Chronique Album
Date de sortie : 27.10.2023
Label : Frictionless Music
Rédigé par
Clémentine Gourdon, le 27 octobre 2023
Après un premier album sorti en 2019 (Cheaply Bought Expensively Sold), une série d'EPs acclamés par la critique et de concerts électriques joués à guichets fermés, le quatuor considéré outre-Manche comme le plus prometteur du rock écossais, Declan Welsh And The Decadent West, sort ce vendredi 27 octobre son deuxième LP. Sobrement et simplement intitulé 2, l'album composé de dix pistes sélectionnées à partir de cent démos (!) a été entièrement écrit et dans un premier temps enregistré dans la chambre de Declan Welsh (son chanteur) pendant le confinement.
2 est le reflet d'un groupe aux horizons élargis qui exploite un large éventail d'influences allant de l'époque In Rainbows de Radiohead à la musique électronique du mouvement New Romantic des années 1980 tout en contribuant au renouveau du post-punk et tout en s'autorisant quelques refrains pop destinés à être diffusés sur les bandes FM britanniques et séduire ainsi un plus large public que celui du seul rock alternatif. Album qui serait donc insaisissable tant les genres y sont variés ? Non, au sens où il possède une identité particulière et marquée due au fait qu'il est un pur produit de son environnement : Glasgow, années 2020.
Ville portuaire située à l'Ouest de l'Ecosse, Glasgow est injustement délaissée par les touristes qui lui préfèrent Edimbourg (pourtant située à seulement quarante kilomètres). Il faut dire que la ville est moins jolie que sa frangine, plus victorienne que médiévale et dont quelques pas hors du centre mènent rapidement à de grands boulevards bordés de bâtiments désaffectés et tagués. Dans son jus (principalement le Scotch) et donc moins avenante que la capitale, Glasgow est pourtant plus authentique et surtout elle est de son temps, ancrée malgré elle dans une contemporanéité que les touristes fuient en toute logique en voyageant : misère sociale, chômage, alcool et bagarres de fin de soirée, incertitude quant à l'avenir et solitude.
Il faudrait toute une thèse pour déterminer si la musique est meilleure lorsqu'elle naît de la misère. Toujours est-il que d'Edimbourg, on ne peut spontanément citer un grand groupe de rock. De Glasgow ? Vous avez le choix entre Mogwai, Franz Ferdinand, Belle and Sebastian et, bien-sûr, Declan Welsh & The Decadent West. Mais Glasgow c'est aussi (et c'est pour ça qu'on aime l'Ecosse) une somme d'individus certes incertains et affectivement isolés mais qui se retrouvent physiquement et à toute heure dans les pubs, laissant à la porte le temps de quelques pintes la morosité.
2 embrasse et joue cette ambivalence propre à sa ville, entre lourdeur post-punk et légèreté pop synthétique ; parler franc voire caustique et vulnérabilité assumée. En introspection ou au contraire en observant les gens de loin, 2 traite les thèmes de l'apathie, de l'isolement et de l'échec mais aussi ceux de l'espoir et du besoin de connexion humaine. Racontant à travers de la maîtrise de cet art très british qu'est le story telling les turpitudes classiques et communes des gens de la ville, l'album laisse une forte impression de sincérité à l'image de ses membres (Duncan McBride à la guitare et au synthé, Ben Corlett à la basse et Murray Noble aux percussions) qui ne cessent de démontrer leur humilité en concert.
100 To 1, l'une des meilleures pistes de l'album, concentre à elle seule l'esprit de l'album et du Glasgow désenchanté : cynique mais bienveillante, la chanson - sorte de parodie de Get Lucky - raconte l'histoire banale de Donnie qui, bourré un samedi soir et à la recherche de quelqu'un avec qui se bagarrer, se fait renverser par une Mégane 2008 conduite par un dénommé Stan. Un samedi soir classique à Glasgow, quoi. Brillamment écrite et jouée, riche en rimes et trouvailles stylistiques, la composition impressionne surtout par son mélange de genres, entre chanson douce, couplets parlés (voire rappés) au lyrisme acerbe (qui ne sont pas sans rappeler le chef d'œuvre du genre qu'est Popular de Nada surf) et refrain pop entraînant.
2 est donc un deuxième album réussi porté par d'excellents musiciens qui maîtrisent avec brio plusieurs genres et techniques : Welsh impressionne dans sa capacité à alterner harmonies vocales, douceur (The Comedian) et phrasé incisif (Come Outside) ; McBride démontre avec humilité autant de virtuosité à la guitare qu'au synthé ; Corlett impose sa présence à travers des lignes de basse délicieusement groovy et Noble propose sur certaines pistes un mélange inspiré de percussions synthétiques et analogiques.
Toutefois et s'il faut émettre un petit bémol, disons que malgré sa richesse, sa sincérité et son authenticité, 2 ne parvient pas nécessairement à nous procurer de fortes émotions, mais le groupe a démontré que c'est principalement sur scène qu'il chamboule. En tournée depuis octobre en Grande-Bretagne et dès le mois de novembre dans plusieurs villes européennes, les français pourront ainsi (re)découvrir Declan Welsh & The Decadent West sur la scène du Supersonic dans la capitale le 13 décembre.
Aussi engagé politiquement (depuis ses débuts et toujours au nom de la liberté et des droits individuels), le groupe a publié le 22 octobre 2023 sur sa page Youtube un film composé d'images d'une tournée passée en Palestine accompagnée de la chanson Differents Strokes (du précédent album). Soutenant la cause palestinienne et luttant pour mettre fin à l'état de siège imposé par le gouvernement israélien, le groupe a relayé sur sa page Instagram une campagne de dons lancée par l'association Medicalaidpal.