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CHAMPS

Paris, Boule Noire - 4 mars 2015

Live-report par Xavier Turlot

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Ambiance cosy et audience confidentielle ont entouré la seule performance française des frères Champion, alias Champs, mercredi à la Boule Noire. La dernière fois qu'il s'étaient produits à Paris, c'était pour ouvrir le concert de Minor Alps à la Flèche d'or, et il n'étaient alors que tous les deux sur scène, sans clavier, basse ni batterie, d'où le plaisir accru de les découvrir dans une configuration plus complète.

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Il est tout juste 20h quand une jeune Anglaise timide, vêtue d'une robe à fleurs, ouvre la soirée armée d'une seule guitare électrique au son clair. Après avoir expliqué qu'il s'agit de l'une de ses premières représentations et qu'elle ne peut pas nous garantir que ce ne sera pas un désastre, elle commence à jouer ses compositions qui sont de courtes ballades assez sombres et profondes, empreintes d'une tristesse palpable. Elle possède une belle voix cristalline qui n'est pas sans évoquer celle de Dolores O'Riordan des Cranberries, même attaque et même texture. La chanteuse arrive aussi à nuancer les couleurs de ses morceaux, sachant se montrer plus incisive sur certains passages plus tendus, même si le volume auquel elle joue peine à couvrir quelques spectateurs bavards. Le dépouillement et la simplicité marquent et séduisent, et finalement ce choix est complètement cohérent pour amener un groupe aussi posé que Champs.

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Après une petite vingtaine de minutes de pause, ici plus réglementaires que techniques, les deux frères de l'île de Wight arrivent sur scène accompagnés d'un batteur. Le flegme qu'ils affichent n'a pas changé depuis la dernière fois, on ne sait si ce détachement absolu cache de la concentration ou de la décontraction extrême. En voulant commencer la toute première chanson, Forever Be Upstanding At The Door, ils se trompent trois fois de suite sur la polyphonie d'ouverture à la toute première note, faisant rire le public. La quatrième est la bonne et le morceau issu de leur dernier fantastique album, Vamala, pose l'ambiance minimaliste et délicate de leur musique. La voix de Michael Champion est exceptionnellement claire et juste, et la performance est d'autant plus marquante qu'il semble de consacrer aucun effort à son chant.

Attrapant une basse dont il joue à l'envers (il est gaucher) et qu'il tient presque au niveau de son cou, c'est au tour de White Satellite, l'un des seuls morceaux du groupe à cracher quelques décibels, de faire son entrée pour ne pas risquer d'endormir le public. La pêche de l'interprétation le surélève largement par rapport à sa version studio, malgré les arrangements beaucoup moins nombreux. Après le dernier single Desire, qui confirme que le public n'est pas venu au feeling dans la salle, c'est au tour du piano de faire son apparition sur The Beltron Tower, une ballade sublime aux accents légèrement country sur laquelle la voix de David Champion vient s'enchevêtrer avec une grâce sidérante autour de celle de son frère aîné. A l'écoute de ce type de morceaux à la fois impeccable dans son écriture et très facile d'accès, on se demande comment leur seule et unique date française n'a ramené qu'une poignée d'auditeurs, pour la moitié Britanniques, au milieu d'une agglomération de douze millions d'habitants, mais passons...

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Le troisième membre du groupe, plus discret, a un rôle absolument fondamental dans la géométrie du groupe, jonglant entre batterie, pads et basse. Il s'occupe de chacun de ces rôles avec une minutie et un doigté sans faille. Le groupe déroule une suite d'extraits de Vamala, dont la groovy chanson éponyme, la poignante Sophia et la dénudée Down (Alone On The Avenue), dont la progression harmonique glace le sang. C'est d'ailleurs le petit frère qui grâce à ses chœurs enveloppe le morceau d'une aura ensorcelante, sous les lueurs bleutées et les nuées de fumigènes qui plongent nos perceptions dans l'engourdissement. Michael passe avec aisance d'un piano à un synthétiseur, d'une guitare acoustique à une basse, selon les besoins de telle ou telle chanson. C'est au tour du premier album d'être célébré, avec notamment la quasi americana St. Peters que les fans n'ont pas oubliée, la folk Down like Gold et le tube Savannah. Précisons au passage que les balances et le volume de jeu sont parfaits, ce qui est loin d'être la norme, même s'il est évidemment plus facile de sonoriser de la pop folk que du métal.

Le groupe s'éclipse deux minutes, Michael renverse sa bière au passage, puis le groupe revient sous les applaudissements nourris du public qui exige une petite dose supplémentaire. Après avoir précisé qu'ils ne la jouent quasiment jamais, ils optent pour Pretty Much (Since Last November), et effectivement David a du mal à se débrouiller avec les arpèges tordues sur sa guitare tout en épaulant le chant de son frère, mais la perfection du morceau rend cette maladresse négligeable. Le groupe livre comme ultime bataille la musclée Blood, très électrique et survitaminée, une belle conclusion qui nous laisse sur le qui-vive.

Les Champs ont, outre le génie de la composition, un talent certain pour le choix de leur setlist, et ils arrivent à jouer sur les changement d'instruments et le placements de leurs (rares) cartouches nerveuses pour empêcher le public de ressentir ne serait-ce que le début d'un ennui. Composer de belle chansons et réaliser des concerts intéressants sont deux choses très différentes, que les deux Anglais manient à la perfection.