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Fête de l'Humanité

Paris, du 14 au 16 septembre 2012

Live-report rédigé par Natt Pantelic le 26 septembre 2012

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samedi 15
Attention lecteurs, accrochez-vous à vos bretelles, ça va aller très vite : Grande scène de la Fête de l'Humanité, Peter Doherty en retard et titubant, la France a peur, classique, trois ou quatre chansons intimistes avec danseuses classiques elles aussi, une corde pétée, les plombs aussi, bretelles et polo arrachés, guitare fracassée, départ de scène, probable prise de tête en coulisses, retour sur scène, une chanson et puis s'en va. Mais revoyons la scène au ralenti.

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Peter Doherty, on le sait, est capable du pire comme du meilleur. Cet aphorisme est tellement simple que je m'en voudrais presque, mais là, on le jurerait taillé sur mesure pour lui. L'ami Pete, avec une guitare, c'est la loterie : soit c'est de l'art, soit c'est du cochon. Sauf qu'aujourd'hui, ce mufle a réussi à faire les deux. Après quelques titres à la performance mi-académique mi-précieuse, c'est le clash : pétage de plomb de Pete ! L'attention détournée un instant, je ne comprends pas tout de suite. Rumeur dans le public. Une corde de sa guitare aurait cassé, et de rage, il l'a achevée sur une enceinte en plein Fuck forever... Rock star attitude, comme redouté par un public à peine stupéfait. Car c'est là que réside la véritable surprise de ce concert : le silence qui suit, d'un public blasé des frasques de rock star. Après un black out de quelques minutes lors desquelles Peter Doherty a du se faire remonter les bretelles et le tshirt en coulisses, il revient avec une nouvelle guitare et interprète, en guise d'au revoir, What Katie did, une émouvante chanson de son répertoire. Comme pour se faire pardonner son attitude explosive ou calculée. On ne le saura jamais mais on s'en remettra bien vite.

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Il en est de même pour la performance des stéphanois de Dub Inc., dont je n'entends que quelques mesures stridentes au loin, m'éloignant peu à peu de la Grande Scène pour rejoindre la Zebrock où je vais retrouver Rodolphe Burger. Ex-Kat Onoma, groupe de rock français des années 80s à 2000, le guitariste et chanteur nous propose ce soir de réviser avec lui les classiques du Velvet Underground, qu'il reprend dans son dernier album sorti l'an passé, This is a Velvet Underground song that i'd like to sing. Pari audacieux. Libre, indépendant de tout star-system, ouvert à toutes formes d'art et de collaborations artistiques, il va et vient entre nos oreilles, et sans retenue.
Sans cesse entre références littéraires et musicales, il joue sur tous les tableaux de maîtres et ça lui/nous va bien. Cet artiste protéiforme a l'art de polir l'aspect primitif et rugueux du rock sans le dénaturer... Sophistication suprême. Les verres d'eau posés près de lui sur les enceintes tressautent, à deux doigts de la chute aux pieds du guitariste qui se déchaîne maintenant à arracher de longs riffs à sa guitare argentée scintillant sous les spots, pièges coniques pour insectes tourbillonnant dans la nuit, encore douce. Les accords âpres et fougueux tournoient eux aussi, à un rythme effréné et calme à la fois, comme une éruption paisiblement programmée. « Non je n'irai pas à Miami / je ne suis pas ton complice [...] Ensemble oui / mais sans toi / si possible » clame-t-il en jouant Ensemble, une des chansons de l'album No Sport sorti en 2008. Sauf que nous, on te suivrait bien partout, cher Rodolphe. Animal, il piétine la scène comme un taureau prêt à rentrer dans l'art, prêt à défendre la musique avec la même ardeur qu'il met à la jouer, la déjouer, évitant le piège de l'hommage bêtement nostalgique et plaqué, planqué derrière l'évidence de références qu'il honore plutôt. Plus tard, des rythmes blues « where we never been before », plus soft et tourmentés. Après, le son d'une cascade à l'accent frais. Et puis ses mots au public, d'autres encore, sous toutes les formes, toujours revisitées. Un grand merci à lui.

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Un grand merci également à Patti Smith. La grande prêtresse du punk-rock est maintenant sur la Grande Scène, bonnet de laine sur la tête et de noir vêtue pour lutter contre la fraîcheur qui s'installe maintenant, mais pas seulement. On le sait, Patti Smith est une artiste engagée, à la révolte communicative et pacifiste, perpétuant l'esprit beatnik et rock des années 70. Ce soir, elle vient avec l'espoir de donner encore et toujours le Pouvoir à un Peuple qu'elle souhaite plus concerné aussi par la préservation de Mère Nature.
En chansons déchaînées et longs messages adressés à un public déjà conquis qui attendait ce live avec grande ferveur, elle électrise totalement l'ambiance. Du fameux Because The Night au plus récent Banga en passant par Ghost Dance, elle distille ses appels à militer pour toujours plus de liberté et contre tous dictats, clamant « Mister Greed : the people rules ! ». Son visage vieillissant lui donne l'air d'un Shaman détenant le secret de la vie. Et c'est pendue à ses lèvres que la foule suit ce guide spirituel qui rend hommage à Maria Schneider, Robert Mapplethorpe et autres êtres beaux et bons comme elle les aime inconditionnellement, lors de morceaux aux crescendos magnifiquement dramatiques.
Un tourbillon d'émotions, de sagesse et de sincérité déferle ce soir, nous offrant des moments grandioses, frissonnants, inoubliables. Poignante, rageuse, grognant, aboyant sur People Have The Power, éclatant de rire, avec une mise en scène minimaliste, sans atours, survoltée, brute, rayonnante, elle est là et bien là, comme prenant racines et vigueur partout où elle passe, s'enrichissant de tous, en un fantastique échange de forces vives. Accompagnée par ses musiciens, seule au piano ou à la guitare, sa voix rauque et extrêmement puissante résonne, cogne dans nos têtes, imprimant ses mots, ses idées bonnes d'humanisme. « Unity with the ancesters, with the future and the present » ! La communion avec le public est totale. Et c'est avec une Gloria festive et explosive qu'elle part pour revenir, sous les hourras d'une foule comblée, nous gratifiant de « five more minutes ! » avec des riffs tellement marqués sur Rock'n'Roll Nigger qu'elle en casse ses cordes, les offrant à un public planant à quatre mille pour longtemps, empli d'elle, empli de sa force qu'on jurerait éternelle.

Long live, Patti, we love you.
artistes
    Patti Smith
    Bénabar
    Peter Doherty
    Parov Stelar
    Dub Inc.
    Mon Côté Punk
    Jean-Marc Padovani
    Orchestre Symphonique Divertimento
    Edouard Ferlet
    El General
    Stereosapiens
    Yas & the Lightmotiv
    Madame Dame
    Seb Martel
    Rodolphe Burger
    Kabal
    Cie Lubat
    Jeanne Added
    Andy Emler MegaOctet
    Mickey and the Good Fellas
    Claire Lise
    Miss Mama