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The Slits

Paris, Café de la Danse - 27 mai 2010

Live-report par Olivier Kalousdian

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The Slits (« les fentes » !) est peut-être le groupe de punk rock féminin le plus ancien jouant encore sur scène. Considérées comme les petites sœurs des Sex Pistols ou des Clash, elles furent sûrement parmi les premières musiciennes rock à s'affirmer avec autant d'énergie et une féminité (et pas un « féminisme ») ultra sauvage. Pour The Slits, sexe et provocations sexuelles sont des armes de scène !

Formé en 1976, le groupe s'est rassemblé autour de membres de The Flowers of Romance (avec Sid Vicious) et de The Castrators (Ariana Foster, chanteuse actuelle, en est le seul membre originel restant). Leur musique punk-rock (le groupe fit d'ailleurs l'objet de trois Peel Sessions éditées plus tard en disque) connut un tournant vers le reggae et le dub dans les années 80, ne perdant pas grand chose de sa brutalité initiale.
Leur premier album, CUT est le fruit d'un mélange entre esprit punk et groove reggae, sa couverture est mémorable, les membres du groupe y posent en amazones dénudées, couvertes de boue. Ce qui annonce la couleur et l’arrivée de descendants directs avec Nina Hagen ou les Bow Wow Wow.
Après pendant vingt années peu prolifiques en albums, un nouveau disque intitulé Trapped Animal est sorti en octobre 2009, l’avantage étant pour le public qu’il aura ce soir exactement ce qu’il attend : les titres les plus connus et les plus attendus. D’ailleurs, l’audience ne s’y trompe pas et chante et danse en écho les mélodies reggae rock de ce groupe pur jus de filles, qui transpirent l’œstrone !

Anti-hippies affirmée à chacune de ses sorties scéniques et bien que déguisée comme eux à leur pire époque, Ariana remet en place les fumeurs du premier rang qui, comme dans nombres d’endroits publics à Paris passés une certaine heure, n’ont plus aucune notion de lois ou d’interdictions. Elle arrête la musique et se met à hurler : « No no no ! I smell smoke here. Hey guys, we don’t do the Hippies things ! Don’t smoke joints or cigarettes. And it’s bad for my health and my voice ». The Slits, des paradoxes vivants mêlant la nature sauvage et les cris d’oiseux aux riffs de guitare les plus urbains et le reggae Rastafaraï aux décharges rock les plus agressives !
Ce soir, nous avons devant nos yeux ébahis, un vrai groupe punk comme on n’en fait plus, tout droit sorti de l’espace-temps après un voyage instantané de plus de trente-cinq ans ! Dans une salle du Café de la Danse, assise à quatre-vingt pour cent et remplie de leurs fans, The Slits semblent à l’étroit. La chanteuse, Ariana, veut voir tout le monde se lever, bouger, danser et n’hésites pas à faire monter qui veut sur scène. Une jeune fan s’exécute avec joie et se frotte, fesses contre fesses avec son idole qui doit bien avoir deux fois son âge mais qui, reconnaissons le, ne les fait absolument pas. Pourtant plusieurs fois mamans — Ariana nous parle longuement et à plusieurs reprises des ses enfants ; un en Jamaïque, bloqué par les évènements et des jumeaux à Los Angeles — elle possède encore une énergie démesurée non sans rappeler une Nina Hagen (avec qui elle partage le même pays d’enfance) au plus haut de sa forme et un corps à la plastique fatiguée, mais ce n’est pas son cheval de bataille, dont elle nous fait partager les moindres recoins ! Enchaînant les titres les plus anciens comme Typical Girls et ceux les plus connus parce que programmés sur Radio Nova, comme la reprise de Marvin Gaye I Heard It Through The... Basse line (!), elles jouent comme des non-pros assumées, c’est à dire comme le faisaient les punks.

Comme le dit Ariana, parlant justement des années punk et de la cover scandale de l’album Cut où trois filles du groupe apparaissent nues et couvertes de boue au milieu d’une jungle de studio dans une interview donnée à Dirty Laundry : « A l’époque, les groupes comme The Clash, Buzzcoks ou The Sex Pistols, nos frères de scène, se mettaient en danger constamment par leurs positions politiques, menaces pour la bonne société. Nous étions un groupe de filles et nous avons voulu nous mettre en danger avec nos corps, généralement produits de marketing pour la société de consommation. Quant au punk, c’était un mouvement presque exclusivement live. Nous n’écoutions donc pas ces groupes sur disques mais sur scène, jouant souvent avant eux. Du coup, nous n’écoutions presque exclusivement que du Reggae à la maison ».
Voilà qui éclaire les néophytes et qui remet en place les discours de certaines « super stars » du rock contemporain ! Du punk, elles ont tout gardé à part les membres originels. L’attitude, l’esprit mais aussi la musique qui se contente aisément de deux ou trois accords, même mal joués, d’une synchronisation approximative et surtout, une provocation non feinte née du désir de soigner cette société malade à coup de remèdes aussi violents que l’exige l’époque : « Volez ! Baisez ! Faites la fête ! ».

Un peu comme si Sid Vicious, décidant un jour de faire partie d’un groupe, s’emparait d’une basse sans jamais avoir appris à en jouer !
setlist
    New Town
    World Of Grown Ups
    Shoplifting
    Typical Girls
    Fade Away
    Lazy Slam
    Cry Baby
    FM
    I Heard It Through The Grapevine
    Reject
    Vindictive
    ---
    Babylon
photos du concert
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