Chronique Album
Date de sortie : 09.02.2015
Label : Skeleton Key Records
Rédigé par
Hugues Saby, le 6 mars 2015
« Au début des années 80, je me souviens des soirées où l'ambiance était chaude »... et où beaucoup de gens écoutaient de la musique bien pourrie. Eh oui, la décennie 80, ce n'est pas seulement les Cure, les Clash ou Sonic Youth (et tant d'autres, évidemment), c'est aussi Joan Jett, Irène Cara et Toto. Et je ne vous parle pas des années 90, qui ont presque fait pire. Car bien sûr, il y a eu Nirvana, les Red Hot Chili Peppers (quand il s'agissait d'un groupe de musique, évidemment) et la britpop. Mais il y a aussi eu l'Eurodance, les Cranberries et Eagle-Eye Cherry. On connaît tous un relou en soirée qui vous bousille votre playlist indé en deux-deux en passant Sunday Bloody Sunday ou en beuglant qu'il « love rock'n roll ». Eh bien, voyez-vous, certains vont plus loin, et poussent leur amour du rock de mauvais goût jusqu'à former un groupe, et pouvoir jouer la musique qu'ils aiment.
C'est le cas des Sundowners, qui n'ont rien trouvé de plus malin que de prendre ce que les années 80 et 90 ont fait de pire en matière de rock drivé par une voix féminine. Ils ont choisi la crème de la crème en la matière, citons notamment une vulgarité vocale que n'aurait pas reniée Dolores O'Riordan, ou bien des mélodies et des doubles-voix d'un autre temps rappelant désagréablement Mike Oldfield période Maggie Reilly. Ils y ont ajouté des GROSSES GUITARES qui tâchent et des rythmiques insupportablement lancinantes gavées de TAMBOURIN, histoire que l'on comprenne bien que c'est un groupe de ROCK, mais qu'ils sont aussi PSYCHÉ parce que ça fait bien, parce que c'est cool, parce que ça donne de la street cred, et surtout parce que ça meuble quand on n'a rien à dire. Juste assez pour faire un disque – du moins un mauvais disque. Qu'est-ce qui a bien pu piquer Skeleton Key (label de The Coral) de signer un truc pareil ? C'est très simple : le lead guitariste du groupe s'appelle Alfie Skelly, et c'est le frère de James et Ian Skelly, membres éminents de The Coral. Si, si, la famille. Mais non, non, le talent.
Il est toujours amusant, et un peu facile, de flinguer un album. Mais franchement, certains groupes appuient eux-mêmes sur la gâchette. Bien sûr, tout n'est pas absolument nul. Quand on arrive à entendre les guitares et la basse, souvent cachées par un TAMBOURIN et une caisse claire hystériques ou les poumons braillards de la chanteuse, on se rend compte que c'est plutôt honorable. Pas original pour un clou, ça non, mais bien exécuté, efficace. Les synthés relèvent eux-aussi un peu le niveau, bien aidés cela-dit par The Cure, dont les membres du groupe vénèrent sans doute à ce point les albums qu'ils se sont donc crus autorisés à les plagier sombrement (c'est flagrant sur Who We Are). Mais, franchement, il est difficile de faire abstraction de cette voix omniprésente, pseudo lyrique jusqu'à l'écoeurement, qui dans ses meilleurs moments parodie Crissie Hynde, mais dans les pires donne une furieuse envie d'arrêter la platine et de piétiner le disque. En fait, cet album est un excellent argument contre la dématérialisation de la musique : on ne peut pas jeter un MP3 par la fenêtre. Sinon, à part ça, les procédés mélodiques sont téléphonés, et l'écriture use de ficelles pénibles, notamment la répétition (le mantra devrais-je dire, comme sur le refrain de Medicine), quand elle ne se rue pas dans des poncifs ridicules (l'intro de Soul Responding).
À l'arrivée ; The Sundowners est un gloubi-boulga indigeste dans lequel on retrouve de tout, et surtout ce qu'on n'y cherchait pas vraiment. Je pense à certains arrangements qui évoquent malheureusement Eurythmics, et bien sûr à cette chanteuse qui n'aurait pas démérité au sein des Corrs. Vous vous rappelez des Corrs ? Bon. Ah oui, et aussi, le premier qui me joue une note de TAMBOURIN, je lui fais avaler son instrument de malheur. Pardon, j'en ai déjà parlé, mais vraiment, il y en a trop dans ce disque, exemple parmi d'innombrables autres que la subtilité est une notion décidément absente de The Sundowners, album qui veut jouer dans la cour des indés/psychés mais ne réussira de fait qu'à plaire à public tout autre.
Je parle bien sûr du relou en soirée, celui qui écoute RTL 2 parce qu'il aime le son pop-rock, et qui s'exclamera sans aucun doute à l'écoute de ce disque que ça a « grave la pêche », « carrément la patate », ou pire, que c'est « super rock ». Les autres devraient faire comme moi, c'est à dire n'y prêter aucune attention passée la première écoute, et lui mettre la note (généreuse) de 1, parce qu'il faut bien garder des marges de manœuvre pour ceux qui feront pire (ce qui arrivera forcément).
Alors, si vous avez aimé cet album, je suis profondément désolé. Mais avouez que même si vous n'êtes pas d'accord avec moi et que vous m'estimez de mauvaise foi (vous avez un peu raison), vous allez quoi qu'il en soit dès votre lecture terminée vous ruer sur Youtube pour vous rappeler ce que chantait Eagle-Eye Cherry et vous bidonner devant le clip de Breathless des Corrs. Et ça, ça n'a pas de prix.