logo SOV

Transmusicales

Rennes, du 4 au 8 décembre 2013

Live-report rédigé par François Freundlich le 11 décembre 2013

Bookmark and Share
Si les 34èmes Transmusicales ne se sont pas déroulées à Montpellier, les 35èmes ont bien lieu à Rennes, ce qui réjouira les forcenés du code postal. Nous sommes fébriles à l'approche de la capitale bretonne où il semble qu'une panique se soit installée suite à la programmation de Stromae : des restrictions de billetterie et de jauge, un peu comme si on annonçait à la radio que les aliens allaient débarquer en demandant de prendre ses précautions. Ajoutons à cela des concerts dans la salle de La Cité ou au 4bis non remplacés, on se demande s'il s'agit bien toujours des Transmusicales de Rennes dont on parle. Mais évoquons d'abord ce premier jour plus tranquille et davantage dans l'esprit du festival.

Nous arrivons juste à temps pour nous installer dans les confortables fauteuils des Champs Libres pour assister à une conférence listant toutes les scénographies possibles et imaginables de David Bowie à Johnny Halliday en passant par un hologramme J-Pop. Nous restons néanmoins sur place, car l'excellent trio Public Service Broadcasting s'apprête à livrer notre premier et meilleur concert du festival. Les trois anglais s'installent devant une scénographie justement très travaillée, entre vieilles télévisions et un écran géant diffusant de vieux films rappelant Chris Marker et une antenne lumineuse semblant émettre des données. La position assise permet de faire attention aux nombreux détails du show. Leur musique est instrumentale mais des samples de voix viennent s'y ajouter et sont mixés en rythme par J. Willgoose qui alterne entre son laptop, son synthé et... un banjo. L'utilisation de cet instrument pour humaniser ce son électronique tient du génie car il s'y intègre parfaitement. Wigglesworth disperse un rythme effréné à la batterie tandis que le troisième membre est un VJ s'occupant exclusivement des visuels et du lightshow. Le concert et clairement atypique et les tubes à forte énergie rock sur des bases électroniques qui s'enchainent sont diablement entêtant, donnant juste envie de remuer les fesses sur ces moelleux fauteuils. Nous aurons l'occasion d'entrer plus dans les détails lors de leur second concert au Parc des Expositions.

SOV

La salle de l'Etage a déjà ouvert ses portes alors que nous y entrons pour les concerts tremplins du festival. The Red Goes Black déploient un blues rock un peu poussif stagnant dans des sonorités donnant l'impression d'avoir déjà été entendues mille fois mais redevenues à la mode avec quelques références qui ont su les remettre au gout du jour comme The Black Keys ou Hanni El Khatib. Malheureusement, on s'essouffle ici rapidement sur ces boucles graves qui ne décolleront jamais.

SOV

Le dernier groupe de l'après-midi aiguisera davantage notre curiosité avec les nordistes de Okay Monday. En entrant dans ce long couloir qu'est la salle de l'Etage, on a d'abord l'impression d'entendre un groupe à chanteuse mais c'est bien un vocaliste aux allures de geek qui déploie un organe rappelant parfois Tahiti 80. Leur pop FM et sucrée ne paye pas de mine mais a le mérite d'être dansante, avec quelques synthés vintage et guitares électriques surf. Leurs titres parlent apparemment tous de la même fille, ce qui ne doit pas du tout être effrayant pour elle, et rappellent ce léger groupe américain Weathus qui avait cartonné avec Teenage Dirtbag au débuts des 00's. Le titre Wrong Girl At The Wrong Place confirme cette impression même s'il fonctionne assez bien. Saluons tout de même la prise de risque avec une reprise de Bohemian Rhapsody de Queen complètement osée mais plutôt bien exécutée, étant donné la difficulté d'interprétation ce tube de légende. Ça fait toujours plaisir.

SOV

Nous prenons la direction du Parc des Expositions de Saint-Jacques-de-la-Lande, à J-1 avant l'apocalypse selon Stromae. Des canadiennes ouvrent le bal avec un quatuor de gamines très chic, cela tombe bien puisqu'elles s'appellent Chic Gamine. Dansons dessus. Les quatre voix mielleuse se mélangent, généralement accompagnée d'une simple batterie ou de quelques percussions. La performance est avant tout vocale dans un style de divas maniérées. Les voix de tête s'essayent aux trémolos rappelant Adele. La vie est parfois dure. Chaque chanteuse se mettra en avant sur ses propres titres alors que les chœurs langoureux trainassent dans une soul sirupeuse alourdie par de chics clichés. On résistera autant que faire se peut mais notre esprit d'adolescente au cœur brisé pleurnichant sur son lit n'était peut-être pas assez présent ce soir.

