C'est le dernier jour de fête à Reykjavik où le week-end du Iceland Airwaves livre ses derniers sons. On termine dans un premier temps l'après-midi au festival off dans divers lieux de la ville pour des concerts gratuits.
Le trio écossais
No Windows propose un showcase sur la petite scène du disquaire Lucky Records. Avec des airs adolescents et détendus et des interludes ponctuées d'interventions rigolotes, le groupe d'Edinburgh propose une mixture shoegaze-pop portée par des compositions plutôt réussies et efficaces. La voix flottante de la chanteuse Verity Slangen accroche l'oreille et donne un aspect dream pop à l'ensemble, qui reste dans un tempo assez lent malgré la saturation. Une bonne entrée en matière pour une fin de journée avec cette excellente découverte.
Petit détour par la splendide et historique salle Iðnó, au bord du lac de la ville. On a la chance d'assister à un concert de la pianiste du Costa-Rica
Sofi Paez, signée sur le label d'Ólafur Arnalds. Installée à Berlin, celle-ci nous envoûte avec ses boucles au simple piano, semblant complètement habitée par son instrument. Elle propose deux pièces mélancoliques qui instaurent une atmosphère particulière dans la salle, entre tristesse palpable et espoir à renaître. Le piano de Sofi Paez est à découvrir si l'on veut vivre une expérience intimiste et gracieuse.
Le club du Gaukurinn nous accueille avec un concert de
Prewn. La songwriter américaine Izzy Hagerup s'avance seule avec sa guitare électrique, elle fait raisonner des sonorités grunges à l'avant de sa voix fragile et énervée, sur des textes personnels empli d'émotions, principalement sur le deuil. Entre rock garage écorché et aspirations vocales douloureuses, Prewn nous prend par les sentiments dans un concert constamment sur le fil et d'une grande intensité. Un guitare-voix en solo brut et immédiat pour des compositions qui s'étendent en longueur sans jamais retomber avec une sincérité qui désoriente. Ce garage-folk démoniaque et anxiogène nous a bien retourné.
Il est temps de rejoindre le Art Museum pour un concert beaucoup plus calme avec
Charlotte Day Wilson. La canadienne est accompagnée de son groupe et de ses choristes pour un concert alliant folk et r'n'b contemporaine. Sa voix profonde et essentielle nous impressionne immédiatement, dégageant un charme intemporel. Ses compositions affichent une lenteur paisible, avec ses résonances gospel qui leur donnent une coloration particulière. La multi-instrumentiste s'accompagne de sa guitare ou au piano pour une performance en douceur, comme si chaque personne du public se retrouvait dans un cocon douillet. Charlotte Day Wilson n'oubliera pas son fameux tube
Work, qui nous rappelle ce vidéo clip féministe ayant marqué la fin des années 2010's. Ce morceau impose une ambiance spéciale avec ces « I'll take it slow » prolongés de chœurs angéliques pour un public qui vit le moment intensément et sans sa bulle. Un concert en forme de communion.
La tête d'affiche anglaise du soir s'appelle
bar italia. On en a effectivement beaucoup entendu parler ses derniers temps, et le trio devenu ici quintet enchaîne les tubes hyper efficaces de ses deux derniers disques sortis l'an dernier. Les compositions s'étendent dans une langueur, alternant entre les passages chantés de Nina Christante et Sam Fenton dont les voix s'enlacent à la perfection. On se laisse emporter par cette coolitude nonchalante qui ressort de leurs titres navigant entre indie rock angoissé et noisy-pop so british. bar italia ont cette capacité à proposer des morceaux qui ont la dimension de classiques immédiats, comme l'excellent titre
Nurse! qui nous restera en tête bien après le concert. Des voix hyper posées voire parlées, une mixture sonore électrisante qui s'entremêle mais dont ressort une certaine clarté, les londoniens ont tout pour redéfinir le rock anglais des années 2020's en s'inspirant d'un romantisme et d'une esthétique alliant post-punk un brin gothique et pop dansante et proprette. Un psychédélisme exacerbé parvient à nous emporter pour un concert attendu et qui a tenu toutes ses promesses.
Terminons la soirée dans la salle Kolaportið, qui est habituellement plutôt utilisée comme une halle à fripes. La qualité du son diminue alors que nous ne sommes qu'à quelques mètres du Harpa, l'une des plus belles salles de concerts au monde mais qui n'est quasiment pas utilisée par le festival. On parvient tout de même à s'imprégner des assauts électro-noise du groupe anglo-français
Mandy, Indiana et sa chanteuse hyper énergique. Valentine Caulfield n'hésite pas à venir danser dans la fosse et à inciter au jump au beau milieu des beats indus, chantant intégralement en français. Évidemment, on fait moins les malins pour comprendre les textes dans le public. Les synthés et les percussions se mélangent à l'électro pour un dancefloor qui s'excite et part dans l'énergie collective. Une performance stroboscopique sur des rythmes aux tempo passant du suave à l'intense. Le climax se fait sur le tube
Pinking Shears et ces « j'suis fatiguée » répété au son d'une basse terrifiante et de rythmes organiques et tapageurs. Mandy, Indiana auront monté le volume pour un concert foutraque et haletant.
L'anglais
Wu-Lu et ses musiciennes prennent le relai, l'imposant chanteur Miles Romans-Hopcraft énervant la soirée davantage avec un garage rock brutal et froid. Entre guitare heavy, batterie hip-hop et assauts vocaux criards possédant cette influence soul, Wu-Lu livre un set dantesque et électrisant. Des torrents de guitares saturées s'abattent sur l'audience pour un concert empreint d'une rage poétique et organique. Le londonien livre probablement la performance la plus impressionnante du festival, un mélange d'influences hip-hop, punk et funk lo-fi qui ne peut être ressenti qu'intensément au travers de la dissonance et de la saturation portées par une batterie hyper intense. Wu-Lu est bien l'un des meilleurs performeurs live de la scène britannique actuelle.
Le quatuor punk New-Yorkais
cumgirl8 débarque en furie sur cette même scène pour rester dans cette même veine énervée que les deux concerts précédents. Le groupe 100% féminin et féministe fait de l'objectification du corps une satire avec des tenues sexy et colorée. Leur électro-pop dont l'inspiration va du hardcore à Britney Spears avec des tempos hyper-rapides, des basses vrombissantes et des élans dance ou disco-punk qui donnent envie de sauter sur place. cumgirl8 enflamment la scène avec les synthés addictifs de
Karma Police (qui n'est pas une reprise), éclairée par des projections de vidéos lo-fi à l'arrière de la scène. Une expérience intense qui se danse plutôt qu'elle ne se raconte.
C'est dans cette folie que s'achève le festival Iceland Airwaves, avec cette troisième journée qui nous a porté de l'introspection à l'excitation la plus totale. Ce festival a quelque peu diminué d'envergure ces dernières années, sans pour autant perdre son âme, ce sentiment de festival DIY fait un peu à l'arrache mais parfaitement organisé, dans des endroits atypiques et avec des groupes avant-gardistes. On espère pouvoir y retourner au plus vite pour apprécier l'Islande dans tout ce qu'elle a de plus accueillante musicalement parlant.