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Heartworms
Joyeria
The Lounge Society

Paris, Boule Noire - 13 décembre 2022

Live-report par Adonis Didier

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Intro courte. Paris. La Boule Noire. Les Inrocks Festival. Soirée dédiée au label Speedy Wunderground. Speedy Wunderground, donc, et si ça ne vous dit rien, on parle d'un label indépendant anglais créé en 2013, dont les têtes de proue s'appellent Squid ou Black Country, New Road.

Nous aurons ainsi droit ce soir à trois groupes du label pour cette première soirée des Inrocks Festival à la Boule Noire, dans une ambiance de vernissage en galerie d'art et de petites discussions mondaines. Comprenez bien qu'une soirée dédiée à un label, c'est surtout l'occasion d'inviter des professionnels de la musique pour faire découvrir vos nouvelles pépites, et quand on voit la taille de la liste des invitations à l'entrée par rapport à la taille de la salle, il est à peu près sûr que peu de gens auront payé leur place ce soir.


Mais trêve de bavassages et de petites bises, car Heartworms se présente sur scène, et si le look Che Guevarresque cette dernière aurait de quoi nous intriguer, on le sera encore plus par la fascinante ressemblance de son claviériste avec Simon Astier. Et si vous ne savez pas qui est Simon Astier, allez d'urgence regarder Kaamelott et Hero Corp ! Tout ça pour dire qu'on peine pour le moment à rentrer dans la musique d'un groupe dont la guitare lead semble réglée douze fois plus fort que tout le reste et fait salement résonner la salle, pour un rendu proche de la fête de fin d'année du lycée, Heartworms et ses musiciens n'étant sans doute pas beaucoup plus vieux que ça.
Et puis, au bout de deux ou trois chansons, le son s'affine, et on rentre un petit peu plus dans l'univers entre noise, post-punk, et shoegaze que l'on a face à nous. May I Comply sort les maracas, le son est plus clean, et on s'amuse en pensant aux Rita Mitsouko, dans le bon sens du terme. Jacked et What Can I Do nous mettent une nouvelle charge, cette fois-ci bien punk, les guitares se font perçantes par-dessus de grosses lignes de synthé, et la voix ma foi criarde au premier abord de Jojo Orme percute le reste des instruments pour un résultat des plus intéressants, sur fond de flashs bleus dans la nuit noire. La fin du concert retombe un peu, nous rappelant que la musicienne est jeune, très jeune, et on la range mentalement dans la case « à potentiel », en attendant d'en avoir des nouvelles, et l'occasion de mesurer leurs progrès futurs.


Suite de la soirée avec Joyeria, et changement de génération. On quitte les jeunes louveteaux sortis de l'adolescence, et on prend dix à quinze ans de plus en découvrant un groupe de... un groupe difficile à définir. Le set commence par deux minutes de piano, avant d'embrayer sur du math-rock, puis un break de punk, puis ça chante doucement, et maintenant cinq secondes de hurlements, puis on se reprend, tout est déstructuré, d'une chanson à l'autre, et au sein même des chansons. Autant vous le dire, Joyeria est le genre d'artiste que vous serez incapables de définir après l'avoir vu sur scène, et qui ne fera que vous surprendre à chaque nouvelle chanson entamée. Une seule base sur laquelle se reposer, le chant grave et un peu country d'un chanteur originaire du Canada qui ne nous dira pas son nom, et ceci expliquant peut-être cela, on retrouve nombre d'influences américaines dans sa musique.
Ainsi, on vivra une longue chanson de post-rock dans la veine d'un I Like Trains des débuts, suivie d'un funk plein de distorsion que l'on dirait écrit par Lenny Kravitz, tout ça dans un délire musical des plus foutraques, pour rester poli. Le set se termine par plus d'une minute de grosse guitare et de moment punk, et alors que la fosse se met à bouger, la musique se coupe et les musiciens quittent la scène, à la surprise générale. Joyeria, c'est le contre-pied permanent, et le résultat est à ce point atypique que l'on laissera chacun juger sur place ou à emporter plutôt qu'émettre ici un avis personnel, quand se profile déjà l'intérêt principal de la soirée : The Lounge Society.


A moitié en répétitions pendant l'installation de la scène, le batteur ne cessant de jouer alors qu'on essaye de vendre Sound of Violence ça et là dans le public, on sent les quatre anglais pris dans l'effervescence et l'urgence des déplacements, ou ayant un peu trop profité des joies de la vie parisienne avant le concert. Alors que les musiciens arrivent finalement sur scène, la bouteille de Jack Daniel's à moitié vide fièrement tendue par le guitariste Herbie May nous fait dire que l'on n'avait peut-être pas tout à fait tort. Mais sans trop de surprise, la force de The Lounge Society ne réside pas dans la propreté de leur interprétation, de leur son, ou même dans une forme de virtuosité quelconque (même si Hani Paskin-Hussain est vraiment un excellent guitariste). Non, on va voir The Lounge Society pour sauter dans tous les sens et se laisser porter par l'énergie développée sur scène, alors que Cameron Davie perd déjà la sangle de sa guitare à la moitié de la première chanson, Cain's Heresy. Si vous suivez un peu, trois noms associés à une guitare ont déjà été mentionnés. Il y aurait donc trois guitares sur scène ? Pas vraiment. Le fait est que les instruments passent d'un musicien à l'autre, et que chacun est à la fois guitare rythmique, lead, ou encore bassiste, pour une scénographie mouvante qui nous donne à découvrir les différentes facettes des trois frontmen, sans jamais lasser. Cameron Davie est lui le seul véritable chanteur, malgré une voix qui peine encore à passer devant le reste des instruments, et que la salle de la Boule Noire ne va malheureusement pas aider. Mais les gars sont fun et se donnent, et Cameron entonne Shake It Off de Taylor Swift alors qu'Archie Dewis, son batteur, essaye de lancer Blood Money, résultant en un joli éclat de rires.
Une entente et un kiff communicatifs, qui nous font plonger dans un timide pogo dès Remains, car être journaliste c'est aussi donner de son corps et être au plus près de l'action. La fosse devant eux bouge de plus en plus, ayant laissé tous les snobs et autres professionnels venus en représentation se retirer vers le fond de la salle, accompagnée par une danse endiablée d'un Cameron possédé sur Beneath The Screen. Une heure de bon rock dansant, puissant, conclue par Generation Game, chanson à tiroirs agrémentée de guitare grattée derrière la tête ou entre les jambes. On s'arrête, on reprend, pour un final de set à la hauteur de la réputation naissante du groupe, et de leur très agréable premier album.

Une première journée des Inrocks Festival aux allures de soirée They're Gonna Be Big au Supersonic, le côté snob en plus, mais qui nous aura quand même donné à voir une très belle performance de The Lounge Society. Ils étaient attendus, et ils ont été plus en réussite que lors d'une première partie trop courte sur la scène étriquée du Point Ephémère il y a de cela deux mois. Reste à savoir si le groupe saura grandir et passer la cruciale étape du deuxième album, mais cela est une autre histoire. Sur ce, souvenez-vous qu'incorruptible est le contraire de corruptible, et passez une bonne soirée !
setlist
    HEARTWORMS
    A Comforting Notion
    24 Hours
    May I Comply
    Jacked
    What Can I Do
    Consistent Dedication
    Retributions Of An Awful Life

    JOYERIA
    Non Disponible

    THE LOUNGE SOCIETY
    Cain’s Heresy
    People Are Scary
    Blood Money
    Remains
    No Driver
    Upheaval
    Beneath The Screen
    Valley Bottom Fever
    Burn The Heather
    Generation Game
photos du concert
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