SOV

Nous voguons vers le Hall 3 qui sera notre repère pendant ses trois jours, quitte à s'y endormir comme à la maison. Les parisiens de Moodoïd ont récemment été catapultés en une du journal Le Monde comme le nouveau visage de la pop française avec leurs maquillages à paillettes. Nous les attendions de pied ferme, après avoir visionné leur fantastique clip Bollywoodien De Folie Pure. Dès le début du concert, des problèmes de son plombent l'ambiance puisque l'on a du mal à distinguer les voix. On aurait préféré entendre celle-ci à celles de Chic Gamine.
Leurs compositions sont audacieuses et leur apparente jeunesse correspond pleinement avec la fraicheur et l'originalité de leur musique en mode french pop. Les guitares trainent et s'énervent pour se calmer subitement, doublées par des synthés planants et psychédéliques. De longs passages instrumentaux nous élèvent vers un nirvana sensoriel comme sur l'énigmatique Je Suis La Montagne. Le chanteur à la voix fragile rappelant parfois Daniel Darc ou les débuts d'Eiffel pousse parfois dans des aigües surprenant tout en prenant la rythmique à contre-pied comme sur Les Oiseaux. Le trio féminin claviériste, batteuse et bassiste l'accompagne sur des chœurs dissonant pour un mélange qui force l'admiration par l'adaptation de la langue française à ces influences anglo-saxonnes reliant Tame Impala à Serge Gainsbourg. Le tube De Folie Pure nous met in the mood for dancing même si les chorégraphie du vidéo clip ne seront pas reprises et les chœurs féminins très peu audibles. Ces brillants Moodoïd, autant par leurs vêtements et maquillages que par leur musique, sont définitivement à revoir dans de meilleures conditions pour profiter encore plus de leur brio.

SOV

Le phénomène anglais London Grammar est également de la partie en ce jeudi. Le trio a attiré la foule puisqu'il est difficile de s'approcher au plus près de la blonde Hannah Reid, qui pousse sa voix dans des sommets impressionnants. Dans le minimalisme de quelques notes de piano, d'un soupçon de guitare ou de quelques pointes de djembé, le trio sublime les compositions de l'un des albums phare de cette année 2013. Dot Major, avec ses allures d'adolescent, alterne les passages au piano et à la batterie. Il séduira également le public par quelques mots en français, précisant qu'il s'agit de leur dernier concert de l'année et qu'ils n'avaient jamais joué devant une telle foule auparavant. Leur pop mélancolique nous glace le sang tandis que cette voix grave force le silence religieux pour un public rennais pourtant déjà bien échauffé. Hannah l'invoque dans une puissance perforante sur Strong ou quelques beats viennent la souligner dans une atmosphère cold wave. Elle s'installe finalement aux claviers auprès de Dot pour une Interlude marquée par l'intro de The XX. Leur reprise de Nightcall de Kavinsky fait naturellement exulter le public mais nous ressentons une pointe d'opportunisme à reprendre ce tube motorisé planétaire afin de toucher un plus grand public. Les pianos sombres drapent le dancefloor de coton alors que l'interprétation est simplement sublime. Wasting My Young Years prolonge ce moment de vague à l'âme béat avant que le trio ne quitte déjà la scène. Les concerts de London Grammar sont très courts mais très intenses : on comprend qu'une telle voix se doit d'être utilisée précieusement. Un rappel ne sera donc pas de trop avec une reprise de Wicked Game de Chris Isaak qui n'égalera pas l'originale mais confirmera le don philosophale des grammairiens.

SOV

Après cet éphémère flottement, nous rejoignons Luke Jenner, chanteur et guitariste de The Rapture, pour l'un de ses premiers concerts sous son propre nom. Il restera cette fois assis derrière son clavier, un peu caché sur la droite de la scène. Serait-il plus compliqué de s'assumer en solo que dans un groupe, au point de laisser au bassiste la place centrale ? Il en ressort une prestation très statique qui rejaillit sur des instrumentations trop simples. La section rythmique tourne en boucle tandis que les quelques montées de piano donnent l'impression d'être jouées à deux doigts. On attend ce moment ou le morceau décollera enfin mais on se retrouve plutôt avec l'impression d'une introduction qui se répète à l'infini. Il faut s'accrocher à quelques clappements en rythme disco et à trois notes de piano « keyboard cat » mais l'ennui pointe. Luke Jenner annonce un titre inspiré par les Pixies et demande si nous les connaissons. Le problème est que oui, mais nous savons aussi que les Pixies avaient des guitares, et n'y voyons pas le rapport avec ce titre. Pour s'enfoncer un peu plus, Jenner reprend atrocement Jump de Van Halen avec une voix de travers et un piano bancale. Fuyons.

