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Roskilde Festival

Roskilde, du 5 au 8 juillet 2012

Live-report rédigé par Kris le 16 juillet 2012

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Il y a cette odeur envahissante, prenant aux narines, titillant le fond de la gorge, et s’incrustant au plus profond pour s’incruster et ne jamais vous quitter. Forte et âpre, elle va de pair avec la vision de ce chaos organisé, détritus à perte de vue, gobelets, vêtements, chaises et papiers en tous genres, ombres de garçons et de filles appairés errant sur le terrain vague au-devant de la scène Orange. Il est quatre heure du matin, et les dernières basses retentissent au loin, tandis que la capuche me couvrant les oreilles servira d’œillères de fortune pour rejoindre les autres et me diriger vers les camps où se côtoient fatigue et excitation, comme un équilibre ténu mais véritable entre ceux qui tiennent, et ceux qui ne peuvent plus.

Demain, dernier jour de festival, et chacun des cinquante-deux os de mes deux pieds semblent être sources de douleurs inconsidérées plongées dans des bottes bien trop grandes. Mes boules quies, que je ne mets paradoxalement que pour dormir dans ma tente et non pas pour la musique lors des concerts, me protègent désormais des bruits parasites tant mon crâne ne peux suivre le rythme que je lui impose entre éreintement, ivresse et exaltation naturelle.

Un brouillard épais s’appose sur le site. Un couple endormi est allongé sur l’herbe se tenant par la main. Le Dancing In The Dark de Bruce Sprinsgteen plus tôt dans la soirée résonne désormais dans ma tête, et je me mets à avancer en chaloupant mes pas. Je comprends l’attrait pour ces ambiances de fins du monde. Comment agir quand il ne reste plus rien à faire ? Le brouillard se perce par endroits de spots et lueurs orange, et la musique s’assourdit au loin.

Cette odeur. Je ne la sens qu’ici. Peut-être la consistance de la terre remuée par les 130 000 spectateurs du festival. Peut-être l’urine et la pluie. Peut-être les tonnes de nourriture et de bières. Peut-être un peu de tout. Cette odeur qui perce et nous couvre. Celle qu’on ne sent plus. C’est celle de Roskilde. Cinq jeunes blonds dansent en rond alors que je me dirige finalement vers le jazz langoureux et sensuel de Lee Fields et de ses Expressions sous la tente Odéon. La quiétude attendra.

Araabmuzik – scène Apollo – 17h00

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Entrée en matière musclée avec l’inauguration de la nouvelle scène mobile Apollo, destinée à se déplacer dans les campements lors du pré-festival, établie dans les camps ouest de Roskilde. Sous un ciel gris mais clément hurlent les mixes virulents d’Araabmuzik. Le producteur américain assène ses boucles électro, entre déconstructions house-techno et exercices de style appuyés avec ses lignes aux percussions malmenées.

Exit les voix qui assouplissaient les riffs d’Araabmuzik, ici seuls se maintiennent ces rythmes effrénés aux influences hip-hop, à l’instar de ses illustres congénères de Madlib ou Flying Lotus. Il y a quelques pointes de mauvais goût – ou pour être plus politiquement correct, des clins d’œil rétrogrades – sous forme de riffs électro mécaniques, mais qui semblent fortement plaire aux jeunes danois venus suer un bon coup.

Django Django – scène Pavilion – 17h30

La curiosité, plus que l’excitation, nous mène vers le concert de Django Django, pour voir si la folie contenue de leur album éponyme se retranscrivait bien sur scène. Verdict : pas vraiment. Si, sur disque, les chansons protéiformes de jeunes écossais se veulent à la fois organiques néanmoins dansantes, en concert, celles-ci ne parviennent que peu à trouver écho au niveau du public comme du groupe.

Peut-être aurait-il fallu les programmer à une heure plus tardive, car Django Django n’excellent aussi rarement que dans des montés progressives, proto-rock dansant et mouvant, quand les foules arrivent usées et se retrouvent malgré elles embarquées dans un tourbillon à la fois primitif et moderne. Le quatuor demeure un peu trop sage, trop propre, les harmonies vocales sont lissées, et le chaos sonore, d’où naissent leurs plus belles mélodies déstructurées, ne parvient jamais à réellement s’installer.
Semi-déception malgré une jolie performance. Mais qui peut réellement se contenter de joliesse ?

The Shins – scène Arena – 18h00

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Qu’attendre d’un concert des Shins en 2012 ? D’un côté, leurs deux derniers albums, Wincing The Night Away et Port Of Morrow, sont assez décevants, de l’autre, les Shins ont tout de même été l’un des fleurons du mouvement rock indé des années 2000. Le set des Shins sera à leur image : propre, net et rempli de tubes. Bien qu’avec plus d’une décennie de carrière derrière eux, ils n’auront sorti que quatre albums, et leur setlist ressemble désormais à un Best Of, où toutes les périodes de leur discographie sont représentées.

