène de l'une des attractions du festival, Green Day. C'est à l'opposée de cette même scène, sur la Pression Live, que notre périple débute sur le coup de 14h30 en compagnie des américains de
Friends, précédés depuis plusieurs mois déjà par un engouement persistant. Il ne faut pas plus de quelques minutes passées à observer Samantha Urbani pour mieux comprendre le phénomène : au centre de la scène, la jeune musicienne ne cesse de se dandiner tout en usant et abusant de son chant aux tonalités des plus répétitives. Si la basse et l'apport vocal de Lesley Hann ne sont pas en reste, l'attitude pour le moins irritante de la leader du groupe nous rebute rapidement alors que le mélange des genres opéré par la formation semble faire perdre toute ligne directrice à une prestation décevante.
Premiers à se produire sur la Grande Scène,
Bombay Bicycle Club vont quant à eux faire preuve d'une surprenante maturité et d'une belle aisance durant une quarantaine de minutes. Après un concert remarqué à la Maroquinerie de Paris en novembre dernier, les quatre jeunes anglais s'attaquent aujourd'hui à un tout autre défi : convaincre une foule les découvrant à cette occasion du bienfondé de leur présence sur une scène de cette envergure. A l'image de leurs compatriotes des Arctic Monkeys il y a un, Jack Steadman et ses musiciens ne brillent ni par leur charisme, ni par leur volonté de créer de quelconques liens avec l'assistance. De bref remerciements accompagnent ainsi des compositions rapidement enchaînées, les entêtants
How Can You Swallow So Much Sleep,
Evening/Morning ou
Always Like This recevant l’approbation générale d'une foule se laissant progressivement prendre au jeu, qui plus en présence d'une Lucy Rose dont les choeurs et un comportement très volontaire apportent un dynamisme certain à ses jeunes camarades. A la lumière de cette prestation ayant fait la part-belle aux guitares, la réussite de Bombay Bicycle Club outre-Manche n'est guère étonnante.
Sur la scène de la Cascade, c'est une ambiance des plus détendues que le public découvre aux côtés de
Family Of The Year. A mi-chemin entre le folk et la pop à tendance hippie, la prestation proposée par les cinq musiciens est un appel à la relaxation au milieu d'une pelouse étrangement boudée par les festivaliers à cet instant. Certes l'homogénéité du répertoire présenté en ce jour ne prête pas à générer un enthousiasme débordant de la foule, mais les sourires affichés tant sur scène que dans les premiers rangs du public constituent une confirmation du plaisir partagé. Quelques touches de clavier très 80s et de brèves incartades plus électriques offrent malgré tout de bienvenues variations tout au long de cette charmante prestation.
De retour sur la Grande Scène,
Stuck In The Sound n'ont pas à forcer leur talent pour provoquer le premier emballement général de la foule. Leur rock dynamique et pêchu entraîne les premiers pogos et slams du jour dans une ambiance somme toute bon enfant. Désormais perçus comme l'une des formations phare de la scène rock française, ces derniers affichent malgré tout de véritables limites dans la diversité de leur répertoire mais aussi dans des influences très américaines digérées sans véritable prise de risque ou tentative de renouvellement. A grands coups de riffs, les compositions du groupe font mouche, mais qu'en reste-il une fois le microphone coupé et les instruments débranchés ? Le sentiment d'avoir assisté à une prestation certes divertissantes mais peu mémorable, portée par l'allant de cette bande de potes bien rodée depuis plusieurs années déjà et armée pour satisfaire le festivalier moyen. Au suivant !
Tradition du festival oblige, le concert-revival de cette édition 2012 revient à
The Waterboys. Après trente années de carrière, la formation dont les membres sont issus des quatre coins du Royaume-Uni offre une courte heure durant un récital de rock celtique teinté de country des plus convaincants. Scrupuleusement observés par Jean-Paul Huchon, président du conseil régional d'Île-de-France, mais aussi le chanteur de variété Cali, invité à monter sur scène durant
Fisherman's Blues, les six musiciens ne possèdent certes plus la fougue de la jeunesse mais font valoir une belle expérience de la scène et un certain sens de la théâtralité après avoir revêtu d'étranges masques. Le public, plus ou moins jeune, connaisseur ou novice, se laisse ainsi prendre au jeu, réjouissant, délivré par un Mike Scott en belle forme et des musiciens très impliqués, à commencer par le violoniste Steve Wickham omniprésent tout au long de la performance. Une belle surprise autant qu'un choix gagnant pour le festival.