SOV

Nous changeons radicalement d'ambiance, comme souvent aux Transmusicales, avec les argentins de Ya Legros. L'ensemble tourne sévèrement cumbia avec ce tube qui nous fait bouger les hanches : Viene De Mi. Nous ne pourrons nous empêcher de le chanter par la suite dans un yaourt espagnol de Français qui a appris l'allemand à l'école. La chanteuse Mariana Yegros fait plaisir à voir avec ses pas de danse endiablés, sa voix chaude et exquise faisant sonner délicieusement l'espagnol entre sonorités traditionnelles et flow hip-hop. Des percussions down tempo viennent cadencer la danse alors qu'un accordéon est également de la partie pour un mélange des genres exotique qui nous ferait presque oublier que le gel a commencé à atteindre les pare-brises sur le parking. Le sourire de Mariana s'est en tout cas communiqué à tout le public.

SOV

C'est en trio que l'américain Bosco Delrey va faire souffler une vague rock sur les Transmusicales. L'énergie est davantage présente que chez son compatriote Luke Jenner, mêlant quelques inspirations rockabilly avec des énervements sombres rappelant Black Rebel Motorcycle Club. Les guitares se déchainent dans des distorsions tortueuses sans jamais s'éloigner bien loin d'une pop qui pourrait propulser certains de ses titres plus loin qu'on ne le pense. Expelled Spelled Expelled rappelle fortement Girls Just Wanna Have Fun (ou Stand By Me, c'est la même chose), nous faisant forcément chanter comme Cindy Lauper sur ces riffs aiguisés. Le phrasé parlé de la voix se fait fortement monotone sur la longueur, tout comme ses compositions se reposant toutes sur une même base. Bosco Delrey nous aura amusé pour un temps mais n'aura pas tenu sur la longueur malgré quelques lignes de basses salvatrices.

SOV

On se réjouissait de voir Molotov Jukebox, le groupe de l'actrice tenant le rôle de Osha dans la série Game Of Thrones, ce sont finalement les parisiens de Sixtine qui les remplacent suite à l'annulation des premiers pour cause de tournage. Une ambiance dance à forts relents italo-disco se profile avec une chanteuse dont la voix essoufflée ne marquera pas les esprits. Le claviériste au masque d'âne Rico The Wizard partage ce goût du déguisement avec Guy-Man de Daft Punk avec qui il a fondé le label Crydamoure, mais doit avoir un peu chaud tout de même. La danse n'y est pas vraiment sur ces rythmes lents, l'originalité non plus et nous les abandonnons rapidement pour rejoindre le dernier concert de la soirée qui sera également le plus épique.

SOV

Har Mar Superstar. Voilà le nom annoncé fièrement par Jean-Louis Brossard, le programmateur du festival, avant l'entrée en scène de ce Beth Ditto au masculin. Ce crooner biatch à la voix d'or se met en scène par des danses langoureuses tout en se déshabillant au fur et à mesure du concert, laissant apparaître ses kilos superflus. Il faut dire que les yeux fermés, on a l'impression d'entendre Jamiroquai, mais ouverts, cela serait plutôt Guillaume Gallienne habillé en Marty McFly version cow-boy. L'ironie est omniprésente dans ce concert qui est nommé pour la palme du plus « what the fuck » du festival, même s'il ne sera peut-être pas le vainqueur. Sean Tillmann joue au tombeur de ces dames, avec des chansons à l'érotisme perceptible et ce pas uniquement lorsqu'il se met en slip. Entre pop et disco (un style énormément, voire trop présent dans le festival cette année) le mégalo Har Mar Superstar terminera sur une reprise de Boyz II Men devant un public ébahi par une prestation qui restera dans les annales.

Les Transmusicales de Rennes sont de retour avec leur lot de bons ou moins bons concerts en ce premier jour. Nous retiendrons la prestation magistrale de Public Service Broadcasting, la jeunesse psychédélique de Moodoïd et le souffle communicatif de London Grammar.
artistes
    Benjamin Clementine
    Big Buddha
    Bosco Delrey
    Chic Gamine
    Fat Supper
    Har Mar Superstar
    Leonie Pernet
    London Grammar
    Luke Jenner
    Marquees
    Moodoïd
    Okay Monday
    Popa Zens
    Public Service Broadcasting
    Sixtine
    Surfing Leons
    The Red Goes Black
    Wilkimix
    Ya Legros
photos du festival