High Hazels

Aujourd'hui, c'est le 11 novembre. Dehors il fait gris, à la télévision les commémorations battent leur plein. Seule lueur d'espoir dans cette morne journée, le nom de Siegfried Sassoon, prononcé par une jeune étudiante anglaise face à François Hollande. Ce soldat britannique patriote s'engagea volontairement lors de l'éclatement de la Grande guerre, avant de devenir un pacifiste convaincu et un grand poète, adulé par les Libertines, entres autres. C'est là que je veux en venir. Même dans les pires journées, on peut toujours compter sur l'Angleterre. Telle Liverpool ou Manchester, Sheffield est de ces cités du nord industrieux de l'Albion qui continuent de fournir au monde des raisons de vivre. Groupes majeurs ou mineurs (sans mauvais jeu de mots) en sortent avec la régularité des barres d'acier dans les usines sidérurgiques. Certains changent le monde, comme les Beatles ou les Arctic Monkeys par exemple. D'autres éclairent votre journée. C'est le cas de High Hazels.

Au cours des trente et quelques minutes que dure son premier album éponyme, le quatuor de Handsworth déroule une pop mélodique inventive et enjouée, parfaitement dans l'air du temps et superbement exécutée. Soit exactement ce que vous avez envie d'écouter un jour comme aujourd'hui. Les guitares sont réglées comme du papier à musique, avec juste ce qu'il faut de nervosité et de réverb. La voix oscille entre mélancolie et nonchalance. Le style balance joliment entre des ballades pysché rappelant parfois The Coral (notamment dans les arrangements de guitare lead et de clavier), des morceaux plus nerveux évoquant Kill The Young, ou encore des petites pépites sautillantes dans la droite lignée de Saint Raymond (artiste sorti récemment des brumes de Nottingham, aussi talentueux que méconnu en France).

High Hazels distillent donc une recette qui ne peut que fonctionner, sans toutefois que cela soit conscient ou calculé. Leur premier album transpire la désinvolture et l'innocence, au travers desquelles transparait un réel talent pour composer de belles chansons. Les guitares scintillantes de Scott Howes et les percussions très « starriennes » de Anthony Barlow (vous ai-je déjà parlé de mon amour immodéré pour l'usage du tambourin sur la pédale charleston ?) déroulent un tapis rouge étincelant que n'a plus qu'à fouler avec classe la voix suave et profonde de James Leesley. Le groupe est tout aussi à l'aise dans les instants de mélancolie pure où là encore, l'ombre de James Skelly n'est jamais très loin (c'est flagrant sur Shy Tide), ou sur des incartades plus innovantes comme The Promenade, dernier morceau du disque, sans doute le plus abouti, avec son spleen rempli de bière soutenu par un vibrato de synthé hypnotique et légèrement poisseux.

Ajoutez à cela des intitulés de morceaux ingénieux, purs concentrés d'écriture britannique (Loneliness Inn, Hearts Are Breaking), et vous obtenez un premier album de grande qualité sur lequel vous pouvez tamponner un « by appointment to Her Majesty the Queen » les yeux fermés. En Français dans le texte : le disque de pop anglaise qu'il vous faut pour dissoudre la morosité des longues journées d'automne qui s'annoncent dans un bon verre de Pimm's. Celui qui trouvera bien vite sa place dans votre discothèque. Pas aux côtés des chefs d'œuvre de Morrissey, d'Alex Turner ou de Macca, non, plutôt contre un bon vieux Stereophonics (je sais, ils sont Gallois), The Verve ou Supergrass. Pour les petites ou les grandes occasions, pour les menus cafards comme les coup de blues carabinés, au fond de son canapé ou dans les tréfonds d'une tranchée, on peut toujours compter sur l'Angleterre pour nous sauver la vie.