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The The

Paris, Bataclan - 26 juin 2025

Live-report par Laetitia Mavrel

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En cette toute fin de mois de juin, il flotte dans les transports parisiens un délicieux air de début de vacances. Des hordes de pré-ados fuient ainsi les bahuts après avoir suer toute la journée face aux épreuves du brevet des collèges. Des jeunes cervelles en apprentissage, enfin prêtes à scroller leurs iPhones comme si leurs vies en dépendaient sur les plages de France et d'ailleurs. Une ambiance de fin d'école qui nous ramène à notre propre situation en ce jeudi étouffant : ce soir, c'est à l'école du rock britannique, catégorie groupes devenus cultes, que nous nous rendons. La leçon nous sera donnée au Bataclan par le professeur Matt Johnson, leader et membre permanent de The The, qui a signé son nouveau come-back l'an passé avec l'album Ensoulment, à la suite d'une longue pause de vingt-cinq années.

Elle va donc résonner à nouveau fort, notre boîte à « Mieux vaut tard que jamais », car c'est en tant que jeune padawan que votre chroniqueuse se rend boulevard Voltaire, étant seulement au fait de la petite poignée de gros singles que le groupe a signé dans les années 80 (la découverte de The The s'étant faite grâce à une reprise acoustique de This Is The Day par les Manic Street Preachers), période la plus prolifique d'une formation qui depuis en a inspirée tant d'autres. L'histoire, les fans des premières heures la connaissent bien. Matt Johnson mène sa barque depuis 1981, et malgré quelques hiatus et travaux en parallèles, ce sont tout de même sept albums studios que l'anglais a produit, accompagnés de nombreux collaborateurs souvent des plus prestigieux tels Johnny Marr ou Gail Ann Dorsey. Un groupe qu'il a façonné de sa voix si chaude et profonde, avec cette incroyable série de textes forts, souvent tourmentés, révélateurs d'une personnalité perpétuellement en conflit avec ce monde étrange qui nous entoure.


The The, c'est aussi un groupe qui s'est toujours fait rare dans l'Hexagone, ses passages se comptant à moins d'une dizaine depuis les débuts, rendant ainsi le groupe culte et fortement désiré. Le retour de The The sur scène dès 2018 n'est pas passé par la France, c'est donc logiquement un Bataclan archi complet qui attend, un peu comme le Messie, cet improbable come-back. Ainsi, nous prenons place dans une salle évidement composée en majorité de fans de l'époque, mais il est aussi très agréable d'observer quelques poignées de spectateurs bien plus jeunes, peut être attirés par la discographie de leurs parents, dans tous les cas très impatients, comme la rédactrice de ces lignes, de participer à ce qui est un véritable petit évènement.

The The, c'est ce soir Matt Johnson accompagné de James Ellar à la basse et DC Collard au clavier, présents depuis les années 90, Earl Harvin à la batterie et Barry Cadogan à la guitare. Une formation solide qui va réussir à replonger les présents dans les meilleures années de The The, ainsi qu'enfin présenter Ensoulment, album d'une noirceur et d'une délicatesse extrême. Un retour plus que réussi, et c'est dans une ambiance très tamisée, sous un lightshow timide, que le groupe, chemises et pantalons noirs malgré la chaleur accablante, va opérer durant 1h45, nos offrant une setlist qui dans la première partie du concert proposera cinq morceaux du dernier album, entrecoupés bien sûr de titres mythiques de Infected, Mind Bomb et Dusk.
Un choix de titres plutôt calmes, interprétés avec une surcouche de grâce, Matt Johnson et sa voix de crooner berçant littéralement la foule, dans une ambiance tantôt soul profonde, tantôt soft jazz, mais sans les cuivres, une cadence délivrée méticuleusement par Earl Havin, l'impressionnant batteur dissimulé derrière ses lunettes noires.


Cette présentation de Ensoulment rappelle pour ceux qui l'avaient oublié la qualité de ce nouvel album que plus personne n'attendait. C'est une atmosphère feutrée et tendue que nous délivre Matt Johnson avec ce disque, reflet de ses réflexions troublées sur la vie, la mort, l'actualité plutôt morose qui est la nôtre. Quelques mots sont prononcés sur le fait que le groupe réalise d'autant plus la fragilité de la notion même d'être en vie, très émus de se produire dans la salle du Boulevard Voltaire. La première partie du set est quasi religieuse, les fans intensément plongés dans les chansons. Il faut donc attendre la seconde partie du concert pour sentir un Matt Johnson un peu plus loquace, qui commente ses titres, et qui remercie à de nombreuses reprises ce public parisien qui lui sera resté fidèle malgré cette très longue absence.
Arrive le moment où les « tubes » s'enchaînent avec l'entrée en matière de Soul Mining, et des interprétations de This Is The Day, The Sinking Feeling et I've Been Waitin' for Tomorrow (All Of My Life) magistrales, car ici encore plus posées. Place est faite à une orchestration de haute volée, ce qui rend le chant de Matt Johnson d'autant plus marquant. Nous profiterons de la présence de quelques amis, fidèles depuis les débuts du groupe, qui nous assurent alors que nous assistons ce soir à un des meilleurs concerts de The The à Paris, et qui nous confirment que le chant de l'anglais demeure le même depuis ces longues décennies.

La fin de set voit l'arrivée sur scène de Zeke Manyika, ancien contributeur sur Soul Mining, Infected et Dusk, qui viendra donner un peu de fantaisie au jeu de scène de nos musiciens, notamment sur Infected et durant le rappel où nous est interprété le meilleur de The The : Lonely Planet, GIANT et un Uncertain Smile qui s'étendra jusqu'à plus soif, les fans décidés de ne pas lâcher aussi facilement prise après ces très longues années de patience.

Les spectateurs présents ce soir peuvent s'enorgueillir d'avoir assisté comme à un petit miracle, confirmant le statut de groupe culte de The The. La prestation délivrée n'a fait que confirmer le talent de Matt Johnson, malgré ces longs hiatus qui auraient pu en désespérer plus d'un et nous permettra ainsi de patienter jusqu'au prochain retour que l'anglais lui-même nous a promis rapide.
setlist
    Cognitive Dissident
    Sweet Bird Of Truth
    Armageddon Days Are Here (Again)
    Heartland
    Kissing The Ring Of POTUS
    Some Days I Drink My Coffee By The Grave Of William Blake
    The Beat(en) Generation
    Love Is Stronger Than Death
    Where Do We Go When We Die?
    Risin' Above The Need
    Icing Up
    Slow Emotion Replay
    This Is The Day
    The Sinking Feeling
    Dogs Of Lust
    I've Been Waitin' For Tomorrow (All Of My Life)
    Infected
    ---
    Lonely Planet
    Uncertain Smile
    GIANT
photos du concert
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