logo SOV

Midem - Samedi 26 janvier 2013

Dossier réalisé par Olivier le 4 février 2013

Bookmark and Share
Midem, Mipcom, MipTv... tous ces acronymes ne sont peut-être pas d’usage commun pour le public. Ils représentent ce que le Salon Professionnel fait de mieux en termes de business des métiers du film de cinéma, du programme TV et du disque. Gérés et organisés par le groupe Reed Exhibitions et, plus précisément par Reed Midem en ce qui concerne le marché des professionnels du disque, ils sont, ou ont été, parmi les rendez-vous professionnels les plus importants au monde.
En perte de vitesse depuis les années 2000, en analogie avec l’industrie du disque, le salon du Midem a déménagé du Palais des Festivals au bâtiment Riviera jouxtant ce dernier. La ville de Cannes accueille depuis 1967 le Midem où des dizaines de labels, agents, managers et autres plates-formes de téléchargement viennent chercher, notamment, des accords internationaux de distribution ou de licensing pour leurs artistes.

En marge du salon, les concerts d’artistes en promotion sont la juste récompense d’une dure journée de négociations et de déambulation entre les stands, les hôtels du bord de mer et les rues de Cannes. Devenu le mini festival du Midem, l’organisation invite, cette année, les indestructibles et indémodables Madness – dont le nouvel opus cartonne comme à la grande époque – l’étoile montante de la vocalise intimiste et rocailleuse, Asaf Avidan, les stars Coréennes (totalement inconnues en Europe) de la K pop, Drunken Tiger & T, les très jeunes et très talentueux belges de Balthazar – dont le titre The Man Who Owns The Place fait le délice des auditeurs de Radio Nova depuis six mois – et, pour clôturer, le collectif anglais prog-électro-rock le plus envoûtant depuis ces dix dernières années, Archive.

En accord avec ton temps, cette édition 2013 du marché du disque met à l’honneur le business musical lié à Internet et aux réseaux sociaux. De là à dire que le dématérialisé vole au secours de l’industrie traditionnelle, il n’y a qu’un pas que la Ministre de la Culture, Aurélie Filippetti ou la ministre du développement Numérique, Flore Pellerin, franchiront pendant leurs interventions et interviews à Cannes. Avec, malgré tout, des marchés traditionnels encore en pleine effervescence comme l’Asie, l’Indonésie où l’Amérique du sud vers qui, cette année, beaucoup de professionnels ont les yeux rivés.
La culture a toujours été le parent pauvre des états industrialisés forts et l’est encore plus lorsque la météo financière se couvre et que la crise – dans la bouche de tous les médias depuis 1976, ne l’oublions pas – qui n’en finit plus est un prétexte à couper les budgets soi-disant les plus frivoles, alors qu’il est prouvé que dans les périodes difficiles, le salut vient souvent de l’art et des activités culturelles...
C’est donc avec soulagement, mais aussi discernement – que certains qualifieront de retard - que l’industrie du disque embrasse, plus que jamais, les nouvelles technologies et le numérique en particulier ; pour le meilleur et, parfois, pour le pire !

SOV

En ce samedi 26 janvier 2013, ouverture au son des vagues et sous le soleil de la Riviera. Ciel bleu d’azur, soleil d’hiver rasant sur la baie et méga yachts à quai et prêts à louer : nous sommes bien à Cannes. Évidemment, comme lieu de travail, il y a pire ! L’organisation se démène pour accueillir les participants du monde entier tout juste sortis du TGV ou de l’aéroport de Nice, qui connaît deux énormes périodes : Le Festival du Film en mai et le Midem en hiver.

SOV

Au sous-sol du Palais des Festivals, le business et le press center ont été installés avec quantité suffisante d’ordinateurs et de connexions réseaux. Pourtant, il faut un certain temps aux arrivants pour comprendre la topologie des lieux et définir les moments clés des journées à venir. Si nombre de citoyens de Cannes, vêtus de tee shirts du Midem, ont été largement convoqués et embauchés par Reed Midem pour servir d’hôtes et hôtesses pendant le salon, il est plus difficile de trouver des responsables de l’organisation ou des médias, capables de coller à l’actualité artistique (photo calls, conférences de presse...) constamment changeante et à la merci d’un retard ou d’un caprice de star.

