Pictish Trail

C'est un album un peu déroutant qui marque les débuts de Pictish Trail, alias Johnny Lynch. Le partenaire de King Creosote nous mène-t-il en bateau, ou bien sait-il réellement où il va?

Trois titres servent de repères; la première piste, Secret Sound #2, la quatrième, Secret Sound #1, et la dernière, Secret Sound #5. A la première écoute, l'on peut se demander quel est leur rapport avec les autres chansons: ce sont des plages de pure électro, tandis que le reste est une sage succession de morceaux accoustiques, inspirés par les grands compatriotes écossais de Lynch, Belle & Sebastian et The Delgados. Le chant y est lent, grave, la voix posée, le ton romantique mais en restant suffisemment simple pour ne pas verser dans le mielleux. Bref, de l' "indie " (pour parler comme un mauvais canard britannique) assez consensuel (n'est-ce pas devenu la définition même de l'indie?) mais joli: ce All I Own, très folk-à-taper-dans-les-mains, ou le convaincant The Lighthouse aux faux airs de gospel.

Alors, tout laisse d'abord à penser que les moments complètement électroniques, où le chant est désincarné et réduit au leitmotiv "Secret Soundz", sont, quoiqu'assez réussis, des moments d'absence. Pourtant, il y a un semblant de cohérence dans tout cela, puisque chaque pause électro semble amasser et condenser le contenu des chansons qui l'ont précédée, mélangeant de plus en plus de sons, violons compris. Ainsi, on pourrait voir l'album comme marqué de prises de recul successives, ou d'un processus de construction – déconstruction cher à tout bon manipulateur de samples.

Pourquoi pas; mais la tentative d'exégèse s'arrêtera là. Après tout, l'album peut bien être bordélique, il recèle quelques beaux moments. En particulier, ce Winter Home Disco, qui commence comme de la méchante house, et se double progressivement d'un chant fatigué qui met brutalement à distance l'univers dégoûtant et branché de la disco snob. The Pictish Trail se place ainsi dans la lignée des artistes du numériques, à la El Perro Del Mar, qui cherchent justement à remettre du sens là où le processus déshumanisé de production sonore (les boum-boum de la mauvaise techno) en ôtait la possibilité.

Voilà qui suffit à prouver que the Pictish Trail a une tête bien faite; il lui manque pourtant, peut-être, un peu de souffle, d'ardeur dans ses tentatives lyriques, parfois très épurées – Into The Smoke par exemple - mais qui finissent par sembler un peu poseuses. Ou bien tout cela est-il du deuxième degré? Allez savoir...