Richard Russell, fondateur du label XL Recordings (Radiohead, Fontaines D.C., Adele, The Prodigy...), sort un nouvel album d'amoureux de la musique et de collectionneur patient et généreux. Au roaster de son label, on savait qu'il avait une oreille, on découvre ici qu'il a aussi un cœur. Sous le nom de Everything Is Recorded, il s'entoure d'une foule de musiciens dans son studio, ou de son sampler pour les les voix des disparus.
Les titres foisonnent de craquements de vieux vinyles, diffusent la chaleur des enregistrements qui ont bien vieilli et groovent avec la dynamique d'une production moderne. Ce cocktail en fait une œuvre intemporelle à l'opposé du titre de l'album. Il vient en fait d'une remarque de Jah Wobble, venu poser quelques lignes de basse en studio : “Temporary, exactly. And we all are”. Ce n'est pas la musique qui est temporaire, ce sont les musiciens, et bien sûr ceux qui les écoutent, même si les publics peuvent se renouveler.
On trouve aussi quelques fantômes sortis de leurs placards pour hanter les nuits de 2025. C'est le cas des classiques de la folk britannique (Jackson C. Frank ou Molly Drake, mère de Nick) ou américaine (dont Camille Yarbrough, rendue à nouveau célèbre par FatBoy Slim). Il y a aussi des chanteuses plus contemporaines (Clari Freeman-Taylor de Mary In The Junkyard, Florence Welch sans ses machines et Noah Cyrus). Pour marier le tout, il faut des musiciens de jazz hors-pair ou le mythique Jah Wobble qui a participé à la naissance du post-punk avec Public Image Ltd, le premier groupe après punk puisqu'il est né des cendres des Sex Pistols.
Au cœur de
Temporary, les courants se croisent et s'entremêlent, et la musique se place comme un langage universel qui touche les âmes et le travail du temps qui passe. Richard Russell reconnaît avoir découvert la folk sur le tard, après avoir développé son goût pour une musique moins immédiate. Sa jeunesse avait été plutôt tournée vers l'électro et les raves, il peut maintenant s'affranchir de tout style et sculpter des morceaux qui font vibrer les cordes sensibles.
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Sound Of February, tendez l'oreille, l'album ne manque pas de pépites. J'ai un faible pour
Losing You et son groove de basse phénoménal, sa boucle de cuivre entêtante et ses voix magiques. Quant à
Never Felt Better, elle exprime de la douleur et de la profondeur, mais il y a aussi un sentiment d'apaisement qui laisse penser que l'on se sent effectivement bien, ou en tout cas mieux. Les chœurs gospels soulignent la dimension mystique de la chanson.
L'avantage, quand tout est enregistré, c'est que l'on peut écouter la bande encore et encore. Ce disque doit tourner en boucle, grâce à sa variété chaque rotation vous apportera son lot de surprises.