SOV

Vainqueurs du concours Découverte du festival du Midem, le groupe Yes Sir Boss programmé le soir même en ouverture du Festival ne se montrera pas au photo call prévu à 14h. Madness, eux, avec la présence de Suggs, Chas et Mike Barsow, seront à l’heure pour dix minutes de flashs crépitants au bord de la plage. Nous filons à leur conférence de presse qui suit au Press center. Les trois anglais, habitués des grands rendez-vous dans le monde entier depuis plus de trente ans, sourient et ironisent du peu de journalistes présents – il est vrai que leur relative absence sera remarquée pendant tout le salon – mais se prêtent volontiers à un exercice mille fois répété et qui se termine avec quelques interviews accordés aux médias locaux et nationaux.



Après une matinée de conférences conviant des start-up à la recherche de l’idée de génie où les professionnels de la publicité ou du marketing évoluant autour du disque, les deux rendez vous importants de la journée sont la rencontre avec les managers et le coup d’envoi du Midem Hack Day : trois jours pendant lesquels trente développeurs d’applications vont plancher sur la mise en route d’un logiciel mobile en lien avec la musique et dont la fonction finale est libre, pourvu qu’elle rende un service potentiellement monnayable ! Dommage qu’ils aient été mis à l’écart dans une salle presque inaccessible du haut du Palais des Festivals.

SOV

Comme tous les soirs, à partir de ce jour, les plus importants stands vont organiser des cocktails – de crise – qui donnant à tous les stakhanovistes de la musique, ou à celles et ceux qui n’ont pu s’offrir les hôtels du bord de mer, l’occasion de décompresser autour d’un verre et quelques gâteaux secs. Mention spéciale pour l’A2IM (American Association Of Independant Music) qui va, tous les soirs du Salon, ouvrir son espace et son bar à nombre de participants et de visiteurs pour des apéros-rencontres dans une ambiance digne des meilleurs pubs Anglo-Saxons. La crise, peut-être, la morosité, certainement pas.

SOV

Depuis ses débuts, le Midem invite des artistes à se produire, généralement pour promouvoir une sortie d’album. Si ces dernières années le Midem a entrepris de mettre sur pied un mini festival avec une programmation bien sentie, le décor et l’emplacement ont été modifiés pour différentes raisons. Officiant jusque-là sur le magnifique décor du Palm Beach à l’autre bout de la Croisette, dans un chapiteau d’une jauge de 3000 personnes et avec une billetterie pour le grand public, cette année le Midem a décidé de rapprocher la scène des exposants en montant le Magic Mirrors (que les Parisiens connaissent bien pour être le chapiteau du Cabaret Sauvage ou de Chorus à la Défense). Un chapiteau de mille personnes jouxtant les Palais Riviera et des Festivals, quasiment les pieds dans l’eau. En plus du Festival Off, qui voit certaines formations « découvertes » se produire dans des cafés de la ville. Plus de billetterie mais une flopée d’invitations distribuées dans tout Cannes et ses environs. Certains résidents des villes plus éloignés regretteront, cependant, de ne pouvoir assister à la venue de têtes d’affiche, rares dans leur région.

Vainqueur du concours Play Midem Live 2013, le groupe Yes Sir Boss originaire de Bristol, soutenu par Joss Stone (et signé sur Joss Stone records) se compose de six musiciens. Ils l’accompagnent, entre autres, sur une reprise de Come Together au festival Woodstock en juillet 2012. En pleine ascension dans leur pays d’origine, ils étaient, avant ce soir, des inconnus pour les Français. Avec la sortie d’un premier album, Desperation State, attendu pour février en Europe, ces cinq garçons et une fille jouent des airs de rock légers à la croisée des bandes sons de Goran Bregovic ou des Bandes Originales de films de Quentin Tarantino. Une des particularités et difficultés de jouer au Festival Midem réside dans le fait que le public se voit composé de professionnels de l’industrie du disque (et non de la musique au sens large) venus à Cannes pour faire du Business avant tout. Sans bouder son plaisir d’être, le soir venu, des privilégiés auxquels un Festival est offert, force est de reconnaître que la chaleur ou les encouragements que certaines jeunes formations récoltent sur des scènes Parisiennes ou provinciales ne sont pas au rendez-vous.
Avec leurs cuivres et une énergie collective manifeste, Yes Sir Boss ont, de plus, la dure mission d’ouvrir le festival, ce qu’ils feront sous des relents de reggae revisité (Not Guilty) voire de folklore (I'll Be Gone) et sans aucune sorte de trac. Yes Sir Boss ont l’aspect et le goût du collectif fanfare Balkanique tout en se plaçant comme le parfait groupe de pub Anglais.

