Chronique Album
Date de sortie : 27.01.2023
Label : Cherry Red Records
Rédigé par
Pierre-François Long, le 25 janvier 2023
Il faudra qu'un jour un biographe digne de ce nom se penche sur le cas de Lawrence Hawyard, alias Lawrence, alias Felt, alias Go-Kart Mozart, et désormais alias Mozart Estate. Comment ce musicien, compositeur né, responsable à quasiment lui tout seul d'un des plus étranges et des plus beaux albums des années 80 (The Splendour Of Fear sous le nom de Felt), n'a jamais percé au-delà du circuit indé et des initiés. Cruelle injustice que pourrait réparer ce (inspirez un coup) Pop-Up! Ker-Ching! And The Possibilities Of Modern Shopping.
La pochette pose déjà tout de suite les bases : on va être sur de la pop. Mais attention, de la pop haut de gamme. Quelque chose de rarement entendu ces derniers temps. Un album d'une richesse mélodique assez incroyable, gavé de tubes potentiels si les programmateurs radios voulaient s'en donner la peine. Un peu à l'instar de The Lemon Twigs, Mozart Estate vous emmène dans un grand huit musical à couper le souffle. La seule différence, c'est que The Lemon Twigs délayent leurs idées sur des chansons franchissant souvent allègrement la barre des quatre minutes, alors que Mozart Estate balance des titres deux fois plus courts, mais comportant autant d'innovations et de gimmicks imparables.
Dès I'm Gonna Wiggle, on sait qu'on a tiré le gros lot. Des voix de partout, une pêche d'enfer, et puis une vraie chanson, un vrai truc imparable. Et le plus beau, c'est que le miracle se répète à plusieurs reprises, et avec des incursions dans des styles différents. Franchement, à part Lawrence, qui oserait citer « Tutti Frutti » dès le second titre d'un album ? Pas grand monde, et le pire c'est que cette citation, loin d'être un simple hommage, sert véritablement la chanson.
Four White Men In A Black Car et son leitmotiv envoûtent, Pretty Boy et And Now The Darkest Times Are Here, avec leurs synthés échappés de la synth-pop, sont des tubes comme Metronomy n'en n'ont pas sorti depuis très longtemps (voire jamais, mais ceci est un autre débat). Les couplets sonnent comme des refrains, on a à peine le temps de se remettre de ses émotions que le titre est fini et qu'on passe à la tuerie suivante.
Lawrence se permet même de jouer au Ray Davies version 2023, avec un Pink And The Purple à reprendre en chœur dans tout pub qui se respecte. Sur Flanca For Mr Flowers, c'est Damon Albarn qu'on croise, sans pour autant que l'on puisse crier au plagiat tellement la chanson est bien foutue. Lawrence sait, en plus, écrire des ballades splendides, Honey est là pour en témoigner, avec une voix toujours sur le fil du rasoir. La fête se termine sur un Before And After Thebarcode roulant sur la jante. On a alors une seule envie : remettre le disque au début.
En ce début 2023 marqué du sceau de la sinistrose, cet album fait un bien fou, et prouve une nouvelle fois tout le talent de Lawrence, qui semble ne pas s'étioler au fil des ans. A écouter sans délai !