Si leur album
This Machine publié il y a quelques mois n'a pas connu le succès escompté,
The Dandy Warhols se voient malgré tout offrir aujourd'hui une pige de luxe sur la Grande Scène du festival. En dépit de leur longue carrière et d'un nombre important de fidèles, les américains menés par Courtney Taylor-Taylor ne semblent pas aujourd'hui dans les meilleures dispositions. Outre une acoustique déplorable et des voix sous-mixées, les quatre musiciens offrent durant une cinquantaine de minutes une prestation en pilote automatique sans passion ni réelle motivation. Certes la setlist choisie contient son lot de tubes, à commencer par les une large sélection tirée de
Thirteen Tales From Urban Bohemia (
Get Off, Godless, Bohemian Like You) mais aussi
The Last High ou
We Used To Be Friends, mais les intermèdes instrumentaux prolongés à l'envie ou le détachement affiché par l'ensemble du groupe plombent une prestation n'ayant jamais trouvé son rythme de croisière. Une déception de la part de Dandy Warhols capables de bien meilleures prestations dans un bon jour.
Coup de coeur annoncé du directeur du festival, François Missionnier,
Grandaddy s'apprêtent quant à eux à livrer sur la Scène de la Cascade la prestation la plus aboutie et marquante du jour. Casquette vissée sur la tête, guitare à la main ou installé derrière son piano, Jason Lytle mène ce soir le groupe d'une main de maître face à un public venu nombreux. Reformés à l'occasion du vingtième anniversaire de la formation du groupe, six années après la sortie de l'album
Just Like the Fambly Cat ayant précédé la fin de leurs activités, les américains visent juste avec un concert Best Of balayant les moindres recoins de leur discographie. Accompagnés sur les deux écrans entourant la scène d'extraits de vidéo clips ou d'images industrielles poussant à une certaine nostalgie, Grandaddy comblent de bonheur leurs plus fidèles fans avec
The Crystal Lake,
A.M. 180 dont la boucle électronique d'ouverture se voit saluée par de copieux applaudissements,
El Caminos In The West ou l'inévitable
Now It's On. De la douceur d'une voix reconnaissable parmi mille à des guitares lorgnant vers la power pop, c'est un sans-faute que nous auront livré ce soir ces cinq revenants.
De retour sur la Grande Scène, le punk a pris ses quartiers avec
Social Distortion. S'ils ne manquent pas d'évoquer leurs illustres prédécesseurs ou collègues, de The Clash à Johnny Cash en passant par les Sex Pistols, et ne semblent pas subir le poids des années après plus de trente années de carrière, Mike Ness et les siens rencontrent bien des difficultés pour tirer leur épingle du jeu. Réduit à une petite douzaine de titres, le set proposé par le quatuor tombe rapidement dans une certaine routine, seuls les quelques discours revendicatifs de leur leader, incluant un hommage appuyé au regretté Joe Strummer, provoquent aujourd'hui un semblant de réaction d'une foule de plus en plus dans l'attente de la venue de Green Day en fin de soirée.
Une dernière série de concert précède toutefois l'arrivée des américains. Sur la scène de la Cascade, une foule compacte se déchaîne en compagnie de
Foster The People alors que la venue de
Beach House semble avoir servi de point de rendez-vous aux hipsters de tous bords. Entourée par Alex Scally et un batteur, la francophone Victoria Legrand fait sensation au centre de la scène derrière son orgue. Dans un épais nuage de fumée bercé par de timides éclairages et de fausses bouches d'aérations faisant office de décors, le trio ne brille pas plus par sa présence scénique que par la variété de son répertoire pleinement ancré dans les années 80s. Seul le chant, superbe et maîtrisé de bout en bout, et un univers très affirmé, permettent ainsi à Beach House de sauver les apparences et satisfaire leurs plus fidèles fans.
Sur la Grande Scène, la messe du jour, pour ne pas dire du festival, se tient déjà depuis plusieurs minutes en présence de
Green Day. Plus qu'un concert, les américains offrent ce soir un véritable spectacle de près de deux heures. Le public, constitué d'un important quota d'adolescents mais aussi de trentenaires ayant connu
Dookie durant leur jeunesse, vibre au son de quelques nouveautés mais aussi et surtout des nombreux tubes du trio, des récents
Holiday ou
Boulevard Of Broken Dreams aux plus anciens
Minority,
Basket Case ou
Good Riddance (Time Of Your Life). Un spectacle renforcé, mais parfois peut-être même trop haché, par l'entrain exacerbé de Billy Joe Armstrong, lequel multipliera sans cesse ce soir blagues potaches, montée de fans sur scène, arrosage du public ou diverses interactions dans une ambiance bon enfant. Du Green Day pur jus, à la hauteur de l'événement et de son statut de tête d'affiche.
Véritable succès populaire avec un record de fréquentation battu (110 000 festivaliers recensés tout au long du week-end), le festival Rock en Seine aura tenu son rang à l'occasion de son dixième anniversaire. L'absence des têtes d'affiches espérées par beaucoup n'aura peut-être été que difficilement été effacée, mais les prestations de qualité fournies notamment par Bloc Party, Sigur Rós, Green Day, dEUS, Mark Lanegan, Get Well Soon ou encore Noel Gallagher ne seront pas oubliées de sitôt. A l'année prochaine !