The Mabuses

Hanté par le génie du cinéma muet, The Mabuses réinvente le concept de la pop et fabrique la bande son idéale pour un Fritz Lang retrouvé en 2008.

Il y a tout d'abord cette pochette, un étrange tableau surpeuplé, représentatif d'un psychédélisme d'un genre nouveau. On peut voir quelques officiers de l'armée du siècle dernier, attablés sur une route de campagne digne d'un western de Sergio Leone, souvent traversée par des dromadaires. Cette description simplifiée qu'on croirait sortie d'un cauchemar ou d'un trip hallucinogène résume assez bien l'univers du groupe par son décalage permanent. Ouvrez la pochette et vous participerez à une séance de spiritisme à moins que vous ne décidiez de partir au Mexique ou sur le tournage de 2001: l'Odyssée de l'Espace. Aventure et inattendu, telles sont les composantes de ce disque hors du temps créé par un génie du même calibre qu'un Syd Barrett.

The Mabuses n'en ai pas à son premier essai et a déjà saupoudré le monde musical de sa folie psychée, voici plus de 15 ans. En 1991, un premier album était sorti, tel un inédit de Pink Floyd. Aux manettes, un mentor acidulé nommé Kim Fahy. Une sorte de baroudeur, passionné de sons en tout genre, magnétophone ambulant qui n'hésites pas à s'inspirer de ses différentes rencontres pour créer et perpétuer son art magique. En 94, le songwriter réitère avec un second opus, The Melbourne Method, puis silence... Durant cette période, Kim Fahy voyage, navigue d'un univers à l'autre, passant de l'enregistrements de chansons avec un ex-Banshee, John Carruthers, à une collaboration avec un ex-Innocents, Jipé Nataf sur son premier album solo (Plus de Sucre). Fahy ne s'arrête pas là et propose à son innocent de créer un collectif The Wantones. Leur premier album I Want You est sorti en avril dernier et propose des reprises surprenantes des chansons les plus célèbres du même titre, écrites par Bob Dylan, Kiss... Le concept album n'est pas loin !

Alors avec un original de ce calibre, que peut-on attendre d'un troisième album, muri 14 ans après le précédent ? Une pop toute en finesse, complètement hallucinante, qui se balade dans le bucolique avec ses cordes mandatées par le Sergent Pepper. La voix est légère à la façon d'un Jim Noir et vient nous léchouiller l'oreille sur Mirth. Sugarland nous ammène chez Josh Rouse, tandis que Byayaba et son riff roublard nous parachute chez les Black Angels. Le très pop Seasider et son piano martelé est certifié "100% brit pop", et le trompeur June démontre une complexité dans les constructions, entre tension et légèreté. Seul pareil album pouvait se permettre une instrumentale comme Garden Devils plus proche de Stravinsky que des Doors... Inclasable, et au dessus de tout ce qu'on a pu écouter de meilleur durant ces derniers-mois, The Mabuses est l'expérience qu'il vous faut tenter au plus vite.