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Transmusicales

Rennes, du 4 au 8 décembre 2013

Live-report rédigé par François Freundlich le 17 décembre 2013

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vendredi 6
La journée du vendredi des Transmusicales de Rennes est fatalement arrivée, on espère ne pas y laisser trop de plumes avec la fameuse tête d'affiche qui déchaine les passions. La file d'attente familiale s'étend jusqu'au fond du parking du Parc des Expositions mais ce n'est pas aux vieux briscards des festivals qu'on apprend à faire la grimace. Avant tout, commençons cette journée dans la salle de l'Etage pour quelques concerts tremplins.

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Nous arrivons pour le concert d'EXPØ, des rennais qui semblent aimer les bâtons dans les roues. Le quatuor propose des compositions joyeuses inspirées par la brit-pop FM avec quelques pianos pouvant rappeler Keane ou des guitares à la Snow Patrol. Le groupe dégage beaucoup d'énergie, n'hésitant pas à doubler la rythmique et à y ajouter des chœurs à tue-tête. Ces vrais faux norvégiens ont tout pour plaire au plus grand nombre.

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Enchainons avec The Same Old Band, groupe au nom légèrement blasé. L'esprit est davantage psychédélique avec des guitares lancinantes et abrasives dérivant vers un son de sitar indien. La voix se traine également alors que les miroiteries kaléidoscopiques s'enroulent dans de longs instrumentaux tapageurs. Encore un autre groupe psyché mais pas le plus mauvais.

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Pour terminer cet après-midi, nous berçons dans une atmosphère plus apaisée avec The Enchanted Wood. Composée de membres de La Terre Tremble !!!, cette formation saupoudre un ambiance sombre et mélancolique avec des compositions écorchées aux accents folk mais pouvant s'embarquer dans un déflagrations électriques tarabiscotées. La voix est l'une de celles qui nous auront le plus marqués, avec cette gravité inspirée par Nick Cave ou dEUS pour des compositions évoluant continuellement sur de longues plages de sable mouvant. Ou de forêts magiques.

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Nous disions donc : après avoir savamment filouté la file d'attente de ceux qui voulaient se placer pour voir Stromae, nous découvrons avec joie ce nouveau public des Transmusicales venu voir la star du moment. Nous le supportons en avant-première (le public, pas la star) pendant le concert de Nova Heart, laquelle joue avant le belge dans le plus grand des halls. Il est pour ainsi dire impossible de se concentrer sur le concert de la sino-américaine, tant le public s'en contre-fiche, plus occupé à se prendre en photo ou à glousser. On a beau changer d'endroit, les « mais c'est qui qui joue là ? » l'emportent. La prestation aurait pourtant pu être convaincante avec une certaine froideur trip-hop et des stridulations électro-pop rappelant parfois Fever Ray. Les basses sont de sortie même si les passages dancefloor ne parviennent pas à nous sortir de notre torpeur. Suppliciés par ces conditions, nous rejoignons notre bon vieux Hall 3 en espérant voir un concert de Nova Heart moins gâché dans le futur.

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The Skins sont déjà en place, enflammant la scène et le public dans une ambiance totalement opposée faisant tellement plaisir à rejoindre. La charismatique chanteuse Bayli élève sa voix irrésistible sur des riffs de guitare des plus excitants. The Skins font trembler les murs de leurs boucles électriques influencés par le hard-rock mais fusionnant les genres : punk dans l'énergie, soul dans la voix, libéré de tout carcan mais avant tout so american. Le jeune quintet ne s'en cache pas puisqu'il se plait à reprendre Toxic de Britney Spears en version survitaminée ou Beat It de Michael Jackson avec cette montée de guitare qui nous prend par les sentiments sur ce solo parfaitement exécuté donnant méchamment envie de remuer. Vous avez détesté Van Halen la veille, vous l'adorerez le lendemain.
Bayli n'est pas en reste sur la danse puisqu'elle remue dans tout les sens en n'oubliant pas d'interpeller la foule. Sa sœur Kaya à la basse apporte quelques chœurs alors que son frère Reef à la batterie donne tout ce qu'il a. Les deux guitaristes, la charmante Daisy et son pote Russel, s'emploient à ne jamais faire retomber le voltmètre sur des harmonies faciles puisque l'on est davantage dans le bon gros rock à la Deep Purple que dans la mélodie travaillée. Qu'importe, on se laisse emporter sur ce terrain d'habitude usant mais qui passe ici comme un rasoir sur la peau. La fraicheur de ces cinq Skins nous a rattrapés, avec l'impression d'avoir leur moyenne d'âge, dix-sept ans, en sortant du show.

