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La Route du Rock

Saint-Malo, du 25 février au 1er mars 2015

Live-report rédigé par François Freundlich le 6 mars 2015

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On ne saurait manquer notre rendez-vous malouin biannuel. Le festival La Route du Rock est de retour avec son édition hivernale dans la douceur de la cité corsaire. Après deux soirées rennaises réussies, c'est la salle de la Nouvelle Vague qui accueille, pendant deux jours en affichant complet, une pelletée des groupes actuels les plus captivants. Cette soirée du vendredi verra ainsi se succéder quelques pointures nord-américaines accompagnées par un des groupes français les plus prometteurs.

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Après un après-midi au calme passé sur la plage de Bon Secours à observer la marée, il est temps de s'énerver un peu avec le premier concert du soir. Les Magnetic Friends font taire leurs platines, les Naomi Punk peuvent entrer en scène, s'accordant longuement. Les membres du trio de Seattle possèdent tous une marque capillaire qui leur est propre, triangulaire ou arrondie, mais ne font pas dans la dentelle au niveau de leur son. Il sera brut et abrasif dès le début, les programmateurs ayant décidé d'immédiatement habituer nos oreilles : pourquoi attendre ? Leur math-punk à la rythmique lente et marquée est prolongée par une voix éraillée, monocorde et tendue, modifiée par quelques effets. Naomi Punk s'excitent dans des déflagrations électriques rock garage à la saturation extrême. Ils envoient du frêne en ne déviant pas franchement d'une même formule, on leur reprochera peut-être la simplicité de compositions soporifiques sur la longueur mais qui ont eu le mérite de nous exciter pour lancer la soirée.

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Les canadiens de Absolutely Free investissent ensuite la scène la Nouvelle Vague, de la même manière qu'ils avaient fait chavirer la salle rennaise de l'Antipode avec leur ancien groupe DD/MM/YYYY lors de l'édition hivernale 2010 de La Route du Rock, devant un public bien moins nombreux. Le trio s'est calmé avec ce nouveau projet puisque Absolutely Free est bien plus planant et introspectif avec une voix claire et profonde se perdant dans de longs développements rappelant Grizzly Bear. On pense également à la prestation de Caribou dans cette même salle puisque le synthé divagant et les beats lancés par le chanteur apportent un coté electro-pop à des compositions rêveuses et qui donnent envie de s'approcher toujours plus près pour mieux les comprendre (au final on terminera au premier rang, le stage invasion n'était plus très loin).
Les torontois s'envolent très haut avec ces nappes de synthés divagantes, krautrock et futuristes, prolongées parfois par de légères notes de guitares. Les positions ne sont pas fixes puisque le chanteur passera à la batterie sur les morceaux les plus électroniques. Mais les influences pop ne sont jamais bien loin et ce groupe possède un coté diablement accrocheur qui fait tout son charme. Connaitront-ils le même destin que Grizzly Bear qui avait joué en ouverture du festival quand ils étaient inconnus ?

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L'un des groupes les plus attendus de la soirée est sans conteste Allah Las qui avait déjà enflammé la petite scène du Fort de Saint-Père en 2013. Le groupe le plus excitant de la scène psyché californienne entre immédiatement dans le vif du sujet avec ce son de guitare granuleux et insouciant qui imprègne tous leurs morceaux. La voix nonchalante et monocorde fait écho dans notre cerveau, tout autant que cette guitare surf west coast qu'on chérie tellement. Les Allah Las ont la classe et le cool leur colle à la peau. Chaque titre fleure bon les 60's avec ces fleurissements old school à la The Kinks qui semblent faire revenir le soleil au dessus du ciel breton. Les quelques tubes de leur répertoire dont Sandy et sa poussière rouge semblant s'envoler des instruments nous feront remuer les hanches. Les californiens vont nous tenir en haleine pendant tout leur set, on a envie que cela ne s'arrête jamais. Nous aurons droit à une reprise d'un classique du rock psyché : Calm Me Down de The Human Expression et sa basse qui imprègne les tympans, chantée par le batteur. La force de ce groupe réside également dans le fait que chaque membre est placé devant un micro et que le mélange de leurs voix termine inexorablement par un grand moment. Ah lala, ah lala que c'était bon !

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La tête d'affiche de la soirée est un autre californien, la côte ouest étant décidément à la fête ce soir. Le foufou blond Ariel Pink a l'air quelque peu désorienté à faire les cent pas sur scène, sa canette de vieille bière à la main et son palmier sur la tête. Il est visiblement dans un état second lorsqu'il entame son concert déglingué où chaque guitare, synthé ou batterie s'échappe dans tous les sens sans qu'on ne puisse jamais s'en saisir ou l'apprécier vraiment. On ne comprend au final pas grand chose sa prestation synth-pop foutraque, marquée par des parties vocales plus qu'approximatives. On pense parfois à Of Montreal ou Animal Collective mais sans jamais pénétrer dans la galaxie d'acides que proposent ces deux groupes. On se heurte ici à un mur de granit brut dont on essaye de trouver l'entrée tout en restant sur le paillasson. Quand aux moments les plus introspectifs, on s'y ennuie terriblement. L'hymne de stade Picture Me Gone sera repris en mode karaoké par les quelques fans de l'assistance, nous faisant esquisser un sourire. On pourrait croire que Ariel Pink entame son We Are The Champions le poing levé mais on a tendance à ne pas se laisser prendre à son second degré un brin pathétique. Les Allah Las semblent en tout cas apprécier au point de lancer un crowdsurfing mais la fosse se vide peu à peu. On se retrouve davantage dans le Comic Sans kaki que dans l'Arial pink.

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Pour terminer sur une note positive, les messins de Grand Blanc ont l'honneur de boucler cette première soirée et d'être le seul groupe français à se produire à la Nouvelle Vague. Les groupes de l'est ont décidément la cote, après la fameuse prestation des strasbourgeois d'Electric Electric lors de l'édition été 2013. Nous sommes Samedi La Nuit, cela tombe bien car il s'agit d'un des tubes post-punk de Grand Blanc, marqué par cette explosion de guitares et ces montées de synthés qui termineront un concert dantesque. Avant cela, le trio aura fait le tour de son EP de quatre titres, en ajoutant quelques uns dont la ballade plaintive frissonnante, Montparnasse. Le chant en français de Benoit David est très particulier, rappelant autant Bashung, les jeunes gens modernes ou bien Eiffel. Leur son puise dans le post-punk de Joy Division pour y mêler des textes contemporains bruts dont certains jeux de mots se retiennent immédiatement. Ou d'autre que dans une ancienne ville ouvrière comme Metz peut naitre ce genre de son, comme naquit celui de Manchester il y a trente-cinq ans ? On vibre sur Degré Zero où la voix de la chanteuse Camille Delvecchio se fait effrontée malgré son angélisme apparent. Le single Au Revoir Chevaux confirme tout le bien que l'on pense de ce groupe prometteur qu'on peut déjà mettre dans le haut du panier de la scène française.

On retiendra les prestations emballantes des Allah Las, Absolutely Free et Grand Blanc de cette première soirée très réussie. On a retrouvé l'ambiance particulière typique de La Route du Rock avec grand plaisir, cela fait également du bien de retrouver cette famille de festivaliers. Et ce n'est que le début...
artistes
    Absolutely Free
    Allah Las
    Ariel Pink
    Grand Blanc
    Naomi Punk