SOV

Touche à tout né en Israël de parents diplomates en poste en Jamaïque, Asaf Avidan crève l’écran de nos postes de radio, depuis quelques mois maintenant. Paradoxe supplémentaire pour celui qui se destinait aux arts vivants ou au cinéma, son succès est dû à un jeune berlinois de vingt-cinq ans qui, signe des temps, ne connaissant Asaf et sa musique que par les réseaux sociaux a entrepris de remixer le titre One Day, initialement acoustique, en une ballade électro-dance ayant parcourue la planète et Facebook plus vite qu’un traînée de poudre.
Une séparation amoureuse pousse le jeune Asaf à quitter l’image pour se mettre à composer et chanter ses textes, seul à la guitare. Depuis, il a formé son groupe de scène composé de trois filles, violoniste, pianiste et contrebassiste et d’un batteur. Avec une voix très haut perchée mais cassée comme les affectionnaient Robert Plant ou Cindy Lauper et un talent indéniable en tant qu’auteur compositeur folk, Asaf Avidan se démarque des chanteurs de sa catégorie par une crête qu’il porte à la Joe Strummer (en 1983) et un franc parler qui va en scotcher plus d’un en ce premier soir de festival : « C’est difficile pour moi ce soir car vous n’êtes pas un vrai public. Vous êtes là pour le business et j’aimerais savoir combien ont payé leurs tickets ce soir ? Toi ? Non. Tu es la nièce du patron d’un label... » ! Rappelons tout de même que l’artiste à repoussé la sortie de son album pour coïncider avec le Midem 2013.

SOV

Revenus d’entre les morts pour insuffler un air de nostalgie aux quinquas et quadras survivants des années 70s/80s et, plus étonnant encore, un air frais à toutes ces générations postérieures qui n’avaient connu ce groupe que grâce à la discothèque de leurs parents, Madness n’en finisent plus d’étonner. Si le groupe a longtemps vécu sur ses lauriers et ses titres légendaires, le nouvel album des nutty boys, Oui Oui, Si Si, Ja Ja, Da Da affole les critiques et son succès étonne ses protagonistes, eux-mêmes ! Oui, oui, le Madness version originale, celui des rythmes et des mesures coupés à la serpe, celui des cuivres inspirés par Stax et des riffs jamaïcains, est de retour. Avec une seule idée en tête, celle de faire danser et sourire à l’écoute des textes, souvent acides, croulant sous l’accent cockney plus présent que jamais. Ce qui fera d’ailleurs dire à Chas : On peut prendre les mêmes couleurs, mais ne pas peindre la même chose pour autant.
Entrés en scène sur une introduction devenue tellement légendaire qu’elle représente à elle seule tout un mouvement de la musique rock, le Ska, Suggs (Graham Mc Pherson), Chas Smash (Cathal Smith), Mike Barson, Chris Foreman, Lee Thompson, Mark Bedford, Dan Woodgate et les trois « jeunots » des cuivres accompagnant le groupe depuis quelques années, lancent les hostilités et le pas en avant que s’empressent de suivre des dizaines de spectateurs, enfin réveillés par le very nutty sound : One Step Beyond ! Ces gars-là, malgré leurs âges quasi canoniques ne feignent rien, ni leur plaisir, intact après trente-trois années de carrière, ni leurs passions pour la musique qui fait danser dés les premières mesures, ni leur stupéfaction d’être, encore et toujours, dans une forme olympique – notamment depuis 2012 – et toujours acclamés par une foule de sept à soixante-dix-sept ans. Dans le public, quatre fans absolus, la quarantaine bien touchée et costumés de blanc avec chapeau turque rouge et de noir avec chapeau anglais à damier, vont lancer les jambes et les bras en avant durant l’heure et demie que durera le concert, allant jusqu'à initier un ska qui se terminera en pogo devant la scène. Des Français, des Italiens, des Allemands mais également des Anglais, estomaqués par cet hommage rendu aux cockneys à deux pas des marches les plus célèbres du monde du Septième Art vont les rejoindre pour en découdre devant les yeux ravis de Suggs et Chas, toujours complices et toujours aussi prompts à exécuter des pas qu'ils sont, au final, les seuls à réellement maîtriser. Deux petits gars de huit ans à peine seront invités à les rejoindre sur scène pour un Night Boat To Cairo fermant conventionnellement le set de Madness. Conventionnel, le show aurait pu l’être devant un si faible public, pourtant Madness ont pris le risque de jouer des titres rarement interprétés depuis les années 90 comme Take It Or Leave It (titre de leur film documentaire tourné en 1982) ou encore The Sun And The Rain, pamphlet ironique comptant la météo de leur Londres d’origine.

Avec de tels artistes affichant depuis si longtemps la même passion sans jamais se prendre au sérieux, on se demande vraiment comment l’industrie du disque a bien pu embrasser la crise ?