Bill Ryder-Jones

Cinq grosses années séparent le dernier disque de Bill Ryder-Jones, Yawn, de son nouvel opus, Iechyd Da. Même si entre temps l'anglais nous a gratifié du merveilleux Yawny Yawn, une relecture piano de son album paru en 2018, l'attente a été terriblement longue, d'autant plus qu'à chaque album l'ex-guitariste de The Coral nous enchante à coup de riffs électriques rageurs ou de notes de piano majestueuses, le tout toujours couvert d'une immense mélancolie dont il a le secret. Ayant consacré ces dernières années principalement à la production d'artistes (By The Sea, Our Girl, Michael Head...) Bill Ryder-Jones nous revient enfin avec un cinquième essai (sixième si l'on compte la réinterprétation de Yawn) dont on espérait évidemment le plus grand bien.

Un premier extrait de Iechyd Da (ndlr : à la vôtre en Gallois) avait été dévoilé en septembre : This Can't Go On est une petite merveille orchestrée irrésistible qui n'a fait qu'attiser un peu plus l'envie de découvrir l'entièreté de ce nouvel album. La chanson s'apparente à un désir de changer de vie et s'illustre musicalement avec beaucoup d'harmonie. Bill Ryder-Jones aurait-il décidé de délaisser les guitares électriques pour revenir à quelque chose qui s'approche un peu de son formidable A Bad Wind Blows In My Heart ? Peut-être, d'autant plus que A Bad Wind Blows In My Heart pt.3 figure sur le disque du Liverpuldien. Celle-ci est une sublime ode nostalgique à une personne qui fut aimée mais qui fut surtout incapable d'aimer en retour. Le piano de la ballade nous transporte littéralement dans ce souvenir de l'Anglais. En l'espace de ces deux titres, Bill Ryder-Jones nous démontre toute l'étendue de son talent. Mais bien entendu, Iechyd Da, c'est bien plus que cela. If Tomorrow Starts Without Me, second extrait de l'album, est une autre perle musicale sur laquelle des cordes envoûtantes viennent suppléer la désespérance du chanteur envers un amour une fois encore perdu.

Alors, bien entendu, Iechyd Da n'est pas un disque pour faire la fête, mais malgré la mélancolie et la nostalgie qui règnent sur les compositions, la lumière y figure aussi. Celle-ci pourrait d'ailleurs s'apparenter à une forme d'espoir, car même lorsqu'il semble au fond du trou, Bill Ryder-Jones réussit encore à retrouver l'espérance. C'est le cas sur la très solennelle How beautiful I Am mais aussi sur l'impériale Nothing To Be Done où un sentiment de joie prédomine. Bien sûr tout cela vient sérieusement contraster avec des moments tels que I Know That It's Like This (Baby), où l'on a la sensation de se retrouver dans les pensées obsessionnelles du britannique et de sa résignation. Cette chanson est d'ailleurs le morceau phare qui ouvre l'album. On y trouve au tout début et à d'autres moments clairsemés la voix de la brésilienne Gal Costa qui nous fait l'effet d'une résonance ou peut-être même d'un rêve. L'amour reste l'élément moteur qui anime le quarantenaire. Sans celui-ci, sans ses souvenirs, sans ses déceptions, il ne serait probablement pas en mesure de nous toucher aussi profondément avec ses chansons. Que ce soit sur Thankfully For Anthony ou encore Christinha celui-ci trouve à chaque fois des moments gracieux qui illustrent à merveille toute l'immensité de son talent.

Alors certes Bill Ryder-Jones ne connaît pas en solo le même succès qu'avec son ancien groupe. On le regrette infiniment pour lui, tant le bonhomme est attachant et tant sa musique nous touche au plus profond de nous-mêmes. Iechyd Da est probablement son meilleur album à ce jour, d'autant plus que celui-ci a osé débrancher l'électrique pour écrire un disque plus organique sans jamais s'avérer pompeux. Débuter une année 2024 avec ce petit chef d'œuvre, c'est peut-être le signe que tout finira bien par s'arranger un jour.