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Faisons un petit détour par le concert des allemands de Oum Shatt, à l'opposée de The Skins de par leur jeu de scène statique. Seule une spirale psychédélique noire et blanche nous envoute (ou nous endort) à l'arrière de la scène alors que le groupe reste dans des compositions un peu plates malgré une voix pouvant rappeler The National. La rythmique a bien souvent des résonances africaines, ce qui, avec les guitares surf, peut parfois faire penser à Vampire Weekend sous (beaucoup de) valium.
Nous voilà finalement happés vers le Hall 9 puisque le seul concert à ce moment-là est celui de Stromae. On arrive à se faufiler dans la salle comble : ce n'est tout de même pas le rush attendu puisque l'on peut encore s'y placer juste avant le début du concert. Les fans sont surexcités et prêts à chanter leurs plus beaux « lalala ». La dance basique inspirée par cette vague 90's allant de Culture Beat à 2Unlimited est de retour grâce à Stromae, lequel a su y placer des textes contemporains, mais pas trop compliqués quand même (« dis moi où est ton papa », sérieusement ?), tout en se prenant beaucoup trop pour Jacques Brel. Cette manière de chanter imitant trait pour trait son aïeul belge nous laisse vraiment perplexe. Stromae trouve peut-être son propre style dans ses vêtements mais devrait sérieusement se lancer dans l'imitation pour le reste. Les gimmicks musicaux redondants, informes et simplistes, pré-mastiqués pour la masse, sont une torture pour les oreilles mais notre coté masochiste entre en jeu et nous persistons. Le public des Transmusicales devient une marée de smartphones levés. Nous abandonnons finalement ce formidable désastre en ne pensant pas à la présence de Stromae dans tous les festivals de 2014. Cette fois on ne nous y reprendra pas : ce sera direction le bar.

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Quel plaisir ultime de quitter ce hall sans vie pour se retrouver à un concert original et chaleureux : celui de Mikhael Paskalev, doté du talent d'une bonne centaine de Stromaes. Ce Norvégien d'origine bulgare basé à Liverpool va nous redonner foi en l'humanité avec sa folk-pop toute en délicatesse ornée de surprises comme un harmonica dylanien ou une trompette dissonante. Son petit coté relax et estival nous fait penser à Kings Of Convenience, d'autant plus que sa voix aigüe est la plupart du temps doublée par une choriste remuante. Ses compositions possèdent une universalité beatlesienne ajoutée à des influences country venues d'outre-Atlantique comme sur ce titre parlant de cow-boys allant en discothèque ou encore de Chris Brown. L'homme au chapeau et à la moustache semble détaché et calme mais peut parfois accélérer le tempo sur des passages plus fous et enlevés comme pourrait le faire Okkervil River. Mikhael Paskalev aura également livré une très belle version du titre Susie en solo, sur un simple guitare/voix à faire frissonner. Assurément l'un des meilleurs concerts du festival.

