Anna Prior

Principalement connue en tant que batteuse de Metronomy, Anna Prior, également DJ et productrice, sort sur le label House Anxiety (Genesis Owusu, Courtney Barnett) son tout premier EP solo intitulé Almost Love, réjouissante collection de bombinettes dancefloor. Fleurant bon la rave UK 90's et la Balearic House, ce disque s'inscrit en plein dans la grande mouvance actuelle de la scène anglaise, à savoir le retour de la musique de club dans son versant hédoniste, festif et naïf des années 90. On pourrait citer en exemple les derniers albums de Disclosure, Ibibio Sound Machine ou Porij mais on pense ici avant tout à deux disques, Mid Air de Romy et BRAT de Charli XCX. Plus incarné que le premier et moins chav et trashy que le second, Almost Love dispose de tous les atouts pour séduire à la fois les amateurs de musique qui s'écoute et ceux de musique qui se danse.

Planant et entraînant comme un titre de BICEP, le single Almost Love ouvre en beauté cet EP éponyme, En moins de six minutes, vous vous trouvez téléporté sur une plage des Baléares, un vent encore doux vous caresse la nuque alors que le soleil se couche. La soirée peut débuter, bienvenue dans le club. Inspiré par son séjour au Portugal, Tech Não explore les émotions liées au sentiment de perte et d'anxiété dans une boîte de nuit. On y retrouve donc logiquement une douce mélancolie électro-pop 80's alliée au style percussif de la nu rave de la fin des années 2000.

Autre réussite indéniable, Fall Back mêle habilement immédiateté dancefloor avec kick bien carré, refrain pop fédérateur et électronica pointilliste à la Ross From Friends. Anna Prior confie que « la chanson parle du moment où j'ai réalisé que l'amour d'un partenaire n'est jamais inconditionnel. Je pense que c'est là que mon manque de confiance dans les relations ainsi que mon hyper indépendance ont commencé à se développer et que je me suis mise à chercher des personnes qui, je le savais, ne pourraient jamais m'aimer, afin de ne plus jamais être blessée ». Ce ressentiment vous semble étrangement familier ? Rien de plus normal, c'est d'ailleurs pour ça que nous aimons tant la pop anglaise, car à défaut de soigner les cœurs brisés, elle en panse les plaies.

Under A Halo ralentit le rythme des bpm mais certainement pas la cadence du disque. Plus calme et accompagnée de beats saccadés, cette parenthèse permet de s'attarder sur le précieux travail de production d'Anna Prior et de son acolyte James Greenwood, alias Ghost Culture. Si pour son projet solo, Anna a bien coupé le cordon ombilical avec Metronomy, tout en étant toujours membre active, les fans du groupe retrouveront sur Nervous cette électro-pop groovy et nonchalante qu'ils affectionnent tant et qui donne toujours autant envie de longer la côte amalfitaine en Alfa Romeo décapotable (ndlr : et électrique).

Enregistré avec le trio franco-brésilien PPJ (Páula, Povoa, Jerge), Up2You s'impose comme un des, si ce n'est le titre phare de l'EP. On pourrait chercher les mots justes pour vous en détailler les raisons, mais demandez plutôt à vos hanches, votre bassin et vos pieds, ou toute autre partie du corps que vous aimez bouger en dansant, ils vous expliqueront cela beaucoup mieux que nous. D'ailleurs dans notre micro-récit, il est trois heures du matin et la foule ne fait plus qu'un quand un rugbyman montpellierain au t-shirt imbibé de sueur tenu chaleureusement par l'épaule par un hipster vêtu intégralement en VETEMENTS nous hurlent de concert dans les oreilles leur analyse du morceau, aussi expéditive que pertinente : « Régalade ! ».

Après ces six impeccables titres club, on imagine que l'anglaise va nous livrer une attendue petite balade de clôture afin de montrer que derrière la productrice survoltée, il y a un petit cœur qui pense et un cerveau qui bat. Mais ce n'est pas le genre de la maison et il ne faut pas oublier que lundi matin quand elle va rejoindre ses collègues de Metronomy après son escapade solo, la machine à café se trouvera dans les locaux de Ninja Tune, maison ancestrale qui a retrouvé le panache et l'émulation de son âge d'or. Plutôt qu'un titre passe-partout ou déjà-vu, Anna lâche une dinguerie sans trop de rapport avec le reste du disque. Percussions déstructurées abstract hip-hop à la DJ Vadim, ritournelle à la Jamie xx entre Suspiria et Twin Peaks et voix blanche toute en écho comme chez Voice Actor et Headache, la batteuse signe avec Who Is She un sacré morceau de bâtard !

Sept titres, trente-quatre minutes et pas une à jeter, Almost Love sort comme un EP, pourtant c'est déjà presque un album dont on est éperdument in love.