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Kindness

Otherness

Kindness - Otherness
Chronique Album
Date de sortie : 13.10.2014
Label : Female Energy
25
Rédigé par Xavier Turlot, le 18 octobre 2014
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Deux ans après son premier album, Kindness, alias Adam Bainbridge, sort un deuxième opus intitulé Otherness. On retrouve ici l’étrange mélange propre à l’Anglais exilé à Berlin : funk, R'n'B, disco... Cette fois-ci il nous offre de nombreuses collaborations (cinq au total) et semble se refuser à faire du sur-place, mais perd beaucoup en cohérence et surtout en dynamisme.

Sur World Restart, morceau ouvrant le disque, la basse groove, les saxophones et les chœurs langoureux très typés années 1980 fonctionnent très bien et emmènent immédiatement l’auditeur dans son voyage personnel. Une batterie à la caisse claire surexposée mène la danse sur ce morceau de club dans lequel Bainbridge est déjà accompagné par la chanteuse américaine Kelela, qui donne dans du pur R'n'B old school. Elle reviendra d’ailleurs sur la sixième piste, With You, où elle fera quelques vocalises accompagnées à nouveau d’un saxophone. On est plus dans la diffusion d’une ambiance que dans quelque chose de réellement construit, le rythme est ralenti à l’extrême et n’offre à l’auditeur qu’un kick et un léger claquement de doigts. Des touches d’électroniques si lointaines qu’elles en deviennent presque insaisissables soutiennent légèrement l’ensemble sur la fin d’un morceau qui ne fera rien pour capter l’attention.

La prestidigitation œuvre très bien sur la suite des événements : This Is Not About Us avec son étrange piste de piano enregistré de loin et accompagné de faux craquements de vinyles, possède assurément une âme mystérieuse. Sur I’ll Be Back, on a le loisir d’entendre une sorte de piano jazz que le beat lourd rend vite lounge. L’atmosphère est encore soyeuse, très soul, pas loin d’un Michael Jackson dans ses phases les plus apaisées. Il y a systématiquement de nombreuses pistes de chant agrémentées d’une flopée de filtres et de réverbérations destinées à tamiser la texture des voix, qui sont le principal outil dans cet album de douce rêverie.
Des collaborations, l’ex-Londonien s’en est donc offertes quelques autres, comme sur 8th Wonder où il est relayé par M.anifest, un rappeur ghanéen qui lance un court phrasé entre slam et rap sur ce chapitre évanescent qui s’évanouit entre harpes et violons. La musique de Kindness doit s’écouter un dimanche soir au fond d’un bar, quand la semaine ne s’est pas très bien passée.

Un autre featuring pour Who Do You Love, avec l’aide de la chanteuse suédoise Robyn, qui avec ses accents à la Cyndi Lauper élabore est l’une des pistes les plus typées années 1980 du disque. Le batteur se lâche un peu, mais pas assez longtemps pour réellement construire un rythme. Le morceau est criblé de ruptures qui laissent déborder un orgue et des nappes de violons. Cette chanson appelle un refrain accrocheur et charnel qui ne vient jamais. Bainbridge semble en fait tout simplement refuser de construire ses morceaux autour d’une structure couplet/refrain/pont et préfère opter pour un schéma linéaire, recherchant a priori plus l’ambiance que l’efficacité.
Un morceau se démarque en fin de disque, c’est For The Young et sa guitare acoustique qui sonne presque comme de la musique traditionnelle africaine. Des orgues kitsch sont toujours derrière à l’affût mais ce morceau est nettement plus organique que les autres, avec des séries de voix toujours très travaillées, chaleureuses et moelleuses. La mélodie est simple et le ton blasé du chanteur s’y superpose plutôt bien, avec une confrontation voix masculine/voix féminine bien à propos. D’autres fois, la sauce ne prend jamais. Sur Geneva, les chœurs dont on aurait pensé à bon droit qu’ils n’étaient que l’introduction du morceau, sont en réalité sa seule constitution. Quelques notes de basses qui n’ont pas beaucoup de sens sans rythme, un piano bar qui improvise quelques clichés, une bonne vieille nappe de synthé et le tour est joué : on s'endort. La mélodie de Why Don’t You Love Me n’inspire pas grand-chose non plus, c’est une soupe synthétique avec des vocalises tirées par les cheveux qui se superposent jusqu’à l’indigestion, et les lourdes notes de synthé qu’on entend quelques secondes n’annoncent en fait toujours rien.

Voila un disque qui s’achève sans laisser grande impression, si ce n’est quarante minutes de vapeurs rétro qui tirent la ficelle du R'n'B jusqu’à plus soif mais sans quasiment jamais en capter l’énergie. Le début bien cadencé et plutôt prometteur laisse vite place à ce qu’il faut appeler de l’ennui, si ce n’est même parfois du désagrément auditif. La volonté même de Bainbridge est difficile à identifier : il a voulu créer une œuvre personnelle et atypique, en évolution de World, You Need A Change Of Mind, mais s’est entouré d’une ribambelle d’artistes qui rendent cette personnalité impossible. Et la pêche funky de son précédent disque est perdue.
tracklisting
    01. World Restart (ft. Kelela & Ade)
  • 02. This Is Not About Us
  • 03. I'll Be Back
  • 04. Who Do You Love ? (ft. Robyn)
  • 05. 8th Wonder (ft. M.anifest)
  • 06. With You (ft. Kelela)
  • 07. Geneva
  • 08. For The Young
  • 09. Why Don't You Love Me (ft. Devonté Hynes & Tawiah)
  • 10. It'll Be OK
titres conseillés
    World Restart, This Is Not About Us, For The Young
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