On regrettera peut-être le choix de ne pas incorporer les embardées solos de James Mercer d’avec Danger Mouse au sein de Broken Bells, ou tout du moins de pimenter quelque peu les compositions très calibrées des Shins. Peu importe, chacun pourra ainsi en retirer ce qu’il souhaite, et tant qu’il y aura une bonne partie du set réservée à Chutes Too Narrow, on ne pourra jamais réellement bouder son plaisir.

The Cure – scène Orange – 21h00

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De même que pour les Shins, à quoi doit-on s’attendre d’un groupe aussi emblématique, mais autant déconnecté de son époque que celle d’aujourd’hui ? La new-wave romantique a déjà connu sa relecture post-moderne en milieu de décennie, et ne demeure plus désormais que des relents dans la musique actuelle.

Peut-être faut-il être fan des Cure, au temps présent et non au conditionnel, pour s’émerveiller de l’intemporalité d’un tel groupe autarcique. Robert Smith apparaît à son plus caricatural – enflé, peinturluré et avec un nid à corbeaux sur le crâne – et les Cure ne sont pas les communicatifs les plus doués du monde. Mais comment ne pas plonger dans la liesse de ces quelques-uns se sentant privilégiés d’entendre vrombir la guitare insaisissable de In Between Days ou la basse intransigeante de A Forest. Des dizaines de milliers de personnes, et chacun parvient à retrouver ses sensations d’adolescents, ce rock à fleur de peau, cette rébellion commune et personnelle.

Au contraire de (trop) nombreux groupes ou artistes jouant sur les cendres de leurs carrières antérieures, les Cure ne sont pas que le fruit de leur époque ; et leur set est totalement calibré pour catalyser cette substance inaltérable. Sur les 2h30 de concert et quelques trente chansons, la grande majorité est issue de la période 84-92 durant laquelle les Cure ont sorti quelques-uns de leurs albums les plus populaires (Kiss Me, Kiss Me, Kiss Me, Disintegration et Wish), et finalement très peu de leur période cold-wave et de leur carrière plus récente. Mais c’est surtout un son qui transparaît de ce concert, un son que l’on n’avait plus eu l’occasion d’entendre depuis eux. Un son clair, teinté d’une mélancolie insondable, des guitares tranchantes et des arrangements formidables au support d’une voix qui souffre et vit comme un adolescent, comme un adulte, comme un vieillard.

Peut-être aura-t-il fallu grandir avec Disintegration comme bande-son de son adolescence. Peut-être aura-t-il fallu assister à des centaines de concerts sans intérêts. Peut-être aura-t-il fallu se pâmer devant la voix sans effroi de Robert Smith, nette et douloureuse comme une plaie propre et ouverte. Just Like Heaven et son idéalisme, Pictures Of You et sa langueur, Lovesong et sa dévotion. Alors, quid des Cure en 2012 ? Une bénédiction.

Janelle Monaé – scène Arena – 23h00

Deuxième Roskilde consécutif pour Janelle Monaé. Si l’année dernière, l’Américaine passait sur la scène Cosmopol, cette année, c’est la grande scène d’Arena qui lui est offerte. Et malgré la concurrence des Cure sur la scène Orange, le public s’est fortement rassemblé pour voir le show de Janelle.

Ce même show n’a pas vraiment changé depuis l’année dernière. L’effet de surprise en moins, mais une qualité scénique toujours en plus. Car Janelle et son backing band ne se ménagent pas : costumes, chœurs, instruments, danses et énergie survoltée viennent envahir Arena. Peu encore de nouvelles chansons malheureusement, et ce sont donc beaucoup de titres d’ArchAndroid qui feront danser les foules.

Courant d’un bout à l’autre de la scène, Janelle harangue, danse et virevolte, tout en se montrant complice avec ses compagnons de scène. De la soul moderne comme en entend peu. La reprise d’I Want You Back déchaîne les foules, Tightrope les achèvera. Sous la chaleur de l’immense tente, malgré l’exténuation et l’heure et demie de concert que Janelle Monaé aura fourni, ils en demanderont encore. Généralement un bon signe.

Apparatjik – scène Orange – 01h00

Ovni qu’est Apparatjik. Supergroupe composé de Guy Berryman de Coldplay, et de membres de A-ha et Mew, la scène Orange leur est dédiée pour conclure cette première journée de concert. Mouais. Autant sur le papier, il y a de quoi susciter la curiosité, autant sur scène, tout retombe comme un soufflé. Il n’y a pas vraiment de cohérence. De la pop mêlée à de l’électro grossière et une mise en scène WTF (artistes masqués, textes défilants sur les écrans, confettis et coloris, mascottes et autres étrangetés sur scène), le projet Apparatjik ne ressemble pas à grand-chose, mais les musiciens semblent au moins bien s’éclater. Après, la qualité...
artistes
    Araabmuzik
    Django Django
    Orqueta Tipica Fernandez Fierro
    Maïa Vidal
    Kraftklub
    Kellermensch
    The Shins
    Lone
    Analogik
    Clock Opera
    Sam Amidon
    Today Is The Day
    Martyn
    Wiz Khalifa
    The Cure
    Blitz The Ambassador
    Trash Talk
    The Alaev Family
    The Abyssinians
    Modeselektor
    A$ap Rocky
    Perfume Genius
    Janelle Monae
    Apparatjik