Pictish Trail

On pourrait penser que Johnny Lynch ne tient pas en place. Label manager pour Fence Records puis Lost Map Records, et il est en même temps un musicien prolifique. On a pu le voir entre autres au côté de James Yorkston ou de Malcolm Middleton. Et il y a bien sur ses propres groupes, Silver Columns et Pictish Trail, ce dernier sortant aujourd'hui son cinquième album.

A l'écoute de Island Family il est difficile de remarquer qu'il s'agit d'un projet solo tant les arrangements sont riches. Mélodie, chant, rythmique... Johnny sait tout faire. Rob Jones, à la production, remplit parfaitement son rôle et permet à l'artiste de rendre accessible son univers intérieur.


En réalité, Johnny Lynch a trouvé sa place sur l'île d'Eigg et il en a fait un album. A cinq heures de route de Glasgow, plus quelques jours si vous ratez un des quatre ferries hebdomadaires, cette île appartient littéralement à ses habitants. Même si le sens de communauté y est fort, l'isolement est un thème central dans l'album qui lui est dédié. C'est peut-être pour cette raison que la musique de Pictish Trail a mis vingt ans pour revenir dans les pages de Sound Of Violence. Ou bien parce que depuis 2020 l'isolement à un nouveau sens paradoxalement plus universel.

La centaine d'habitants doit composer avec la nature qui produit toute leur énergie électrique, mais aussi probablement spirituelle et créative. Pour la musique, chaque élément de mélodie est à un battement de chavirer dans le psychédélisme total, retenu à une forme de cohérence par le compositeur qui dirige sa musique comme on navigue vers sa destination en suivant les courants et évitant les récifs.

Derrière ce débordement de vie, cet album, ou cette île, a une face sombre et fascinante. In The Land Of The Dead et Green Mountain sont bruitistes et presque angoissants. Sur Island Family et It Came Back, on entend les fantômes d'une boîte de nuit abandonnée. Par le miracle de la musique, ils ont trouvé leur chemin jusqu'au fin fond de l'Ecosse et invitent à une danse envoûtante.



Même si cette musique est très personnelle, on peut citer quelques références pour aider l'auditeur à s'orienter car, après tout, le label de Johnny s'appelle Lost Maps (ndlr : cartes perdues) : Temples pour le psychédélisme glam, Cage The Elephant pour le groove théâtral, et d'autres artistes solo qui ont le souci du détail et de la profondeur (Maps, Steve Mason ou Beck).

Si vous êtes prêts pour un voyage inhabituel, je vous recommande l'île d'Eigg et son Island Family.