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Vieilles Charrues

Carhaix, du 18 au 21 juillet 2013

Live-report rédigé par Clémentine Barraban le 29 juillet 2013

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Qui n’a jamais vu le Grand Canyon de ses propres yeux ne peut se figurer son ampleur. Le festival des Vieilles Charrues est soumis, à une autre échelle, à cette même règle. Si l’on veut imager la chose en chiffres, le site de Kerampuilh accueille les cinq scènes et l’espace du Verger où se produisent chaque année depuis 23 ans quelques 80 artistes venus du monde entier, sur une plaine d’herbe fraichement coupée et prête à être écrasée, asséchée, noyée de gadoue et de houblon et surtout piétinée par une estimation de 250 000 paires de pieds durant quatre journées entières. Pour gérer le périmètre, près de 5500 bénévoles s’échinent à alimenter les tireuses en fûts de bière, faire fondre le fromage pour l'incontournable tartiflette ou s’affairent au bon déroulement des réjouissances sur les douze campings de festivaliers.

Mais ce n’est pas avec des chiffres que l’on mesure les Vieilles Charrues, sauf peut-être s’il l’on donne le nombre de litres de bière écoulés (six citernes pour cette année) et encore, ce serait mettre des barrières à ce qui n’en a pas, car l’imagination de ses festivaliers est sans limite. Quatre jours dans une zone hors du temps à une échelle non humaine où tout est permis ou presque et où quelques uns des plus grands artistes de musique internationaux viennent profiter de cet endroit unique et de son public hors du commun.

Six heures de transport depuis la capitale vers le centre Bretagne, Finistère. Après le débarquement sur la terre promise s’ensuivent les deux secondes de plantage de la tente de fortune sur l’un des douze champs transformés en véritables villages provisoires, accueillant une communauté, pittoresque mais organisée.

Le milieu de l’après-midi apporte avec lui l’ouverture des portes : les baffles ne vont pas tarder à se mettre à cracher leurs surabondance de décibels. Une foule de gens au teint pâle, vêtus de noir jusque sur les lèvres, entame une course effrénée jusqu’à la barrière de la grande scène. Il faudra attendre jusqu’à 22h25 pour que le rideau de la scène Glenmore, agrandie tout spécialement, ne se lève...

En attendant, c’est Raphaël qui rompt le silence. Ses chansons faites de passions et de voyages rendent hommage à la scène qui porte le nom de Jack Kerouac. Seulement cette dernière semble bien grande pour lui. Les mélodies soigneusement arrangées pour le live flottent, les guitares n’électrisent pas et les paroles s’envolent dans le vent telles des flèches visant les cœurs et les manquant, de peu pourtant. La voix rocailleuse de l’éternel adolescent - même dans 150 ans - fait parfois mouche. On le suivrait volontiers sur sa route quand il se passe la main dans les cheveux et nous parle de ses amours. Mais la caravane n’est pas suffisamment grande pour embarquer la foule nombreuse, amassée dans l’attente d’une mise en jambe qui aurait donné un coup d’envoi plus vigoureux aux trépidations festives. Tant pis. Raphaël nous envoie tout de même une profusion de baisers à la volée et repart tel qu’il était venu. C’est une bande de nordiques débridés qui fait sauter le bouchon et libère une ébullition de folie sur la plaine de Kerampuilh. Délaissant costumes noirs et chapeaux haut de forme, l’ambiance de joyeux cirque des Hives déploie un garage rock excentrique et décalé à travers les morceaux de Lex Hives, leur dernier album en date. A l’image d’une créature endiablée, le chanteur suédois Per Almqvist agite sa mèche blonde dans tout ce qu’il est improbable de faire sur une scène et profite d’une dose massive de bains de foule suintants. Il prend un malin plaisir à manipuler l’assemblée imitant son inquiétant altère égo marionnettiste qui habille le fond de scène. Le gentil désaxé tire les ficelles dans un mélange de français approximatif et d’anglais, pour faire tantôt applaudir, tantôt crier ou les deux à la fois, un public qui se laisse amadouer avec un enthousiasme un rien forcé.

Les corps et les voix à présent bien chauffés - à la fois par les Hives mais aussi par la température - il est temps de se diriger vers l’attraction principale de ce premier jour de festival et retrouver ces Goths venus envahir le village des Gaulois pour l’occasion. « Le plus grand show jamais fait en festival », c’est ce que nous ont promis les métaleux de Rammstein.
Difficile de prendre la déclaration au pied de la lettre mais les mots étaient sagement pesés. Encore plus difficile par conséquent de décrire avec précision la prestation des allemands. D’abord hallucinante, par des exploits grandioses de pyrotechnie à faire griller les sourcils des premiers rangs, puis grotesque – voire sexuellement débridée – le pauvre clavier en prenant, comme à son habitude, largement pour son grade dans les parties théâtrales, et enfin envoutante, de par la mise en scène mêlée à la voix profonde de Till Lindemann, posée sur les mélodies dantesques, la version piano de Mein Herz Brennt comme point d’orgue. Les Vieilles Charrues ont eu le droit à un show (chaud) dépassant la notion de simple concert, et les néophytes du métal à une sacrée belle surprise.

La scène électro propose Vitalic et sa techno endiablée, mais beaucoup semblent vouloir rester sur leur dernière impression et finissent ici la soirée. C’est que le week-end démarre sur les chapeaux de roue... et il reste encore 3 jours !
artistes
    Rammstein
    Raphaël
    The Hives
    Vitalic VTLZR