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CHAMPS

Ride The Morning Glass

CHAMPS - Ride The Morning Glass
Chronique Album
Date de sortie : 26.04.2023
Label : BMG Rights Management
3
Rédigé par Fabrice Droual, le 25 mai 2023
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L'histoire se passe sur l'île de Wight, dans une petite maison en pleine forêt entourée d'écureuils. A l'intérieur, le feu crépite dans la cheminée et le lambris qui tapisse le mur du studio d'enregistrement « Red Squirel » assourdit le son des instruments flambants neufs. Michael joue les premiers accords de cet album à venir, Ride The Morning Glass, sur un synthétiseur analogique de la marque Prophet. Dehors, la neige isole encore un peu plus nos musiciens du reste du monde en cet hiver 1973.

Réveil en sursaut ! Était-ce un rêve ou un cauchemar ? Les frères Champion, Michael et David, ont-ils vraiment testé la première machine à remonter le temps ? Non, ils ont simplement composé leur quatrième album en toute décontraction et sans tenir compte, ou presque, des standards d'aujourd'hui.
Oublions cet imaginaire voyage dans le passé. C'est bien en 2023 que les deux Anglais nous proposent treize nouvelles chansons, compositions abouties de dix ans de musique commune et d'une vie de complicité. L'Ile de Wight, ils la connaissent en long et en large depuis qu'ils sont enfants. Popularisée en France par la chanson de Michel Delpech, ancrée dans l'histoire musicale avec les festivals légendaires qui s'y sont tenus à la fin des années 60, l'île de Wight est l'endroit idéal pour créer un son qui unit présent et passé, et c'est le pari réussi de cet album.

C'est d'abord par la voix singulière de Michael que l'on s'intéresse à la musique de CHAMPS. Une voix elle aussi d'une autre époque, bénie des soixante-huitards. Parfois nasillarde, généralement haut perchée, fragile, elle nous rappelle celle de Neil Young et les balades folk des années 70s made in USA. A la sortie de leur précédent opus, The Hard Interchange, en 2019, un vent de nouveauté l'emportait et on sentait une modernité dans cette pop léchée régulièrement agrémentée d'une subtile touche de synthétiseurs. On se situait dans la continuité de groupes comme MGMT ou alt-J.
Dès l'entame du nouvel album, on retrouve ce flow minimaliste d'une boîte à rythmes, nappé de synthétiseurs des années 80. My Baby Lorraine est un hymne pop chanté à deux voix qui enchaîne sur le second titre, Rosie Rosie. La transition pour cet album « de la maturité » est parfaite. La voix de Michael l'emporte sur celle de son frère et on sent derrière cette chanson au titre d'un prénom féminin monter la nostalgie et les trémolos dans la voix. Un son travaillé à l'ancienne pour ces passionnés obnubilés par l'analogique.

C'est aussi une particularité du groupe de titrer par des prénoms féminins certaines de leurs plus belles chansons : Adeleine ou la promesse d'une lumière salvatrice en témoigne. C'est à travers une opposition permanente entre lumière et obscurité que le groupe compose ses albums.
Michael le dit lui-même, le morceau All The Wrong Places est une chanson sur ces longues nuits sombres où les démons vous visitent. Sur le plan lyrique, le morceau explore à la fois des lieux réels et métaphoriques, tandis que l'histoire fait référence au fait de se retrouver dans des situations terribles malgré ce que vous croyez être de bonnes intentions. La preuve en est, sur le vidéo clip qui accompagne ce morceau, les deux frères en plein concert se font bousculer et entarter par une bande d'Anglais en furie abreuvés de bière.

La succession des chansons suivantes trouve encore grâce à nos oreilles. Hidden In The Dark qui énumère les envies de Michael et explore un octave supérieur sa voix à la façon Tame impala ou Parcels. 33 avec sa rythmique entrainante où les guitares finissent par reprendre le dessus sur le minimalisme précédent. Cette fois la voix, et le chant syncopé, ressemble à s'y m'éprendre à celle de Thomas Sanders, le leader du groupe Teleman. Things I Don't Know About, aux faux airs « Madonnesques », a le mérite de nous faire bondir dans le temps en 1986 et d'esquiver un pas de danse « La Isla Bonita ».
Et c'est bien là probablement la limite de cet album, le consortium spatio-temporel. Certaines mélodies semblent d'une autre époque et si vous n'êtes pas un passionné d'Einstein et de la relativité du temps, vous risquez de vous lasser. La belle balade The Morning Mist a beau se terminer par une belle boucle de synthétiseur, elle aurait pu représenter le Royaume-Uni au prix de l'Eurovision de 1973, soutenue par Roger Hodgson (Supertramp), et finalement l'emporter.

On retiendra donc de cet album une singularité de voix et un parti pris par le groupe de ne pas plier au canon de beauté de 2023 et de garder sa propre ligne musicale. Rien que pour cela, on ne peut que les féliciter et gageons que cet album saura trouver son public. A défaut il vous faudra, Messieurs Champion, si vous acceptez cette mission, ajouter un zeste de modernité à votre prochain album.
tracklisting
    01. My Baby Lorraine
  • 02. Rosie Rosie
  • 03. All The Wrong Places
  • 04. Hidden In The Dark
  • 05. Deadly Son Of Hollywood
  • 06. Adeleine
  • 07. 33
  • 08. The Morning Mist
  • 09. It's Not The Radio
  • 10. What Heaven Is Looking For
  • 11. Things I Don't Know About
  • 12. Where My Heartbeat Likes The Wildlife
  • 13. Take Me Home
titres conseillés
    33 - My Baby Lorraine - Hidden In The Dark
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