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Nous voguons alors d'un concert à l'autre comme nous nous plaisons à le faire dans ce festival. Découvrons tout d'abord Le Vasco, collectif parisien évoluant à la frontière du hip-hop et de l'électro dubstep minimaliste. La chanteuse Louise Calzada s'énerve dans un flow abrupt pour hurler subitement les refrains de toute sa hargne. Elle est accompagnée de guitares électriques pour la touche punk, de synthé et MPC pour l'électro et de quelques instruments à vent comme une clarinette. Parfois planant et délicat, parfois clairement déjanté lorsque Le Vasco lorgne du coté de Death Grips en offrant d'ailleurs une reprise du groupe américain à basses percutantes. Le Vasco met les pieds dans le plat en remuant l'air parfois trop lisse des groupes français en vogue, déployant un son brutal et écorché dans la lignée de cette hype allant de Blood Orange à AlunaGeorge.

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Une petite baignade avec les Jacuzzi Boys, ça ne se refuse pas. Les américains sont les premiers représentants de la déferlante rock qui va marquer cette nuit du vendredi. Le power trio ne fait pas dans la demi-mesure avec des éruptions mêlant garage et post-punk, enchainant sans temps mort les saturations de guitares sur une batterie toute en puissance. Le chanteur Gabriel prolonge sa voix éraillée dans des brailleries punk. Il reste caché derrière ses cheveux, un peu comme si Iggy Pop avait ingéré Cousin Machin tout en tenant sa guitare au niveau du torse. Les titres se reposent souvent sur deux ou quatre accords en boucle mais font dans l'efficacité : les Floridiens jouent à fond en permanence, on repassera donc pour la subtilité. Au final, le peu de variations entre les titres se ressent sur la longueur, donnant l'impression d'avoir écouté un seul morceau de cinquante minutes. Les amplis ont fini toastés, comme disent les québécois.

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Tentons ensuite un passage post-apocalyptique dans un Hall 9 qui s'est légèrement vidé pour s'essayer au disco revival de Escort. Tout y est : costumes brillants, perruques colorées, rythmique binaire ronflante, chœurs et voix rappelant Donna Summer sans oublier les synthés et autres cuivres. Comment parler d'un concert de disco sans trop de dommages ? A ce stade, il fallait certainement avoir beaucoup bu, se prendre pour John Travolta et se laisser aller pour apprécier. Get Lucky ne justifie pas tout.

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Retour dans le rock'n'roll hall of three avec les hollandais nés de la dernière pluie de Mozes & The First Born. Les mélodies sont cette fois davantage présentes avec des compositions addictives qui s'accrochent directement à la mémoire, tout en conservant un son crade légèrement grunge. le titre Bloodsucker en est la preuve : on ne résiste pas à se secouer sur ses montées vocales prolongées de guitares à distorsion perpétuelle. Le batteur est en tout cas déchainé, remuant ses longs cheveux blonds au risque de finir avec un torticolis massif. On pense parfois à The La's ou à leur progéniture Oasis dans cette voix éraillée qui prolonge les syllabes. Leurs aspirations pop parviennent aux oreilles comme un déclic évident, à l'image de leur tube I Got Skills chanté en chœur par tout le groupe et rappelant l'insolence des Black Lips. Ces quatre-là peuvent parfois donner l'impression d'être de gentils Dutch boys, mais ils concluront leur concert en balançant leurs guitares par terre dans un larsen vengeur, sans demander leur reste. Sauvageons.

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Des britanniques foulent finalement la scène du Hall 4 avec le collectif Melt Yourself Down. Le sextet se plait à mélanger allégrement des rythmiques africaines faites de percussions prolongeant la batterie. Leur particularité réside en ces deux saxophones rugissant des gimmicks acid-jazz emplis d'ardeur. Pete Wareham (déjà croisé au sein de Polar Bear) et son acolyte ne sont pas sans rappeler un certain Epic Sax Guy bien connu. Le tempo est aussi rapide que possible alors que les longs instrumentaux en percussions/saxophones nous laissent perplexes, tenant parfois de la musique d'improvisation sans réelle structure. Le chanteur aux allures chamaniques pousse quelques cris lorsqu'il en a l'occasion mais est bien plus occupé par ses danses épileptiques. On passe notre tour.
On s'offre un petit passage pour le grand Hall 9 avec les américains de The Crystal Ark qui prolongent l'esprit dance de la soirée. L'électro house de Gavin Russom, ex-membre live de LCD Soundsystem, et son groupe ne nous fera pas vibrer malgré des chanteuses qui auront pourtant tout essayé pour se faire entendre par dessus les beats.

