Chronique Album
Date de sortie : 04.07.2025
Label : SO Recordings
Rédigé par
Franck Narquin, le 4 juillet 2025
Après un premier album longuement mûri et patiemment dévoilé titre après titre pendant près d'un an, BIG SPECIAL ont choisi cette fois la stratégie inverse. Pas de single, pas de teasing, pas d'interview promo, juste un album complet balancé sans prévenir un vendredi de canicule. Comme une évidence, NATIONAL AVERAGE. est un disque taillé pour la scène et nourri par la route, conçu pour faire trembler les planches plutôt que séduire les plateformes.
Dès les premières mesures de THE MESS., on comprend que le duo ne compte pas changer de cap mais creuser le sillon tracé par POSTINDUSTRIAL HOMETOWN BLUES. Son brut, fuzz agressive, chœurs profanes, cadence pesante, ce blues psychédélique et lancinant, quelque part entre White Stripes et Iggy Pop, pose le décor. Le groupe enchaîne avec deux autres titres marquants, GOD SAVE THE PONY. et HUG A BASTARD., respectivement plus groovy et plus laid-back, mais tout aussi percutants. On retrouve ici leur capacité à mêler post-punk dansant, spoken word grinçant et groove dub, dans une formule qui évoque Yard Act, Gorillaz ou Sleaford Mods sans jamais sonner comme un ersatz.
C'est ensuite que l'album opère un virage plus frontal et plus direct, presque binaire. De SHOP MUSIC. à YESBOSS., les morceaux se succèdent comme des coups de boutoir, drôles parfois, efficaces souvent, mais globalement plus brouillons. Guitares saturées, slogans hurlés, rythmes martiaux, c'est la partie pogo du disque, celle qu'on imagine en feu dans les festivals mais qui peine à tenir la distance sur écoute domestique. On sent que les morceaux ont été écrits dans l'urgence avec une énergie brute mais une écriture moins ciselée. Des titres comme PIGS PUDDIN. ou GET BACK SAFE. tournent un peu à vide, appliquant la recette du premier album sans en retrouver la tension ni la finesse.
Heureusement, NATIONAL AVERAGE. retrouve un second souffle dans son dernier tiers, particulièrement inspiré. Dès DOMESTIC BLISS., BIG SPECIAL relâchent la pression et laisse de nouveau parler leur sensibilité. Les arrangements s'enrichissent, les textes respirent. On pense à Nick Cave pour les couplets sombres et habités, à Benefits pour les textures industrielles, et à certains titres de Headache (side-project de Vegyn) pour l'onirisme électronique et le spoken word désabusé. JUDAS SONG., THE BEAST. ou THIN HORSES. montrent que le groupe sait aussi ralentir, nuancer, et même oser l'élégance. Le dernier morceau, chanté en duo avec Rachel Goswell, clôt l'album avec une grâce inattendue.
Moins subtil mais plus physique, NATIONAL AVERAGE. est à la fois dans la continuité et à l'opposé de son prédécesseur. C'est un disque spontané et brut, parfois inégal mais profondément vivant. Là où POSTINDUSTRIAL HOMETOWN BLUES brillait par sa construction millimétrée et son éclectisme savamment dosé, ce nouvel opus joue la carte de l'instinct et de l'énergie. En somme, si le premier album était un manifeste, celui-ci est un exutoire et c'est peut-être pour ça qu'on y revient, malgré ses failles, parce qu'il cogne fort mais juste, comme un bon gros menu spécial, pas toujours raffiné, pas vraiment équilibré, mais exactement ce qu'il fallait pour repartir au combat.