Mr Jukes & Barney Artist

Mr Jukes, guitariste/chanteur de Bombay Bicycle Club et désormais DJ jazzy-cool, retrouve son complice Barney Artist, MC à la coule, un an après The Locket, album commun enregistré en une seule session studio sur lequel de petites pépites hip-hop à l'ancienne se mêlaient à de simples plages de remplissage. On se disait alors qu'un bon EP aurait largement fait l'affaire. Constat probablement partagé par nos deux protagonistes puisque si cet Eternal EP ne propose que cinq titres, chacun semble avoir été préparé et travaillé aux petits oignons. Au menu, moins de plats mais plus de saveurs pour un résultat bien plus digeste.

La ligne directrice et les inspirations du duo restent sensiblement identiques sur ce second opus, ici pas de uzi ni de drill mais des samples de jazz à la Native Tongues (les vrais savent) et un flow laid back à la Loyle Carner (les jeunes aussi). The Locket séduisait par son aspect brut et ses quelques titres bien balancés mais péchait par son manque de singularité, les belles références semblant être plus récitées qu'assimilées. Sur Eternal, on sent tout de suite que les anglais ont disposé de plus de temps pour peaufiner leurs productions, nettement plus complexes et subtiles, et affiner leur style pour apporter une réelle touche personnelle, plus pop, plus classe, plus distanciée, en un mot, plus londonienne.

Sur Eternal, morceau titre, et Air To Your Hidden Lung, Mr Jukes & Barney Artist s'amusent à brouiller les pistes avec des couplets hip-hop portés par la voix joliment voilée du MC et des refrains à la structure pop, rappelant les premiers amours de Jack Steadman au sein de BBC (non, pas pour Benzema-Bale-Cristiano, sois un peu attentif s'il te plaît). Runaway, avec sa douce guitare, évoque le travail de Bakar dans sa veine la plus sensible avec comme toujours une petite touche jazzy, signature de nos deux lascars. Les deux plus belles réussites de cet EP se nomment Sacred Symphony, sur lequel Barney place un kick sec et efficace, sans refrain, sur une belle instrumentation soul et surtout 93, véritable point d'orgue, avec ses scratchs vintages et sa petite ritournelle au piano qui ravira les fans de Jurassic 5.

Suivant la célèbre maxime « less is more » de l'école du Bauhaus (non ce n'est pas une invention des pages modes de Elle ou du D.A. d'APC, sois attentive toi aussi), Mr Jukes & Barney Artist ont compris qu'un EP bien troussé vaut toujours mieux qu'un LP déséquilibré. Affichant seulement quinze minutes au compteur, Eternal s'écoute en boucle sans jamais lasser. Facile d'accès mais inspiré, il devrait séduire les fines gueules du hip-hop autant que les quelques ayatollahs du rock indé encore allergiques aux sonorités urbaines.