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La vraie attraction du soir est bien entendue les londoniens de Public Service Broadcasting, attendus comme les messies aux alentours de 4h20 du matin. Le meilleur est cette fois encore pour la fin. Le trio est de retour pour son deuxième concert : le premier était trop tôt, celui-là est trop tard puisque beaucoup de festivaliers sont déjà repartis. Une grande partie du visuel est invisible par rapport à leur premier concert car les vieux films diffusés sur les différents écrans et télévisions sont estompées par le lightshow, ce qui est fort dommage quand connaît leur importance et le fait qu'un VJ soit présent sur scène exclusivement pour les enchainer. Reste la musique, toujours aussi envoutante et surprenante entre une synth-pop instrumentale épurée, une batterie doublée de quelques beats percutants et des voix samplées via un vocodeur.
J. Wilgoose alterne entre un banjo, idée de génie apportant énormément au rendu live de leurs morceaux, une guitare électrique et un synthé dont il enregistre les boucles. La musique de Public Service Broadcasting peut être qualifiée de geeky, surtout en apercevant le thérémine qui trône au coin du laptop. Le groupe communique via quelques mots enregistrés pour l'occasion comme un « Transmusicales » with the accent. Ces boucles sont entêtantes au possible, formant un mélange parfait entre pop, électro et rock dont il est impossible de se lasser. Cette impression de perfection dans les instrumentations est vraiment marquante. A la fin de chaque morceau, la seule hâte est de revoir cette antenne lumineuse à l'arrière de la scène se rallumer pour entendre la suite. On a l'impression d'avoir le son du futur devant nous même en ressentant ces inspirations 80's et en voyant ces films en noir et blanc. Le concert va en crescendo et les meilleurs titres seront joués sur la fin avec Roygbiv et ses nappes synthétiques colorées et surtout Theme From PSB. La phrase « The importance of ideas and informations » se répète de plus en plus rapidement. Les trois pyramides colorées formant leur logo avec les trois mots du morceau Inform – Educate - Entertain tournoient sur l'écran. Ces trois lads lookés comme si ils allaient tourner un épisode de Happy Days sont décidément les plus cool, même sans Fonzy.

Le meilleur concert du jeudi était le premier, le meilleur du vendredi le dernier. Et il s'agissait du même groupe : Public Service Broadcasting (à prononcer comme un robot). A part ça, difficile de comprendre ce que le tube des campings de l'été 2010 faisait dans un festival comme les Transmusicales. On a néanmoins apprécié Mikhael Paskalev, Mozes & The Firstborn ou encore Jacuzzi Boys. La nuit sera courte mais il reste encore une journée aux Transmusicales.
artistes
    Benjamin Clementine
    Clyde P
    Dakhabrakha
    Disco Anti Napoleon
    Dj Prosper
    Edith Presley
    Escort
    Expø
    Frikstailers
    Horse Meat Disco
    Jacuzzi Boys
    Käfig Brasil
    Labelle
    Le Vasco
    Les Gordon
    Leonie Pernet
    Madame
    Marcus Marr
    Melt Yourself Down
    Meridian Brothers
    Mikhael Paskalev
    Mozes & The First Born
    Nova Heart
    Oum Shatt
    Public Service Broadcasting
    Rouge Mécanique
    Stromae
    Symbiz
    The Crystal Ark
    The Enchanted Wood
    The Same Old Band
    The Skins
photos du festival